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Maroc : Rapport annuel des violations des droits syndicaux : www.icftu.org
Publie le vendredi 21 juillet 2006 par Open-PublishingMaroc:Rapport annuel des violations des droits syndicaux :
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Population : 31.600.000 / Capitale : Rabat / Conventions de l’OIT Ratifiées : 29 - 98 - 100 - 105 - 111 - 138 - 182
La création de syndicats se heurte souvent à l’hostilité des employeurs. Les directions de plusieurs entreprises dont VALEO et ST MICRO-ELECTRONICS ont suspendu, licencié et arrêté les travailleurs qui avaient été à l’origine de telles initiatives. De lourdes condamnations ont également frappé injustement les grévistes impliqués dans le long conflit social des mines d’Imini.
LIBERTÉS SYNDICALES EN DROIT
Les travailleurs sont libres de former des syndicats et d’y adhérer, sans qu’aucune autorisation préalable ne soit requise. Les travailleurs agricoles ont moins de droits que les autres et il est complètement interdit aux magistrats de mener des activités syndicales.
Code du travail
Élaboré en 2003 en vue de moderniser les relations du travail et de rendre l’industrie marocaine plus attrayante pour les investisseurs étrangers, le nouveau Code du travail a pour leitmotiv " la flexibilité " ce qui comporte à la fois des caractéristiques positives et certaines négatives. Il inclut des dispositions visant à mettre fin à la nature informelle du travail et à mettre la législation en conformité avec les conventions de l’OIT, telles que celles sur la maternité et sur l’âge minimum d’emploi. Il rend également obligatoire la couverture des accidents du travail et l’enregistrement des travailleurs à la sécurité sociale. Les syndicats ne sont pas entièrement satisfaits du nouveau Code. Ils se plaignent qu’il représente une institutionnalisation de l’insécurité de l’emploi et qu’il rend plus facile pour les entreprises de recruter du personnel temporaire. Les employeurs n’ont pas non plus obtenu tout ce qu’ils souhaitaient. Notamment, le gouvernement n’a pas accédé à leur proposition qui veut que deux tiers des travailleurs au moins d’une entreprise doivent voter en faveur d’une grève qu’elle ne puisse avoir lieu.
Interdiction de la discrimination antisyndicale
Le nouveau Code interdit spécifiquement aux employeurs de licencier des travailleurs qui auraient participé à une action de syndicalisation légitime, et les tribunaux ont le pouvoir de réintégrer arbitrairement des travailleurs licenciés tout comme celui d’obliger les employeurs à payer des indemnités et les arriérés de salaire.
Négociation collective sévèrement contrôlée
Dans une tentative de " contrôler " la négociation collective, le gouvernement institutionnalise la procédure de négociation collective pour tous les travailleurs couverts par l’un des trois types de contrats introduits par le nouveau Code (à durée indéterminée, déterminée et temporaire).
Droit de grève
En février 2004, le gouvernement a élaboré unilatéralement un projet de loi relatif au droit de grève. L’Union marocaine du travail (UMT) a demandé une révision de ce texte dont certains articles rendent impossible l’exercice du droit de grève et violent plusieurs conventions internationales ratifiées par le Maroc. L’article 5 garantit par exemple " la liberté de travail " aux salariés qui ne participent pas à la grève. Pour l’UMT, le flou qui entoure cette notion laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. La centrale syndicale a également réitéré sa demande de voir abrogé l’article 288 du Code pénal relatif à " la liberté de faire grève ", disant qu’il donnait aux employeurs de trop nombreuses prérogatives.
Quant à l’article 6 qui précise que la grève suspend le contrat de travail et ne le résilie pas sauf dans le cas où le salarié commet une faute grave pendant la grève (vol, ivresse publique, insulte ou usage de toute sorte de violence à l’encontre d’un travailleur ou de son employeur), cette notion de faute grave expose, selon le syndicat, les grévistes au licenciement et aux poursuites judiciaires. Dans ce contexte, un slogan ou un piquet de grève, dont l’usage est pourtant reconnu et permis par la jurisprudence de l’OIT, pourraient être pris pour des actes de violence.
