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Ministère de l’identité génétique

Publie le jeudi 4 octobre 2007 par Open-Publishing
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LA CHRONIQUE DE FAVILLA

De nombreux étrangers entrent sur le territoire de l’Union européenne munis de faux papiers. Ce n’est pas seulement le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale qui le dit. Tout le monde le sait et le reconnaît, y compris les associations humanitaires. Dans un de ses derniers romans, « Madame M’Ba », un grand ami de l’Afrique, Erik Orsenna, décrit avec truculence une fabrique de papiers d’identité français dans un village perdu du Mali où il a lui-même enquêté. Que ces papiers permettent aussi de contourner les règles du regroupement familial et de faire venir du bon côté du monde, par exemple en France, des enfants qui ne sont pas les siens mais ceux de la grande famille africaine, c’est une évidence. Les pays d’accueil sont donc en droit de lutter contre ce qui constitue indéniablement une fraude. Mais par quel moyens ? Là est toute la question. Au ministère de l’Identité nationale on semble considérer que, dès lors que la fin est juste, les moyens sont indifférents. Mais, au moins depuis Kant, la philosophie occidentale fonde la dignité humaine sur le principe que « la fin ne justifie pas les moyens ». Où est donc le problème avec le projet de loi autorisant les tests génétiques pour prouver un lien de parenté ?

Le ministère de l’Identité nationale explique que l’usage de ces tests sera réservé aux ressortissants des pays dont l’état civil est défectueux et qu’en toute hypothèse il n’aura lieu qu’à la demande de l’étranger et ne sera donc imposé à personne. Il n’y a pas de raison de mettre en doute cette apparente bonne volonté, encore qu’il soit clair que ceux qui n’auront pas les moyens de payer ce test onéreux ou qui le refuseront verront leur demande de venir en France automatiquement rejetée. Mais il y a beaucoup plus grave.

En 1994, la France s’est dotée d’une remarquable législation qui encadre les progrès fulgurants de la recherche génétique. Cette loi dite « bioéthique » a été révisée en 2004 pour tenir compte de nouvelles avancées scientifiques. Face aux perspectives vertigineuses qu’ouvre la maîtrise du génome humain, la loi française, s’inscrivant dans une tradition de philosophie bioéthique largement partagée en Europe, a posé le principe que ces connaissances ne devaient servir que dans un but strictement médical. En validant cette loi, le Conseil constitutionnel l’a expressément placée sous l’empire du principe de dignité afin qu’aucune dérive de nature utilitariste ne soit autorisée.

On peut comprendre qu’une exception ait été admise pour le cas où une empreinte génétique permettrait de confondre un criminel ou un violeur. Mais banaliser l’identité génétique d’un individu pour des usages courants, c’est exposer l’extrême intimité de l’homme à tous les vents. L’identité personnelle serait-elle assimilable à l’identité génétique ? Que de tragiques souvenirs réveille une telle assimilation ! Le sage Sénat vient d’en écarter l’idée. Puisse l’Assemblée nationale se ranger à cette sagesse.

http://www.lesechos.fr/info/analyses/4631278.htm

Messages

  • Le sage Sénat vient d’en écarter l’idée. Puisse l’Assemblée nationale se ranger à cette sagesse.

    Et même si les députés godillots de l’UMP sortent l’article inique du contenu de la loi, le reste de la loi scélérate pourra passer tranquillou. Voilà un chiffon rouge qui aura bien fait son office !

    JP