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Mieux vaut entrer borgne ou estropié au Paradis que d’aller en enfer avec ses deux yeux ...
Publie le dimanche 11 février 2007 par Open-Publishing1 commentaire
Immigration clandestine le drame
Il y a nécessité que je précise d’entrée, ma position de témoin. Je n’ai pas suivi les « clandestins » (c’est ainsi que l’on désigne les candidats à l’émigration clandestine), dans leur longue et douloureuse traversée du désert.
Je n’ai pas vécu avec eux dans les forêts aux abords de Mélilia
l’enclave espagnole à l’intérieur du Maroc. J’ai néanmoins passé
quatre années de mon parcours universitaire à Oujda, une ville
marocaine donnant sur l’Algérie. Ce n’est pas un secret, cette ville
frontalière est l’un des principaux couloirs de l’émigration
clandestine.
En hiver, en été, au printemps et en automne, j’ai vu se succéder sans
répit, des vagues de centaines de clandestins de diverses nationalités
africaines, soit arrivant « fraîchement » du désert ou soit
précédemment refoulés aux frontières algériennes. Il y avait parmi
eux, des enfants des filles, des femmes enceintes. Je ne décrirai pas
leur état physique pour ne par heurter les âmes sensibles.
J’ai vu certaines de ces filles accoucher dans des conditions
écoeurantes, voire sans aucune assistance, et trouver refuge avec
leurs nouveaux nés dans l’enceinte de l’église catholique de la ville,
auprès d’un vieux Père français, extrêmement humaniste. J’ai visité à
l’hôpital de la ville d’autres clandestins qui avaient eu l’occasion
d’y soigner les blessures physiques de leurs mésaventures. J’ai
participé à l’enterrement de quelques uns de ceux dont les
meurtrissures ont été fatales. Oui j’ai côtoyé à ma façon la misère
humaine, une partie infime certes mais difficile à contenir.
Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? « Ils vont chercher l’argent
en Europe ! », lancerait-on à première vue. Mais quand on a beaucoup
écouté les victimes, on se rend compte que les raisons qui les
poussent à risquer autant leur vie, donnent à réfléchir autrement, et
la détermination qui les anime, vous laisse sans voix.
Naturellement les ressortissants des pays en guerre fuient la mort.
L’instinct de survie peut effectivement pousser l’homme à affronter
les situations les plus atroces si la préservation de sa vie en
dépend. Une des femmes ayant trouvé refuge à l’église après son
accouchement était une libérienne qui revoyait encore les images les
plus affreuses de sa vie, sa famille entière enfermée dans une case et
brûlée vive pendant la guerre.
Il est évident, malheureusement, que ce n’est qu’un cas parmi des
milliers voire des millions d’autres quand on sait que de la Somalie
en Côte d’Ivoire en passant par le Soudan, le Tchad, la R.D.Congo, la
Centrafrique etc, l’Afrique est minée par des guerres meurtrières, et
fuir devient pour de nombreuses populations livrées à elles-mêmes,
l’unique moyen offrant encore une probabilité de survie.
Mais ce qui semble pour le moins ahurissant, c’est d’entendre ceux
venant des pays relativement pacifiques et stables comme le Mali, le
Sénégal... attester que partir était pour eux aussi, le seul et
l’unique moyen d’échapper à la mort ! L’Afrique serait-elle devenue
cet ogre ou ce montre qui dévore ses enfants dès qu’il les a
accouchés ? Ce ne sont certainement pas des condamnés à la peine
capitale, évadés de prisons et fuyant leur sentence. Ce n’est donc pas
la mort physique qu’ils fuient, mais la tragédie à laquelle ils
tentent d’échapper est loin d’être moins douloureuse.
En effet : l’Afrique les tue parce qu’il n’y ont trouvé aucune
possibilité de faire valoir leurs talents et de vivre de leurs
compétences ; l’Afrique les ronge parce toutes les portes d’espoir se
sont fermées devant eux ; l’Afrique les torture parce qu’ils voient
une toute petite partie de la population s’accaparer de tout, en ne
leur laissant que la poussière et le soleil cuisant ! l’Afrique les
étrangle parce que la misère est le seul héritage qu’ils pourront
léguer à leur progéniture.
L’Afrique pour eux c’est l’enfer sur terre parce que chaque jour qui
se lève accroît leur désespoir et les conduit à une mort certaine,
lente, et atroce, car aucune perspective d’une vie digne ne leur est
permise, pas même dans l’avenir le plus lointain. Je revoie encore ce
ressortissant d’un pays côtier exprimant ainsi sa profonde
indignation : « vous dites que chez-moi il y a la mer, il y a la
mer,... pensez-vous que je vais balayer la mer pour gagner de quoi
vivre !? »
Il faut donc fuir pour survivre, et presque tous n’ont qu’une
direction et un sens unique : l’Europe. Oui, quand la misère et les
affres des guerres rongent jusqu’au os, les images paradisiaques du
Vieux Monde que font miroiter les médias à tord ou raison deviennent
sacrées. Et conformément à l’entendement du philosophe et ancien
ministre français Luc FERRY, « le sacré, c’est ce pour quoi ou (celui
pour qui) l’on est prêt à sacrifier sa vie ».
