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Marion préféra être "fouille-merde" au "Monde"

Publie le vendredi 2 janvier 2009 par Open-Publishing

de G.P.

Dans un ouvrage éclairant, l’enquêteur explique comment l’affaire "Rainbow Warrior" le détourna du "Canard".

Dans Profession "Fouille-merde", un journaliste dans les coulisses des affaires..." (*), Georges Marion fait le récit de quelques-uns des plus gros scandales qui ont agité la République, ces dernières années ; de l’arrestation des faux terroristes irlandais de Vincennes à l’affaire du Carrefour du développement, une magouille au sein du cabinet du ministre français de la Coopération.

Aujourd’hui, journaliste indépendant en Allemagne, il y décrit aussi les raisons qui ont motivé sa décision de quitter "Le Canard enchaîné", en 1985, où il travaillait depuis sept ans, pour rejoindre un peu plus tard "Le Monde", où il œuvra pendant vingt ans, d’abord et toujours comme enquêteur, puis comme correspondant en Algérie et en Afrique du Sud.

A l’origine du divorce entre le journaliste et l’hebdomadaire, la célèbre affaire du "Rainbow Warrior", ce bateau de Greenpeace envoyé par le fond à Auckland en Nouvelle-Zélande, en 1985, à la suite d’une opération des services secrets français parce que Paris et singulièrement son ministre de la Défense, Charles Hernu, qui fut contraint à la démission, s’irritaient que l’organisation écologique jette un éclairage trop cru sur la reprise des essais nucléaires français à Mururoa. Las, le journal satirique du mercredi était engoncé dans un rapport par trop complaisant avec le président socialiste, François Mitterrand (lire ci-dessous), et rechigna à jouer, dans ce dossier, son rôle de "poil à gratter" de tous les pouvoirs.

C’est ainsi que Georges Marion apporta sur un plateau à Claude Angeli, un des dirigeants de l’hebdo qui s’occupait plus particulièrement à l’époque de la diplomatie, l’information, mieux, la révélation (partagée avec Edwy Plenel, du "Monde"), selon laquelle une troisième équipe de barbouzes français avaient bien perpétré l’attentat qui coûta la vie à un photographe portugais. Jusqu’alors, l’enquête avait mis au jour l’existence de deux équipes et aucun élément probant ne les avait confondues comme exécutrices du coup.

Mais Claude Angeli ne crut pas en la théorie que l’information de George Marion étayait, s’enferra à défendre la thèse de l’intervention d’un service secret étranger et le scoop, tout de même évoqué en raison de la publication simultanée par "Le Monde", fut noyé dans un salmigondis incohérent. Georges Marion évoqua "une rétention de l’information " et s’en alla fouiner les dossiers judiciaires sous d’autres cieux plus respectueux.

Profession "Fouille-merde" est un ouvrage passionnant, empreint d’une grande sincérité et d’une grande humilité, sur les coulisses du journalisme d’enquêtes policières, avec nombre d’anecdotes, la palme de la plus succulente revenant à une pose de micros dont l’appartement de l’auteur fut la cible.

(*) Editions du Seuil, Paris, 2008, 211 pp. env. 18 euros.

http://www.lalibre.be/culture/media...