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Amazighité : le temps des incertitudes
Par : Moha Ou Saïd
En fonction des « impératifs de la conjoncture », on oppose aux militants de la cause amazighe la répression ou la prison. Aujourd’hui, on affirme que l’amazighe est un patrimoine national, et en tant que tel, nul n’a le droit de l’instrumentaliser ! Cette profession de foi est affirmée par l’ensemble des responsables politiques, syndicaux et associatifs. Face à une telle unanimité devant une cause nationale, on était en droit de s’attendre à des solutions rapides et concrètes. En réalité, destinée à « calmer les esprits », gagner du temps, les promesses ne sont que du vent. Le pouvoir, acculé, tente de se redéployer par des feux d’artifice sans lendemain. Et face à la résistance légitime de la mouvance amazighe, il opère une diabolisation de la cause pour discréditer ses acteurs : les arrestations et les condamnations arbitraires des étudiants du mouvement amazigh a Errachidia et Meknès en sont l’illustration. Ceci n’est que fuite en avant et une crainte de se regarder en face.
Expert en tripatouillage et en replâtrage, le pouvoir opte pour le pire : la violence et la répression. Aidé dans ce sens par des bigots atteints de religiosité aiguë. Il a cédé face à une gangrène fasciste aux couleurs arabistes.
Le pouvoir tourne en rond, dominé par des hommes fossiles, tournés vers un passé archaïque et anachronique. Une mafia qui s’arroge le monopole du nationalo-patriotisme. Des héritiers et dépositaires du Maroc en tant que nation, Etat, drapeau et richesses. Et tous ceux qui n’adhèrent pas à leur vision monolithique sont exclus : ils ne valent rien et ne représentent rien. Cette mafia qui a mis main basse sur les leviers de commande œuvre officiellement pour la désintégration de l’identité amazighe, menant une politique d’arabisation et de wahhabisation forcenée à la soviétique de la société.
L’objectif étant la « création » d’un nouveau type d’homme marocain qui se situe entre Kaboul, Gaza et Bagdad, à coup de slogans ronflants de sonorités et vides de sens. Il s’agit d’enrégimenter le peuple par l’illusion lyrique qui permet d’éluder les vrais problèmes.
L’institution qui a été créée pour la promotion tous azimuts de l’amazighité est assiégée. Elle fait face à des institutions qui boudent ses décisions. L’enseignement de la langue amazighe ne jouit d’aucun statut. Il reste aléatoire, chaotique et incertain. Les chiffres avancés par le Ministère de tutelle sont de la fiction. À la télévision, la folklorisation de la culture amazighe est accélérée et les émissions d’apologie pour l’arabité submergent les écrans.
En fait, les soubassements idéologiques de l’Etat et ses « constantes nationales » sont des boulets qui empêchent la nation d’avancer. Le débat national sur la question identitaire mine notre avenir. La quête continuelle au sein de la société de démocratie et de justice est restée prisonnière des logiques arabistes d’alternance clanique au pouvoir qui a donné lieu à un système verrouillé où la place de la démocratie « palpable » n’est qu’accessoire.
Le pouvoir a spolié les amazighes de leur citoyenneté et de leur identité oeuvrant à tout prix pour diluer leur personnalité et leur spécificité dans le moule arabo-islamique. D’aucun font du combat contre l’amazighité un impératif national et un devoir patriotique.
Les appareils idéologiques de l’Etat s’activent à notre aliénation. L’école arabisée n’assure pas la transmission de notre héritage socioculturel, elle délivre un savoir obsolète, sans repères, sans idée d’excellence ni respect pour notre patrimoine amazighe. L’école continue à atrophier l’âme de nos enfants et notre tradition amazighe se réduit à un mince filet d’eau perdu dans le désert arabe. Notre culture amazighe jalonnée de chefs-d’œuvre et de faits historiques est devenu un bazar.
Les institutions nous livre une culture de confection, exogène, pour gaver les citoyens comme on nourrit les bœufs de foin. Il s’agit d’une sous culture qui fait l’apologie de l’incompétence, de la négligence et conduit à la décadence de l’homme par perte progressive des convictions et l’uniformisation de la pensée. La curée des élections à laquelle s’est adonnée une caste arabiste reflète l’image d’un paysage politique désolant. Les visières idéologiques vissées sur la tête de nos responsables empêchent ses derniers de voir plus loin que le bout de leurs nez. Notre devenir est une nouvelle fois hypothéqué.
Date : 2007-11-27
Auteur : Moha Moukhlis
http://www.amazighworld.org/human_rights/morocco/index_show.php?Id=1304