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Michel Onfray, la LCR et (accessoirement) la philosophie
Publie le samedi 6 janvier 2007 par Open-Publishing4 commentaires
La chronique mensuelle de Michel Onfray de janvier 2007, “Gauchisme, kantisme, infantilisme” ( http://perso.orange.fr/michel.onfray/Chronique_jan07.htm ), ne laisse guère de doute sur l’objet principal du courroux du philosophe républicain libertaire : la LCR. Son propos personnel à ses fidèles lecteurs y va bien au-delà du — somme toute — courtois renvoi dos à dos de la LCR et du PCF (en épargnant les “socialistes du non” qui ont pourtant, eux, abandonné très vite le navire anti-libértal du 29-Mai pour se rallier à la “synthèse” sociale-libérale du Mans) dans l’affaire de l’introuvable candidature unitaire anti-libérale qui a fait le fond de son argumentation dans ses articles “grand public” de Libération et du Monde.
Voilà dorénavant les militants de la LCR qualifiés de “kantiens tribaux” et leur candidat à la présidentielle de “communicant” de “cinéma” pendant que “les gens de peu qu’ils sont censés défendre” n’auront plus que le choix entre l’“éthique de conviction”, le vote blanc aux deux tours, ou l’“éthique de responsabilité”, le vote Royal.
Alain Krivine a répondu à Michel Onfray, dans Rouge du 4 janvier, sur le fond de son ralliement honteux au “vote utile” pour le social-libéralisme, mais il est bien optimiste quand il conclut que “Michel Onfray se [rendra] compte que [sa position] sonne faux et qu’il mérite mieux que cela”. Je ne sais pas ce que Michel Onfray mérite, en tout cas, je sais d’où viennent ses arguments sur lesquels on ne l’avait pas entendu jusqu’ici. En reprenant la fable de la mise en échec par Alain Krivine et Roselyne Vachetta de la “taxe Tobin à la votation” au Parlement européen en 1999, il en dit assez sur son ignorance du sujet et sur son emprunt acritique aux contempteurs de la LCR (PS, PCF, Verts et altermondialistes keynésiens unis comme les doigts de la main sur ce point, jusqu’à la déformation des faits — il ne s’est jamais agi de “voter” la taxe Tobin au Parlement européen en 1999, mais d’envisager son “étude de faisabilité” dans “le respect de l’économie de marché” comme l’avaient demandé François Bayrou et Charles Pasqua à Harlem Désir pour voter sa proposition). La LCR aura le “philosophe le plus lu de France” sur son dos jusqu’à la présidentielle, et au-delà s’il persiste. Autant vider l’abcès dès maintenant.
Je ne sais quand, précisément, entre 1999 et 2006, Michel Onfray, républicain et libertaire, a “basculé” politiquement. Ce que je sais, c’est que sa défense intransigeante de la laïcité des Lumières l’a amené l’an dernier à des prises de position philosophiques publiques fort éloignées du spinozisme, dont il se réclame, et du matérialisme dialectique, dont il ne se réclame pas.
En mars 2006, il publie sa 10e chronique mensuelle ( http://perso.orange.fr/michel.onfray/Chronique_Mars06.htm ) qui porte sur l’affaire des caricatures danoises de Mahomet. Sa conclusion : “[…] désormais l’islam place des coins dans le vieux marbre d’une Europe qui ne croit plus en elle, en ses valeurs, en ses vertus, et ce avant destruction définitive […]. Alors nous pourrions aborder ce défi jeté au visage de l’occident : suite aux Lumières ou retour aux barbaries féodales ? Autrement dit : la liberté ou la mort ?” (on croirait lire du Baverez ou du Minc sur l’effondrement des “valeurs occidentales”) est une essentialisation philosophique de l’islam (en tant que religion) et de ses adeptes et de l’Occident ou l’Europe (en tant que civilisation) et de ses citoyens. Elle signe un cheminement idéaliste de la pensée de Michel Onfray (il n’est pas le seul, hélas !). L’islam et l’Occident érigés en catégories pures antinomiques, non contradictoires, non historiques. Philosophiquement, son alternative “la liberté ou la mort”, c’est du Kant, pas du Spinoza. Politiquement, c’est du Bush (le Bien contre le Mal).
