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Mohamed Bedhouche retrouve enfin son poste de gardien de nuit au Carrefour Le Merlan de Marseille

Publie le jeudi 11 août 2005 par Open-Publishing

« Momo » de Carrefour retrouve son poste de travail

de Christelle Chabaud, Marseille (Bouches-du-Rhône)

« Il n’a jamais été aussi à l’avance pour venir travailler », plaisantent ses collègues. Après plus d’un an d’une « histoire rocambolesque », Mohamed Bedhouche retrouve enfin son poste de gardien de nuit au Carrefour Le Merlan de Marseille, poste qu’il occupe depuis plus de quinze ans. Pour l’occasion, près de deux cents personnes, « amis et copains de lutte », se sont rassemblées lundi soir sur le parking de l’hypermarché quelques heures avant la reprise de Momo. Au programme : pot de la victoire et barbecue. Des filles du Fabio Lucci de Gardanne aux travailleurs agricoles saisonniers de Fos, du porte-parole des chômeurs en lutte marseillais Charles Hoareau aux infirmières des hôpitaux ou encore aux salariés de la SNCM, c’est en fait toute une région militante qui est venue applaudir la réintégration de Mohamed Bedhouche. « La solidarité prend ici tout son sens, explique, ému, Avelino Carvalho, de l’union départementale de la CGT. Momo a été visé pour son activité syndicale, il est réintégré grâce à l’action syndicale que nous avons menée sans relâche pendant des mois. »

Quinze jours au trou

Lorsqu’en avril 2004 Mohamed tente, en tant que délégué syndical, d’éclaircir le déroulé du « licenciement abusif » de Florent, un employé de Carrefour, il ne se doute pas que cet acte pourrait lui faire perdre son emploi, encore moins que cela va le conduire derrière les barreaux. À plusieurs reprises, il va voir un vigile, témoin de la scène du licenciement, pour lui demander de « dire la vérité devant la justice ». Mais, à cause d’un contentieux amoureux avec Florent et surtout sous la pression de la direction de Carrefour, le vigile dépose une plainte pour « subornation de témoin » contre Mohamed Bedhouche. Résultat ? Momo écope, en comparution immédiate, de cinq mois et demi de prison avec sursis dont quinze jours fermes. Avec du recul, le syndicaliste affirme : « Je ne lui en veux pas, il a été manipulé à cause de son CDD. Il ne faut pas oublier que c’est un salarié comme nous autres. Si son contrat n’avait pas été aussi précaire, peut-être aurait-il agi autrement... » Grâce à la formidable mobilisation des salariés qui, en protestation, bloquent pendant dix-neuf jours les livraisons de l’hypermarché, Momo n’effectuera pas la totalité de sa peine. « En appel, le 25 avril 2005, la sentence a même été reconnue injuste et transformée en 2 000 euros d’amende, la peine de prison a été annulée », précise le délégué CGT, comme pour mieux insister sur la démesure de la première sentence.

Mais Dominique Sabadel, patron de la grande surface, continue de demander l’autorisation de licencier Mohamed Bedhouche. N’ayant pas obtenu l’accord du comité d’entreprise, le directeur du Carrefour Le Merlan fait appel à l’inspection du travail. Le dynamisme syndical de Momo gêne considérablement la direction. À tel point que le rapport de l’inspection du travail écrit noir sur blanc : « Il ne peut être écarté l’existence d’un lien entre les mandats occupés par M. Bedhouche et la demande de licenciement. » Après enquête, le service refuse donc le licenciement le 13 juillet dernier en s’appuyant sur le fait que, malgré les dires de la direction, « la société Carrefour n’a subi aucun préjudice direct résultant de l’attitude reprochée à M. Bedhouche ».

La direction s’entête

Aujourd’hui, Carrefour persiste malgré tout et a décidé de déposer un recours hiérarchique auprès du ministère du Travail pour obtenir l’autorisation de licenciement. Dominique Sabadel veut la peau de Momo. « Un jour, peu après son arrivée en 2003, il m’avait prévenu qu’il était venu ici pour couper la tête à la CGT », explique le principal intéressé.

Pour tenter de trouver un compromis amiable, la CGT a demandé, il y a quelques semaines, l’organisation de négociations avec la direction de Carrefour. « Je veux garder mon emploi, explique Mohamed. J’avais même proposé ma mutation dans un autre Carrefour du coin pour ne pas attiser inutilement les rancoeurs. Mais Dominique Sabadel, lui, n’a fait aucun geste. Leur seule proposition a été de me payer une formation de jardinier, sans aucune garantie d’emploi derrière. Ils sont même allés jusqu’à me certifier qu’il y avait beaucoup de débouchés dans ce secteur en ce moment ! »

Pour toutes ces raisons, Mohamed ne juge sa réintégration que comme une « première victoire ». En attendant la décision du ministère de l’Emploi, Momo va reprendre consciencieusement son poste de gardien de nuit, et surtout va se consacrer de nouveau à son mandat syndical. Salaires au rabais, temps partiels forcés, suppressions de postes... « Il y a du pain sur la planche », remarque Momo. Un peu en retrait, Cathia, quatorze ans, regarde son père retourner à son poste, soutenu par plusieurs dizaines de personnes. « Il le mérite car il sait se battre avec la tête. Je suis vraiment fière de mon père. »

http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-08-10/2005-08-10-811734