Accueil > Mal de France

Mal de France

Publie le jeudi 10 novembre 2005 par Open-Publishing
3 commentaires

de Maurice Ulrich

Le gouvernement en est certes au point où il lui faut sortir de la crise pour rester crédible et garder la main. Mais il le fait en aggravant sa politique. À la casse sociale correspond l’appareil répressif.

Les flammes des nuits que nous vivons, dramatiques pour ceux qui sont touchés de près, invitent à un renversement de perspective. La banlieue n’est pas la périphérie. Elle est au centre de la société française. Il n’y a pas d’un côté des cités de la peur et de l’autre une France de la sérénité. C’est le pays qui est en crise. Les mêmes incendies éclairent crûment l’action du gouvernement. Il fallut sans doute beaucoup d’aplomb au premier ministre avant-hier pour énoncer ses mesures "sociales".

Pour nombre d’entre elles, des contrats d’accompagnement pour l’emploi aux subventions promises aux associations, elles ne sont rien d’autre que le rétablissement très relatif de ce que cette majorité s’est empressée de supprimer dès qu’elle est arrivée au pouvoir.

Il a fallu que sa politique en arrive à ces paysages de ruines, à ces brasiers auxquels les propos absolument irresponsables du ministre de l’Intérieur ne sont pas étrangers, pour qu’elle signe ainsi ce qui pourrait n’être qu’un incroyable constat d’échec des dernières décennies. Elle allait « réduire la fracture sociale », elle allait « en finir avec l’insécurité ». C’est tout le contraire. Mais ce n’est pas un aveu d’échec, ce n’est pas de l’impuissance, c’est une politique.

Car pendant que ça brûle, la casse continue. Ainsi de la création de nouvelles zones franches. Ce serait en aidant les entreprises à s’affranchir du droit que l’on ferait reculer le non-droit ? Ainsi de l’apprentissage à quatorze ans et des bourses au mérite. Des centaines de milliers de jeunes sortis plus tôt de l’école et une poignée d’entre eux promus : ce serait l’égalité des chances ? Comment ne pas voir qu’avec cette disposition le gouvernement aggrave précisément les fractures sociales. Il s’agit de la même logique que celle qui a mobilisé contre elle les lycéens au printemps. La réussite pour les beaux quartiers. Le socle minimum de connaissance, le SMIC éducatif, pour les lycées des quartiers modestes, l’apprentissage pour les jeunes des quartiers dits sensibles ; ceux où cela fait le plus mal.

Le gouvernement en est certes au point où il lui faut sortir de la crise pour rester crédible et garder la main. Mais il le fait en aggravant sa politique. À la casse sociale correspond l’appareil répressif. Nul ne doute de la nécessité impérieuse de voir finir les violences. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit avec l’état d’urgence. La loi de 1955 est bien une loi d’exception. Elle revient non seulement en compagnie des spectres de la guerre d’Algérie mais au moment où un tribunal, à Marseille, déclare une grève illégale, quelques jours après l’envoi contre des marins rejetant la privatisation d’un commando du GIGN, comme dans les luttes antiterroristes. Et pendant ce temps-là le MEDEF prépare ses coups contre l’assurance chômage, la précarité s’accroît.

La banlieue est au centre parce qu’elle n’est pas seulement faite de ces nuits-là mais qu’elle est la France du travail et que c’est là que frappe, partout, cette politique. Quand bien même elle frappe plus encore les plus démunis, ceux qui subissent le plus de discriminations. Les journées que nous vivons peuvent laisser des traces profondes mais elles peuvent aussi devenir un formidable appel au débat démocratique, aux rassemblements de tous pour d’autres constructions politiques, dans le respect et la confiance.

http://www.humanite.presse.fr/journ...

Messages

  • Il y a une façon perverse d’utiliser la démocratie, l’opinion, le vote même des Nombreux aux effets d’une grande nocivité pour la liberté.

    Car bien évidemment 75% des français qui ne vivent pas dans les banlieues approuveront toutes les contraintes qui seront imposées à ses territoires présenté comme des réservoirs d’insécurité
    Le couvre feu ... et pourquoi pas l’interdiction de sortir le soir des "zones" concernées.

