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Mumbai 2004 - Lettre d’infos n*3

Publie le mercredi 4 février 2004 par Open-Publishing

Non on vous a pas oublié, mais le Youth camp s’est enfin animé et la fin du FSM a été chargé ; la dernière lettre d’info arrive maintenant, un peu en retard...

1/ Un vrai forum social (Marie Laure).

2/ La petite musique du Forum social mondial, par Loïc.

3/ IYC, RRG et CI, c’est pas de la tarte aux poireaux, par Benoit.

1/ Un vrai forum social (Marie Laure).

J’étais de traduction hier dans une conférence sur l’héritage de Gandhi et les mouvements sociaux... conférence qui avait débuté par les affirmations les plus principielles, Gandhi et la non violence, son héritage vit parmi nous, Gandhi , sa vie, son oeuvre... conférence ponctuée par l’intervention du Brésilien Chico Witaker, atrocement lyrique, et dans laquelle il soutenait que le processus entier du forum social mondial était inspiré de Gandhi... gandhienne la charte de Porto Alegre, gandhiens les principes de non participation des forces de libération nationale à l’action violente, gandhien le processus d’unité des mouvements dans une lutte commune et fraternelle !!

Intermède tout à fait divertissant, ce discours ne fut cependant pas le clou du spectacle : le panel touchait à sa fin lorsqu’un des derniers conférenciers a été annoncé et que la moitié de la salle s’est levé d’un seul bloc, se ruant vers la tribune. Un peu habituée aux manifestations très festives et déchainées des Dalits, j’ai pensé dans ma petite tête qu’il s’agissait d’une manifestation magistrale de soutien à un personnage qui avait l’air fort important... malheureusement la traduction hindi-anglais n’étant pas assurée, je ne comprenais pas grand-chose et me trouvait donc sans travail... ce qui m’a permis de suivre le déroulement de l’action. Si si, Cédric, une action dont tu aurais rêvé : empêcher un conférencier de prendre la parole en récusant sa légitimité à intervenir au FSM !

Le conférencier en question était un ancien ministre d’un État fédéré indien qui avait été apparemment un apôtre des multinationales et des investissements étrangers qu’il avait laissé se développer sur son territoire, incluant la construction d’un barrage qui avait déplacé de force des milliers d’habitants de la région. Une centaine de personnes du public se bousculait pour récupérer le micro et l’empêcher de parler. C’est finalement eux qui eurent la parole en premier mais ils durent ensuite la passer à l’ex-ministre, au nom de la liberté d’_expression invoquée par le modérateur. Moyennant quoi, ce ministre a particulièrement insisté sur la notion de la non violence chez Gandhi et le fait que c’était le seul moyen de lutter contre la mondialisation... on imagine qu’il pensait plutôt à sauver sa peau !

À côté de moi, Laurent Jesover exultait : enfin un VRAI forum social !!!! Effectivement, cet incident est peut être mineur et drôle pour le spectateur européen (pas aussi radical d’ailleurs que les anars contre Hollande : on ne l’a pas laissé parler, lui !), mais il est caractéristique de l’ambiance du forum, de l’élargissement de sa base sociale, de son atmosphère festive et bruyante : les tambours ne s’arrêtent jamais, ni les processions et défilés dans les allées du lieu... on ne comprend pas tout, les banderoles sont en général en hindi, mais on rit, on danse, c’est une fête de l’humanité indienne !

Marie Laure

2/ La petite musique du Forum social mondial, par Loïc.

« Vous voulez danser ? » L’invitation est tentante et beaucoup d’étrangers s’y laissent prendre. Le Forum social mondial de Mumbai se joue dans la rue. Dans tous les sens du terme. Les grandes allées du centre d’exposition qui accueille le FSM bruissent du petit matin jusqu’à la nuit tombée du son des tambours. Une rumeur court : il y aurait plus de 200 000 participants, une information impossible à vérifier, bien sûr. Mais ce qui est certain, c’est que les dizaines de milliers d’Indiens présents au Forum ne sont pas dans les immenses salles de conférence, devenues trop grandes et trop vides faute d’auditeurs.