Restrictions imposées aux sit-in, aux piquets et aux manifestations publiques
À la suite d’un arrêt rendu par un tribunal, les sit-in sont interdits et les employeurs ont le droit de suspendre tout travailleur qui empêcherait les non-grévistes de se rendre au travail pendant sept jours. Une récidive au cours de l’année peut entraîner une suspension de 15 jours.
En vertu du Code du travail, les employeurs ont le droit de poursuivre en justice tout gréviste qui effectue un sit-in, qui porte atteinte à la propriété de l’entreprise ou qui organise activement des piquets de grève. Le gouvernement a le pouvoir de faire cesser des manifestations dans des lieux publics qui se tiennent sans autorisation gouvernementale, et il peut empêcher l’occupation des usines.
LIBERTÉS SYNDICALES DANS LA PRATIQUE
Dans la pratique, les salaires sont souvent fixés par l’employeur mais il y a cependant une tradition de négociation collective dans certains secteurs, y compris le secteur industriel.
Dans certains cas, des différends surgissent du fait que les employeurs ne mettent pas en œuvre les accords conclus à la suite de négociations collectives.
Dans de nombreuses entreprises privées et même dans le secteur public, la législation du travail est souvent ignorée
Certains des pires contrevenants sont les entreprises multinationales qui agissent de connivence avec les autorités. Par exemple, lors de l’établissement d’un syndicat en novembre 2000 dans la filiale de la ville de Salé du groupe irlandais " Fruit of the Loom ", entreprise qui emploie plus de 1.200 travailleurs, tout un arsenal de tactiques antisyndicales a été utilisé. Lorsque l’UMT a attiré l’attention du gouverneur de Salé sur l’affaire, celui-ci a pris le parti de la direction de " Fruit of the Loom ", déclarant carrément qu’il ne souhaitait pas de syndicats dans sa préfecture. Certaines entreprises marocaines usent des mêmes techniques.
Ainsi, les 700 travailleurs de la société civile La Clémentine dont la plupart sont des femmes, travaillent dans des conditions d’exploitation féodale et ne jouissent d’aucun des droits garantis par le Code du travail. Ainsi dès qu’ils ont rejoint les rangs de l’UMT en 2004, trois membres du bureau syndical ont été licenciés. Ce qui a obligé les ouvriers à observer une grève d’un mois, en novembre 2004, pour revendiquer le retour de leurs camarades et l’application du Code du travail. Aussitôt, tous les grévistes ont été licenciés. Les autorités locales, complices, au lieu d’obliger le patron à respecter la loi, ont fait arrêter cinq ouvriers et ouvrières qui ont été condamnés par le tribunal d’Eljadida à deux mois de prison.
Abus dans les zones franches
Les zones franches commencent à se développer, notamment dans le port de Tanger et à Casablanca. Beaucoup d’entreprises qui y sont installées travaillent malheureusement en marge de la légalité. Ce sont souvent de petites unités de production (textile, agro-alimentaire, etc.) qui ne déclarent pas leurs employés et ne les paient pas au salaire minimum.
VIOLATIONS EN 2005
Contexte
Lourdes condamnations pour les grévistes des mines d’Imini
Depuis décembre 2002, 150 ouvriers et cadres des mines d’Imini, relevant de la Société anonyme chérifienne d’études minières (SACEM) étaient en sit-in devant le siège social de l’entreprise à Ougoug. Ils protestaient contre la décision de leur employeur de transformer leur contrat en temps partiel avec une réduction de salaire de 50%. Le 15 avril 2004, le sit-in des travailleurs a été brutalement brisé par des hommes de main envoyés par la direction de la SACEM. Parmi les 120 personnes recrutées au sein de cette milice patronale, se trouvait un homme diabétique, souffrant de troubles psychologiques et qui venait de sortir de l’hôpital. Après avoir été légèrement blessé à la main durant l’assaut, cet homme aurait été conduit une nouvelle fois à l’hôpital où il serait mort dans des circonstances suspectes. Entre-temps, une partie des travailleurs syndiqués étaient arrêtés et des poursuites judiciaires intentées contre eux.