    Récemment un juge dans une comparution immédiate a osé parler "d’intifada" en rejetant la responsabilité sur ceux des "territoires" ... concernés.
    Mais qui agit actuellement vis-à-vis des banlieue en proposant des réponses qui rappellent d’autres "territoires" contenus, auxquels est imposé périodiquement le couvre feu et dont la population est mise à l’écart de la vie économique de la région ?

    (Lorsqu’on voit "l’origine" des personnes impliquées il est encore plus apparent que ce rapprochement est tout à fait illusoire ... dans les faits.
    Il devient pourtant tristement pertinent dans le traîtement de la réalité et les "solutions" proposées.

    Nous ne devons pas céder,
    et accepter à chaque sollicitation de notre lâcheté
    de condamner telle où telle fraction de la population à laquelle nous n’appartenont pas (ou croyons ne pas appartenir)

    La violence, le viol, fait aux Nombreux a besoin de notre consentement par défaut pour être légitimé
    à nous de lui refuser (plus ou moins activement) notre voix.

    Luc Comeau-Montasse

    du fagot des Nombreux

    (Une lecture pour parcourir tout ce qui en nous est susceptible de se laisser tenter par la lâcheté
    "Le dernier survicant de quatorze (une présentation)"

  • le gouvernemnt Français est-il encore crédible ???

    salut et fraternité.
    Don peppone.

  • L’EXPIATION

    mardi 8 novembre 2005, Patrick Mignard

    Ca brûlait. La banlieue enfumée n’était pas à la fête,
    Pour la première fois Sarko baissait la tête.
    Il était arrivé pour causer crânement
    Il laisse maintenant Aulnay- sous -Bois fumant

    Ca brûlait. Les jeunes des banlieues fondaient en avalanches
    Face à des CRS suppléant les Pervenches
    Ne reconnaissant plus ni valeurs ni drapeau
    Ni cette République aujourd’hui en lambeaux.

    On ne distinguait plus de la ville le centre.
    Ca brûlait. Tout avait la couleur de la cendre.
    Pour de vaines promesses tant de fois répétées
    Des jeunes désabusés les plombs avaient pété.

    Par dizaines et centaines, ils s’en prennent à l’ordre,
    Celui qui les condamne et les contraint à mordre,
    Celui qui maintes fois a promis, rien tenu
    Qui fait que dans la vie ils se retrouvent nus.

    La violence n’est plus désormais simulacre.
    Ca brûlait, ça brûlait toujours. La fumée acre,
    Celle des incendies mêlée aux lacrymos,
    Celle qui prend les armes et ignore les mots.

    Ce n’était plus les cœurs vivants des enfants des cités,
    C’étaient des cœurs brisés par l’inégalité,
    Brisés de désespoir, d’exclusion, de misère,
    Celle que l’on hérite de son père ou sa mère.

    Etrangers dans la vie et étrangers partout,
    On prend vite conscience et c’est ce qui rend fou
    Folie de destruction des autos, des symboles,
    Allant même jusqu’à détruire les écoles.

    Cela dura des jours d’angoisse et de colère.
    Les limites franchies, il n’y a plus de repères.
    Quant aux politiciens, ils se mordaient les doigts
    Eux qui n’avaient jamais levé le petit doigt.

    Obsédés du pouvoir, leurs petites affaires
    Les tenaient à l’écart des cités mortifères ;
    La tenue de la Bourse et du taux de croissance
    Est pour tous ces gens-là majuscule importance.

    Banlieues abandonnées, tous ces jeunes en galère
    N’attendaient plus rien d’eux, désillusion amère.
    Tous les appels au calme se perdaient dans le bruit
    Que faisait l’incendie qui éclairait la nuit.

    Les médias attentifs, obsédés par l’audience
    Diffusaient sans arrêt toute cette violence
    Au point qu’à l’étranger, en regardant l’écran,
    Tout le monde criait : « la France perd son sang »

    Mais, révolte éphémère, l’ordre reprend ses droits.
    On donne quelques sous et tout le monde y croit.
    Riche et pauvre à leur place dans notre société
    Passons à autre chose, il ne s’est rien passé.

    Victor HUGO actualisé et matraqué par Patrick MIGNARD et Jean FEIX.