On aurait pu le laisser là en mars — sur le terrain d’une métaphysique binaire depuis longtemps en perdition, mais périodiquement renouvelée par des “philo-sophistes” vieillissant — s’il ne s’était, en septembre, aventuré sur le terrain politique de la “guerre des civilisations” en se portant en tête des signataires de la pétition “Contre la barbarie, le soutien à Robert Redeker doit être sans réserve”, initiée par Respublica et ProChoix. Alerté par des lecteurs attentifs et étonnés, dont le rédacteur de ces lignes, qu’il signait une pétition mensongère faisant quatre fois référence à une “fatwa” contre Redeker qui n’avait jamais été prononcée, Michel Onfray n’a toujours pas répondu. J’en ai conclu qu’il persiste et signe en toute connaissance de cause.
La LCR a pris ses responsabilités face aux politiques de Bush et de Chirac pour façonner un “nouveau Moyen-Orient” à leur convenance. Au nom du droit démocratique des peuples à disposer d’eux-mêmes quelle que soit la nature de leur direction politique, elle a décidé de participer à la conférence de Beyrouth des 19-22 novembre derniers de soutien à la résistance libanaise contre l’agression impérialiste étatsuno-européenne et israélienne, d’y débattre donc avec les forces de gauche arabes invitantes (dont le Parti communiste libanais) mais aussi avec les nationalistes islamistes du Hezbollah (lui-même organisateur de la conférence), et de s’associer aux initiatives anti-guerre internationales qui y ont été programmées les 20 mars (Irak), 12 juillet (Liban) et 29 septembre (Palestine) 2007 (voir article de Laurent Carasso : http://www.lcr-rouge.org/article.php3?id_article=5012 ).
La LCR aura donc dorénavant Michel Onfray sur le dos, un Michel Onfray nouveau, marbrier restaurateur des “valeurs” (boursières ?) et “vertus” (guerrières ?) d’une “Europe qui ne croit plus en elle”, comme elle se coltine sur le sujet ses ex-militants Romain Goupil et Thierry Jonquet, passés avec plumes et bagages du côté de la “démocratie” occidentale. Il faudra qu’elle s’y fasse. Passée inaperçue, la messe onfrayenne avait été dite… en mars 2006. Il l’avait prémonitoirement intitulée “Ceci n’est pas une caricature”.
Pierre Vimont (LCR)
Messages
1. Michel Onfray, la LCR et (accessoirement) la philosophie, 6 janvier 2007, 22:20
Mais ONFRAY est un nouveau "nouveau philosophe"
IL EST PHILOSOPHE. INCROYABLE !!!
Mais comment vous retrouvez vous à papoter avec.
2. Michel Onfray, la LCR et (accessoirement) la philosophie, 7 janvier 2007, 10:20
Cher Pierre, la justesse de certains propos ne justifie pas selon moi l’amalgame de deux "procés" dans une même plaidoirie...
Michel Onfray s’est compromis dans la défense d’un islamophobe maladif jusqu’ a prendre à son compte une argumentation qu’il sait désormais avoir été mensongère (l’absence de la fatwa si largement médiatisée par prochoix, évariste anonyme caché issu d’Attac et autres Finkielkrault en ordres de bataille pour armer en les vidant de leurs cervelles les petits soldats de la guerre des civilisations...) J’ai moi même écrit la dessus (Que les tueurs d’Anna Politovskaïa ne lisaient pas le Figaro, mais avaient eu la cervelle vidée par des propos haineux de même nature ; que l’éditorial du monde "tous pour redeker" était une régression de la pensée qui prolongeait l’irresponsable "nous sommes tous américains" cautionnant par avance ce qui allait être la politique désastreuse et criminelle de l’Empire ; enfin j’ai contribué par une analyse qu’aucun journaliste ne s’était donné la rigueur de faire, à démontrer "qu’il n’y avait jamais eu de fatwa", il suffisait de remonter aux sources et de ne pas se laisser manipuler...) Sur ce point donc, acte, et tout cela a circulé sur bellaciao et de nombreux autres forums...Michel Onfray, peut-être blessé dans son amour-propre d’avoir été abusé et peut être instrumentalisé, lui l’auteur du traité d’athéologie, par une manipulation busho-communautariste, devra rendre compte un jour de ses propres contradictions et ce débat n’est pas clos...Ce débat possède assuremment une double dimension politique et philosophique . Mais pour Michel Onfray comme pour nous ces deux dimensions devraient difficilement être dissociables, contrairement à la pratique de certainsphilosophes qui revendiquent la liberté de propos irresponsables déconnectés de leurs conséquences pratiques.Ce premier procés, donc, n’est pas clos et celui-là m’interesse encore...