Ils sont dans les « rues » de l’énorme complexe industriel de Goregaon, au Nord de Mumbai, reconverti en capitale de quelques jours de l’altermondialisme. Des cortèges colorés et festifs les parcourent de manière incessante, pour le plus grand bonheur des photographes et des caméras. Chacun se montre, chaque délégation ne parcourt pas moins de deux fois ces grandes avenues. Pas de batucada ni d’air de samba mais, question percussions, les habitués de Porto Alegre ne sont pas dépaysés. Les Indiens avaient annoncé un FSM différent, laissant une large place aux événements culturels. Ils n’ont pas menti. Les danses s’improvisent au milieu des allées, créant des bouchons humains quelquefois infranchissables.

Lorsque deux groupes se croisent, commence alors une furieuse compétition pour gagner une virtuelle bataille du son. Tous les États de l’Inde ou presque sont représentés, et la sarabande sans fin des cortèges finit par former un concentré de ce vaste pays. Simple folklore ? Sûrement pas. Venus de l’Andhra Pradech, un État de la côte ouest, la Praja Natya Mandali, une association luttant pour la réforme agraire, liée à l’une des nombreuses organisations politiques maoïstes, met le feu aux poudres pour attirer le chaland. « Nous ne sommes pas là seulement pour jouer de la musique, mais pour produire un spectacle » affirme celui qu’on nous désigne comme le responsable. S’ensuit une scène de théâtre édifiante dans laquelle des paysans exploités finissent par sortir de leur soumission ancestrale pour s’opposer au propriétaire terrien par la force des armes.

En attendant le dénouement, les répliques en bois de Kalashnikov servent à délimiter la scène improvisée au milieu d’un carrefour. Plus loin, un cortège aux couleurs du Rainbow flag mêle prostituées, homosexuels et transexuels. Le Durbar Mahila Samanwaya Committee organise les « travailleuses du sexe » à Calcutta, et demande l’abolition de l’ITPA Act, « qui criminalise la prostitution », explique une prostituée. Ici un mouvement d’inspiration gandhien, là une puissante organisation de jeunes, la Youth for Unity and Volontary Action (YUVA), plus loin la National Campaign on Dalit Human Rights, qui a ouvert le Forum avec la marche des Intouchables, la plus basse caste indienne. Pour faire parler de soi dans le FSM, une bonne manifestation vaut certainement mieux que quelques lignes perdues dans un volumineux programme de 117 pages. Et de préférence au son des percussions.

3/ IYC, RRG et CI, c’est pas de la tarte aux poireaux, par Benoit

Au nom du RRG, une délégation a rencontré lors d’une réunion informelle des membres du Comité international (CI) du FSM, le 21 janvier. À l’initiative de la marche mondiale des femmes (MMF), il s’agissait de discuter très rapidement de la périodicité du FSM. Sur proposition de Julia (MMF Brésil + IYC de P.O.), le RRG a donc pu assister à cette réunion et présenter son réseau ainsi qu’une première demande de participation au CI pour les orga brésiliennes préparant le youth camp.

Étaient présent : Focus on the global south, MMF, la CUT brésilienne, via campesina et attac. Le ton de la discussion était un tantinet paternaliste. Lors de la présentation de notre délégation (Roberto, organisateur à Porto Alegre, une étudiante indienne que je ne peux malheureusement pas nommer, désolé, organisatrice du IYC ici, et moi pour le rézo intergalac) notre copine a du expliquer 2 fois de quel youth camp (YC) elle s’occupait. Après la discussion sur la périodicité, attac nous demanda de régler la présentation du RRG et du youth camp en 5 minutes maxi, parce que la manif allait partir...

Fernando prit la parole le premier demandant un processus plus clair pour l’organisation du FSM et une meilleur participation. Le FSM doit mélanger des espaces de débats et d’activité, la question de la jeunesse doit être mieux traitée. J’ai appuyé ces remarques pour aller vite et notre copine a indiqué les problèmes de relation avec le comité indien pour l’organisation du youth camp.