Le 4 janvier 2005, six d’entre eux étaient condamnés à dix ans de prison " pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ". Plusieurs faits attestent pourtant du caractère partial du procès. Mohamed Khouya, un des syndicalistes condamnés a depuis le début du procès affirmé qu’il n’avait jamais été présent lors des faits qu’on lui reproche. Néanmoins, la cour n’a pas tenu compte des témoignages qui prouvaient son innocence.
Suspension et arrestations de syndicalistes chez VALEO
Le 12 avril, Abelghafour Semlali, secrétaire général du syndicat UMT de l’usine SYLIA VALEO a été suspendu par la direction et empêché de rejoindre son poste. En apprenant la nouvelle, l’équipe de nuit a déclenché un arrêt de travail à 22h. La direction a fait aussitôt appel aux forces de police pour mettre fin au mouvement. Déjà connu pour son opposition aux syndicats (voir Droits syndicaux dans la pratique), le gouverneur de la ville de Bouznika (Province de Benslimane à 50 km au nord de Rabat) s’est personnellement rendu sur le site, arme au poing, pour assister les forces d’intervention. Cette répression musclée a fait plusieurs blessés et a conduit à l’arrestation de six responsables syndicaux de l’UMT.
La suspension d’Abelghafour Semlali, décidée, sans aucune information préalable et en totale contradiction avec les procédures réglementaires, constitue une violation flagrante des Conventions 87 et 98 de l’OIT. Ce coup de force de la direction fait suite à la décision du personnel de s’affilier à l’UMT et d’élire un bureau syndical de neuf membres le 30 mars.
Interpellations violentes au siège de l’UMT à Rabat-Salé-Témara
Le 30 juin à 20 h 30, alors que des dirigeants syndicaux de différents secteurs d’activité, membres de l’UMT, étaient en réunion, les forces de police en tenue antiémeute, escortées par des éléments des services de renseignements généraux, ont investi sans ménagement le siège de la régionale UMT de Rabat-Salé-Témara. Les forces de l’ordre cherchaient à déloger des activistes de l’Union des cadres supérieurs en chômage qui avaient trouvé refuge dans les locaux de l’UMT après avoir été poursuivis par la police alors qu’ils observaient, comme à l’accoutumée, un sit-in pour revendiquer leur droits au travail et à la dignité. Les agents ont sauvagement tabassé les activistes de l’Union des cadres supérieurs et les militants syndicalistes qui étaient présents. Ces incidents ont fait une dizaine de blessés dont plusieurs présentent des séquelles très graves : El Ghandour Naîma, Abdelouahed Kabou, Nidar, El Ouadi, Abdelkader Essarssour et Faissel Ouchen. La police a également arrêté plusieurs activistes.
Licenciements arbitraires de syndicalistes à ST Micro-electronics
La société transnationale ST Micro-electronics dispose d’un centre de conception de circuits intégrés et de développement à Rabat, où elle emploie plus de 170 salariés. Le 13 juillet, ces salariés ont tenu une assemblée générale au siège de l’Union marocaine du travail (UMT) et ont constitué leur syndicat et élu un bureau syndical conformément au Code du travail marocain. Le lendemain, la direction a convoqué individuellement tous les délégués syndicaux, et les a menacés de licenciement s’ils ne démissionnaient pas du bureau syndical ou ne changeaient pas de syndicat en leur fixant comme ultimatum le 25 juillet. Le 26 juillet, la direction a mis ses menaces à exécution et a licencié le secrétaire général, Rachid Boukhari et un assesseur, Nabil Chiadmi.
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