L’autre est une révolte à propos du positionnement de Michel Onfray, en phase de désenchantement extrème vis à vis de la lcr et de sa responsabilité écrasante dans la non-réalisation d’un projet alternatif antilibéral politique que l’immense succés de la campagne du NON laissait espérer possible. Je peux témoigner que , à quelques jours de ce referendum Michel Onfray au TNT de Toulouse devant une salle pleine (que la lcr aurait du mal à reproduire désormais sur quelque motif que ce soit) prenait la responsabilité de son engagement public contre le TCE et justifiait de voter NON ; ils n’ont pas été si nombreux nos "intellectuels médiatiques" à faire cela...C’est sans doute ce qui vaut au rédacteur de la chronique dans le dernier "Rouge" de conclure, malgrés le désappointement, que M. O. "vaut mieux que cela", je partage cette conclusion...Alors, que sa note soit féroce et même injuste c’est vrai. En rappelant une position politiquement instrumentalisée de la lcr au parlementeuropéen, tu l’as bien rappelé mais il faut dire aussi qu’au moment des faits les militants élus concernés (les mêmes qui conseillent OB dans sa campagne actuelle) ont été minables en terme de communication et d’éclaircissement de leur position pour le grand public et même pour les cercles altermondialistes les plus sensibilisés au sujet...histoire ancienne, boulet que l’organisation va devoir traîner...Un mauvais point pour M.O. sur cet aspect de sa chronique, mais nous lui connaissons d’autres emportements excessifs...Mais l’important, cher camarade de la LCR c’est de mesurer combien le désenchantement profond dans le temps présent est partagé par beaucoup de ceux qui n’auraient jamais imaginé que la lcr-100% à gauche reste en dehors de cette dynamique...
Alors ne faison pas le procés de la critique pour éviter la critique du "procés" que la LCR depuis le début fait à la démarche alternative et qui aura contribué à son échec, privant ce processus d’un apport et d’une contribution positive qui aurait pu être trés considérable, même les non-communistes dans leur immense majorité en sont convaincus et sont consternés devant une situation qui ne laisse prévoir aucune issue positive et une année 2007 entre le rose et le brun dont nos concitoyens les plus fragilisés et précaires ont tout à craindre...
Nous nous retrouverons Pierre, sur d’autres combats. Jacques Richaud.
1. Michel Onfray, la LCR et (accessoirement) la philosophie, 7 janvier 2007, 15:55
Cher Jacques,
Pour aller à l’essentiel, trois questions :
1 / D’où tiens-tu que Michel Onfray (je te cite) “s’est compromis dans la défense d’un islamophobe maladif jusqu’à prendre à son compte une argumentation qu’il sait désormais avoir été mensongère” ? Et, dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas retiré sa signature de la pétition qui reproduit cette “argumentation mensongère” ?
2 / Comment peux-tu défendre la résurrection par Michel Onfray sept ans après de la mauvaise polémique sur la “taxe Tobin” au Parlement européen au nom de la communication “minable” (je te cite) de la LCR à l’époque, quand tous les altermondialistes honnêtes savent aujourd’hui que la tribune d’opinion d’Alain Krivine et de Roselyne Vachetta a été refusée par tous les grands médias (L’Huma comprise), quand leur deuxième demande de publier le texte intégral du projet d’Harlem Désir, amendé par Pasqua et Bayrou, a été également refusée. Et tu sais aussi bien que moi comment l’affaire a été gérée, avec malveillance, par une bonne partie du Collège de direction d’ATTAC. Tu as expérimenté toi-même l’impossibilité de “crever le mur” des médias en octobre sur l’affaire Redeker pour savoir ce dont je parle. En 1999, ce fut la même chose pour Krivine et Vachetta. Soit, Michel Onfray est réellement informé du différend politique qu’il réveille sept ans après, et il ment (comme il continue à mentir sur la pétition Redker), soit il n’est pas au courant, et il est disqualifié pour en parler. Je lui renverrais donc volontiers son injonction à se taire (Chronique 10) sur le sujet de l’islam à quiconque n’a pas lu le Coran, et l’inviterais d’abord à lire le projet d’“étude de faisabilité de la taxe Tobin […] dans le respect de l’économie de marché” soumis au vote des députés européens en 1999.