Euh... avant il a présenté le RRG aussi : émanation du YC de P.O.3, rassemblant des orga de 20 pays sur 5 continents (j’en oublie ? on a même les ours blancs du pôle nord avec nous) dans l’esprit du FSM, avec des principes d’actions de désobéissance, non violence et respect de l’environnement, grosso modo, avec le dos de la cuillère (à soupe).

Une demande informelle a été faite pour participer au CI en tant que youth camp, mais il faudra faire une vraie demande par écrit qui sera ensuite examinée. Grosso modo on s’est présenté, il y avait quand même des pointures du CI, mais c’était pas une ambiance aussi cool qu’un soir de match de foot :-)

En allant ensuite à la manif avec Olivier et Patrick (indymedia + youth camp Québec en août 2003, il réalise un doc sur le IYC 2004), la discussion a continué. Le RRG peut notamment participer à l’AG des mouvements sociaux, qui rédige la déclaration finale du FSM, qui lui ne peut le faire en tant que tel. Si je me gourre pas, l’AG des mouvements sociaux (www.movsoc.org) regroupe des asso hors syndicats et partis, même si la CUT en fait partie.

La question de « youth » camp est posé, car la notion amène toujours un peu de condescendance mielleuse. À voir. Organisé au départ par un groupe brésilien, le dernier youth camp à P.O. a été préparé principalement à P.O. car c’était plus efficace et pratique. Il n’est pas sur que ce camp deviennent une émanation du RRG car cela poserait des problèmes de représentativité et d’organisation. Pour la même raison, ce serait l’orga du YC qui va demander l’adhésion au CI et non le RRG (en principe à discuter).

Roberto propose aussi qu’il y ait des débats au YC ou au RRG, je ne sais plus, sur ce que nous sommes. C’est quoi un anarchiste, un communiste, un écolo, que voulons nous, comment nous définissons nous ? Il souhaite sortir de ce tabou existentiel aux sein des rézo, il faudra bien qu’on y passe un jour ou l’autre, même si ce ne sera pas simple. Je crois qu’on en arrive aux mêmes conclusions au rézo intergalac, vu nos assises, non ?

J’ai proposé que le RRG soit aussi une boite à outils sur 3 points :

* démocratie directe, AG consensuelle, méthode d’animation des réunions : l’auto gestion c’est pas inné. on a de l’expérience après le VIG, les autres aussi, faisons une belle confiture de tout ça pour la tartiner de + en + !

* un YC ça demande des moyens techniques et financiers. Combien de kilos de légumes pour un repas de 2500 militants, où trouver des tentes pour un media center, quelle doit être la puissance de la sono de la manif ?

Par exemple, j’aimerais bien avoir les plans de montage d’une salle de réunion pour 300 personnes à partir de tige de bambou et de tissus (coût pas cher du tout !) qui se monte en une journée, avec une tripotée de ventilateurs pour faire indien, qui donnent un air de ballet d’hélicoptère sur fond de Walkiries (?)

* un YC c’est pas pour faire joli, y a des trainings et de l’art. Comment qu’on fait pour bloquer une rue ? Mais aussi comment se comporter en manif, jouer de la flute, faire la position du lotus en yoga, répéter un morceau de batucada ? La révolution ne sera sûrement pas triste et nous encore moins, échangeons, pratiquons !

Il faudra en + de ça faire un CR de la réunion du 19 ou du 20 je ne sais plus, ou une 15aine de pays étaient présents pour discuter du RRG. Grosso modo, le site web sera surtout une liste de liens vers nos propres sites, au moins dans un premier temps, il y a un référent par pays pour la lettre d’info qui sortira tous les 2 mois. On voit l’agenda des mouvements sociaux pour définir peut être 4 dates d’actions communes. À noter que quelques fortes têtes (et cancéreux) ont osé un mouvement de désobéissance lors de cette réunion en bravant l’interdiction de fumer sur le YC. Heureusement la police n’est pas intervenu, même si un débat avec les indiens a eu lieu :-)

merci de votre attention, nos excuses pour les erreurs, les claviers QWERTY sont un peu déstabilisants ...

visitez notre site web : http://www.intergalactique.org/