Accueil > Martin Hirsch : "Dans la lutte contre la pauvreté, on a une obligation de (…)
Martin Hirsch : "Dans la lutte contre la pauvreté, on a une obligation de résultat"
Publie le vendredi 23 novembre 2007 par Open-PublishingMartin Hirsch. Haut-commissaire aux Solidarités, à l’occasion du Grenelle de l’insertion
de ALEXANDRA SCHWARTZBROD et TONINO SERAFINI
Fort du succès médiatique du Grenelle de l’environnement, le gouvernement lance aujourd’hui, à Grenoble, le Grenelle de l’insertion, qui vise à s’attaquer aux causes de la pauvreté et de la précarité. Le grand ordonnateur en est Martin Hirsch, ancien président d’Emmaüs, haut-commissaire aux Solidarité actives contre la pauvreté, une des personnalités d’ouverture du gouvernement. Cette réunion marque le début d’une série de rencontres qui s’étaleront sur six mois dans toute la France.
Êtes-vous sûr que ce Grenelle débouchera sur des mesures concrètes ?
Le gouvernement s’est fixé un objectif : réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans. Ce chiffre nous met la pression. On a une obligation de résultat et donc de moyens. Ce Grenelle est destiné à revisiter les politiques publiques en faveur des personnes en difficulté. Il est en effet temps de demander pourquoi ces politiques ne produisent pas les effets escomptés. Et pourquoi, en France, 7 millions de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté malgré notre système de protection sociale.
Quels dispositifs ce Grenelle va-t-il revisiter ?
D’abord, il est important de mettre autour de la table les partenaires sociaux, les collectivités territoriales, les associations, l’Etat… A nous tous de remettre à plat les contrats aidés de retour à l’emploi, pour qu’ils débouchent davantage sur un travail pérenne. Il faut revoir le système de formation professionnelle (23 milliards d’euros) pour qu’il profite davantage aux personnes les plus en difficulté. Réfléchir aussi aux mesures d’accompagnement pour le retour à l’emploi. Enfin, il faut davantage impliquer les entreprises dans l’insertion. Elles y ont intérêt. Ce n’est pas un hasard si la présidente du Medef, Laurence Parisot, participe au Grenelle. Je note que certains secteurs d’activité peinent à embaucher. Dans leurs recrutements, les entreprises ont eu tendance ces dernières années à privilégier les profils les plus aptes, en laissant de côté les autres. Elles se rendent bien compte qu’elles ont joué avec le feu. L’objectif du Grenelle est d’arrêter la centrifugeuse qui marginalise les personnes les moins performantes.
Certes, mais au même moment le gouvernement réduit d’un tiers les contrats aidés de retour à l’emploi. N’est-ce pas contradictoire ?
Dans le secteur marchand, 80 % des personnes passées par un contrat aidé obtiennent un emploi. Dans le secteur non-marchand (associations, hôpitaux, administrations…), les bénéficiaires reviennent souvent à la case départ au terme de leur contrat. Il faut donc revoir tout ça. Sans doute faudra-t-il mettre en place un contrat unique d’insertion. Il est vrai que j’aurais préféré qu’on procède d’abord aux réformes nécessaires avant de donner ce coup de frein aux contrats aidés.
Un des gros morceaux du Grenelle sera le revenu de solidarité active (RSA) visant à encourager le retour à l’emploi des allocataires du RMI et de l’allocation de parent isolé (API). Où en êtes-vous ?
Au total 40 départements se sont portés volontaires pour expérimenter le RSA. Cela va concerner 100 000 personnes, soit un allocataire du RMI sur dix. Objectif : faire en sorte que toute personne reprenant une activité, même à temps très partiel, perçoive un revenu supérieur au seuil de pauvreté (817 euros) en additionnant son salaire et l’allocation versée par les pouvoirs publics. Tout au long de l’année 2008, nous allons regarder comment ça fonctionne sur le terrain et procéder à des adaptations, si nécessaire. L’idée est de parvenir au plus tôt à une généralisation sur tout le territoire. Probablement début 2009. Au-delà des allocataires de minima sociaux, tous les travailleurs pauvres ont aussi vocation à bénéficier du système RSA.
Vous voilà condamné à rester au moins jusqu’à 2009 dans le gouvernement Sarkozy…
Le RSA ne m’appartient plus. Le problème des minima sociaux et des travailleurs pauvres a longtemps été un « sujet orphelin ». Si les candidats à la présidentielle l’ont repris à leur compte, c’est qu’il y avait consensus sur le sujet. Et quand les départements sont volontaires pour y aller, c’est qu’il se passe quelque chose.
N’êtes-vous pas avec ce RSA, la caution sociale d’un gouvernement qui multiplie les cadeaux fiscaux aux ménages aisés ?
Quand j’étais président d’Emmaüs, on me disait déjà que les associations servaient d’alibi aux défaillances des politiques publiques. Une politique de lutte contre la pauvreté avec obligation de résultat, un Grenelle de l’insertion qui marche… ce n’est pas de la caution, c’est de l’action ! Moi, j’essaye de peser sur les sujets sur lesquels je peux avoir de l’influence. Que ceux qui veulent qu’on en fasse plus s’impliquent dans ce Grenelle !