L’espoir d’une vie digne que représente l’Europe est infiniment sacré
à leurs yeux et mérite donc tous les sacrifices suprêmes. « Tout ce
que je veux, c’est regagner Agadir, m’embarquer pour les Iles Canaris,
entrer en Europe ou mourir ! ». Ainsi martelait sa détermination, même
devant les caméras, un rescapé d’un naufrage d’une embarcation de
clandestins dans l’Océan Atlantique. Et si la Bible enseigne qu’il
vaut mieux entrer borgne ou estropié au Paradis que d’aller en enfer
avec ses deux yeux ou ses deux pieds, pour lui la messe est dite : il
vaut mieux entrer même mort dans le paradis Européen que de rester
vivant dans l’enfer de l’Afrique !
Face à cette détermination aveugle, les drames quasi quotidiens de
l’émigration clandestine passent ainsi pour une égratignure qui ne
peut altérer la conviction des candidats. D’ailleurs vous poserez la
question à certains : « N’avez-vous pas peur de mourir ? » Ils vous
répondront : « Nous étions cinquante quand nous entamions la traversée
du désert (du Sahara) à pieds, nous sommes vingt à arriver au Maroc
(ou en Algérie), on a vu des frères mourir de soif, on les a enterrés
sous le sable du désert. Nous avons déjà affronté la mort, c’est
plutôt elle qui peur de nous maintenant ! »
Si donc le risque d’y laisser sa peau ne les ébranle pas, ce ne sera
certainement pas la politique d’immigration choisie du ministre
français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui pourra renverser la
vapeur. D’ailleurs on sait qu’il ne viendra jamais se placer au milieu
du Sahara pour choisir celui qui traversera ou ne traversera pas le
désert qui s’étend de la Mauritanie au Soudan. Il ne sillonnera pas
non plus le long des côtes africaines pour décider de celui qui
embarquera ou qui n’embarquera pas pour les Iles Canaris ou la Sicile.
Cette Loi du ministre français est peut-être une solution pour la
France et non celle de l’émigration clandestine. Par conséquent, ce
drame africain du XXIème siècle reste entier.
Où se situent les responsabilités ? Comment arrêter cette
« hémorragie » douloureuse ? Durant toute l’histoire contemporaine du
continent noir, les Africains ont pris l’habitude, à tord ou à raison,
de faire porter à d’autres, les responsabilités de leurs maux. On a
imputé le sous-développement à l’esclavage et à la colonisation qui
ont occasionné le pillage des ressources humaines et naturelles ; on a
attribué beaucoup de difficultés économiques et sociales actuelles du
continent à la pandémie du VIH/Sida, qui décime les forces vives. Sur
qui jeter la responsabilité de l’émigration clandestine ?
Une chose est certaine : si l’Afrique berceau de l’Humanité était
aussi le berceau de la paix et si l’espoir d’une vie digne y était
permis à tous sans exception, alors aucun de ses enfants n’irait
s’épuiser dans le sable brûlant du désert ou se noyer dans des
embarcations de fortune pour l’Europe ou encore se déchirer sur les
barbelés qui clôturent l’enclave espagnole de Mélilia. Et pourtant
l’Afrique a tous les moyens d’être un eldorado et certaines études
économiques sont formelles à ce sujet. Elles montrent en effet que si
toutes les surfaces cultivables, très fertiles, de la R. D. Congo, un
pays qui s’étend sur plus de 2 millions de Km2, étaient exploitées
avec les moyens matériels agricoles nécessaires, alors les rendements
à l’hectare seraient tels que les récoltes obtenues pourraient nourrir
la quasi-totalité de la population africaine !
Dieu seul sait si à l’heure actuelle, les Congolais eux seuls, mangent
tous à leur faim. Elles vérifient aussi que si l’on rapatrie seulement
la moitié de tous les avoirs à l’extérieur des Africains, (lesquels
avoirs proviennent souvent des détournements ou d’autres sources
obscures et vont gonfler les coffres forts des banques européennes et
américaines), et s’ils se transformaient en investissements productifs
sur le continent, alors l’Afrique gagnerait 25 années de développement
dans un intervalle de 12 mois !
En attendant, nous nous enlisons, d’Est en Ouest, dans des conflits
fratricides et nous organisons nous-même le pillage de nos ressources
de telle sorte que les atrocités des guerres et la misère poussent de
nombreuses populations à une émigration clandestine qui s’apparente à
une marche suicidaire du désespoir au bûcher !
De surcroît, et comme pour montrer que la prise de conscience de ceux
qui ont en leurs mains le destin des peuples, n’est pas pour demain,
nous manquons aux grands rendez-vous pour une vraie union et une
réelle intégration africaine, à la grande déception du Président de la
Commission de l’Union africaine, Alpha Omar Konaré, qui s’apprêterait
à jeter l’éponge. Serions-nous alors nous-même nos propres bourreaux ?
Faut-il donner définitivement raison à Alpha Blondy quand il chante
que « les ennemis de l’Afrique ce sont les Africains ? » Non, mais à
la seule condition de se réveiller immédiatement et prendre le taureau
par les cornes dès maintenant.
David SOUBEIGA,
Etudiant en Cycle du DESS Finance - Banque
Université Mohamed -V-Faculté de Droit
10 février 2007
Source : Convergence des Causes
Messages
1. Mieux vaut entrer borgne ou estropié au Paradis que d’aller en enfer avec ses deux yeux ..., 12 février 2007, 19:19
TOUT CECI EST BIEN CONNU...
MAIS C’EST MIEUX DE L’ECRIRE,
ON NE LE REPETERA JAMAIS ASSEZ
Michèle