3 / Comment peux-tu ranger au compte du (je te cite) “désenchantement profond dans le temps présent […] partagé par beaucoup de ceux qui n’auraient jamais imaginé que la lcr-100% à gauche reste en dehors de cette dynamique” les propos définitifs et méprisants de la Chronique 20 de Michel Onfray sur la LCR, qu’il qualifie de “tribu kantienne” ? Et comment peux-tu excuser au nom de ce “désenchantement” sa consigne de vote blanc au premier tour et Royal au second de la présidentielle, soit un ralliement honteux au social-libéralisme ? Ceux qui sont “désenchantés” sont ceux qui n’ont pas pris au sérieux (ou pas voulu entendre) les arguments de la LCR en juin et septembre sur le refus explicite d’alliance gouvernementale et parlementaire avec le Parti socialiste. Ce sont ceux qui se sont auto-illusionnés avec des arguments apolitiques du type “La Ligue et Besancenot reviendront…”, ceux, dont tu fais partie, qui ont cru qu’Olivier adoptait une “posture” (le “cinéma” de Michel Onfray) quand il s’agissait d’une position politique, dont il faut débattre sereinement et sans invectives avant tout avec les militants du PCF, mais aussi avec tous les anti-libéraux de gauche, quelle que soit leur sensibilité. Encore une fois, nous nous serions séparés dignement en septembre sur un constat de désaccord politique sur la stratégie électorale, et tout le monde y aurait gagné. Au lieu de quoi ce combat obscur sur la candidature à la candidature a semé la détestation réciproque parmi le anti-libéraux de gauche (jusqu’aux propos indignes de Michel Onfray contre la LCR, mais il y en a eu tout autant contre les miltants du PCF ou d’autres et réciproquement). Tu parles d’une dynamique !
Quant aux combats à venir, je n’ai aucun doute que nous nous y retrouverons ensemble, Jacques (pour ce qui est de Michel Onfray, j’en doute vu ce qu’il vient d’écrire depuis mars), pas plus tard que demain (la conférence Paris III est bien maintenue pour le 25 janvier, et Condoleeza Rice a annoncé qu’elle y participerait), en soutien au peuple libanais pour son droit à l’autodétermination contre l’ingérence des Chirac, Merkel et Bush, et pour le retrait de toutes les troupes d’occupation du Liban (y compris la FINUL et la Marine de guerre allemande, qui ne sont aucunement sur place pour “rétablir la paix” mais pour faire la guerre au profit des multinationales européennes).
Pierre Vimont
2. Michel Onfray, la LCR et (accessoirement) la philosophie, 7 janvier 2007, 23:42
Cher Pierre, des compte à Michel Onfray pour sa position indéfendable dans l’affaire Redeker, je crois en avoir trés clairement demandé aussi, sans concession aucune ni excuse de son attitude....
Pour le deuxième sujet, oui , j’avais oublié que la majo a toujours raison...Il faudra alors m’expliquer dans quelques mois pourquoi l’horizon se dégage autour d’elle au point que de solides militants ne partagent plus ses certitudes...Moins on est plus on se ressemble, c’est sur ! Il me semble que 100% à gauche avait une autre ambition et je suis de ceux qui regrettent le plus profondemment qu’elle ait été dilapidée...Comme dans la chanson on va accuser "les autres" ...
Tous "ces autres" ne se demandent même plus si Olivier reviendra dans un processus unitaire, le plus terrible c’est qu’ils ne le souhaitent peut-être plus. Je continue à me battre partout contre toute forme d’anticommunisme et nous savons à Toulouse avec notre pépinière d’alters de toute sorte ce que cela veut dire...Il est assez lamentable que ce combat là devienne un combat central, c’est bien la résultante d’une attitude trés particulière de certains observateurs donneurs de leçon un jour et ailleurs le lendemain ; crois moi je ne m’en réjouis pas car c’est une erreur tragique pour toute la gauche que d’imaginer se passer de ce que la lcr peut apporter de meilleur et de juste en terme d’analyses , lorsqu’elle décide de ne pas considérer tous les autres comme des traitres en puissance, et parfois ses propres membres qui ont eu la vie dure en voulant jouer la construction unitaire désormais condamnée.JR