Accueil > NE PAS SE TROMPER D’ENNEMI POUR VAINCRE SARKOZY, MAINTENANT

NE PAS SE TROMPER D’ENNEMI POUR VAINCRE SARKOZY, MAINTENANT

Publie le vendredi 16 février 2007 par Open-Publishing
10 commentaires

L’ENSEMBLE DE LA GAUCHE DOIT PENSER AU SECOND TOUR ET NE PAS SE TROMPER D’ENNEMI

LIBERATION lundi 12 février 2007

 Marc Abéles, anthropologue (EHESS-CNRS)
 Etienne Balibar, philosophe (Paris-X Nanterre)
 Robert Castel, sociologue (EHESS)
 Monique Chemillier-Gendreau, professeur de droit (Paris-VII)
 Yves Duroux, philosophe (ENS-Cachan)
 Françoise Héritier, anthropologue (Collège de France)
 Emmanuel Terray, anthropologue (EHESS)
 Michel Tubiana, avocat.

Les péripéties de la campagne électorale ­ candidatures projetées ou abandonnées, « petites phrases », polémiques ­ risquent fort de faire oublier l’enjeu principal de l’affrontement. Cet enjeu, quel est-il ? Voici un candidat qui se présente au nom d’une droite nouvelle, et qui représente effectivement une synthèse, inédite en France, entre Thatcher et Berlusconi. Bien entendu, ce candidat multiplie les rideaux de fumée, rend hommage aux « travailleurs », évoque Jaurès et Blum, dont il n’a sans doute jamais lu une ligne, afin d’amuser la galerie.
Mais sitôt qu’il passe aux propositions concrètes, la réalité apparaît. Elles sont toutes marquées du signe du libéralisme économique le plus offensif. Qu’on en juge :
­
bouclier fiscal à 50 %, vidant de toute substance l’impôt sur la fortune ;
­ abolition de l’impôt sur les successions ;

démantèlement du Code du travail, par l’institution d’un « contrat unique », inspiré de l’actuel CNE, et aboutissant à priver le salarié de toute sécurité effective pendant les premières années de son embauche ;

­ franchise uniforme sur les dépenses de santé, à la charge des assurés ;
­ limitation du droit de grève, par l’institution d’un référendum obligatoire au bout de huit jours de conflit ;

­ non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux, et notamment d’un enseignant sur deux, avec tous les effets qu’une telle mesure peut produire sur les services concernés.

Si, à ces propositions, on ajoute l’atlantisme agressif affiché par le candidat de l’UMP, on obtient le côté Thatcher. Quant au côté Berlusconi, il se manifeste sous deux aspects :

­ l’utilisation sans vergogne de tous les moyens de l’Etat (préfectures, services de police) à l’appui de sa candidature. Que le ministre de l’Intérieur, chargé d’organiser les élections et de veiller à leur loyauté, soit lui-même candidat, voilà qui nous ramène aux beaux jours du second Empire et de la candidature officielle ;

­ les liens étroits qui unissent le candidat aux dirigeants des grands groupes de l’audiovisuel et de la presse écrite : Bouygues, Lagardère, Dassault, etc. D’où le formidable battage organisé par ces groupes en sa faveur.

Par rapport à ses deux modèles, Thatcher et Berlusconi, le candidat de l’UMP n’apporte que deux touches vraiment originales : d’une part, la multiplication, sous couvert de lutte contre l’insécurité, de textes répressifs instituant un contrôle social de plus en plus étroit sur des catégories de plus en plus nombreuses de la population ; d’autre part l’intensité de l’offensive qu’il mène contre les étrangers ­ non seulement contre les étrangers en situation irrégulière, avec la multiplication des rafles, l’arrestation des enfants dans les écoles, etc. Mais aussi contre les étrangers régulièrement établis sur notre sol, avec la précarisation des titres de séjour et les restrictions draconiennes apportées au droit au mariage et au droit de vivre en famille.

Face à une menace aussi redoutable, la mobilisation de la gauche devrait être générale. Or ce n’est pas ce que l’on observe. On observe d’abord un Parti socialiste qui ne défend que très mollement sa candidate contre le tir de barrage auquel elle est soumise. Tout se passe comme si les « éléphants » éliminés avaient décidé de se retirer du terrain et d’assister en spectateurs à la suite du match. Comportement suicidaire, bien sûr, car ils seront eux aussi entraînés, et pour longtemps, dans une éventuelle défaite...

On observe ensuite une gauche de la gauche représentée par non moins de quatre candidats. Comme il est naturel, chacun d’eux veut arrondir sa petite part du gâteau électoral. Il s’en prend donc beaucoup moins à la droite ­ regardée comme hors d’atteinte ­ qu’à ses concurrents les plus proches ou à la candidate socialiste, dont il espère débaucher quelques électeurs. Démarche ruineuse : car qu’on le veuille ou non, plus on jettera le discrédit sur Ségolène Royal avant le premier tour, moins l’appel in extremis à voter pour elle au second tour aura de chances d’être entendu, et on aura finalement travaillé pour le roi de Prusse, ou plutôt pour l’homme de la place Beauvau.

On observe enfin des intellectuels qui se proclament ­ en vertu de quel mandat ? ­ représentants de leur corporation et qui se disent vexés de ne pas avoir été choisis comme experts ou comme conseillers privilégiés. Du haut de leur vanité froissée, ils se déclarent donc prêts, eux aussi, à se retirer sur l’Aventin, ou flirtent avec tel ou tel candidat plus complaisant à leur égard.

Il faut alors le dire bien haut : face au danger qui nous menace, tous ces comportements sont irresponsables. On peut certainement critiquer Ségolène Royal, rejeter telle ou telle de ses propositions, juger qu’à ce jour son projet est trop imprécis. De fait, qu’il s’agisse du nucléaire iranien, du mur israélien ou de la justice chinoise, chacun(e) d’entre nous est en désaccord avec une ou plusieurs des positions qu’elle a dernièrement prises. Par ailleurs, on peut aussi lui faire crédit de sa détermination, et du caractère innovant de sa démarche. Mais une chose est sûre : aujourd’hui comme hier, la gauche et la droite ne peuvent pas être renvoyées dos à dos, surtout quand la droite est représentée par l’apprenti César de Neuilly.

Si Ségolène Royal l’emporte, à supposer même que rien dans ses projets ne nous donne satisfaction, les conditions de notre lutte resteront ce qu’elles sont aujourd’hui ; nos associations pourront s’exprimer, défendre leur point de vue, poursuivre leur action, mobiliser l’opinion et faire pression sur le futur gouvernement, comme elles l’ont fait dans le passé. Rien à voir avec la chape de plomb médiatique et policière qui s’abattra si par malheur l’actuel ministre de l’Intérieur triomphait : demandons à nos amis italiens de nous dire ce qu’ont été les années Berlusconi...

Car la victoire de Sarkozy, nous savons bien qui en paierait le prix fort : non pas tant les élus socialistes, les militants encartés de l’extrême gauche ou les experts autoproclamés, que, avant tout, les sans-papiers, les demandeurs d’asile, les sans-logis, et l’immense armée des RMistes, des précaires et des travailleurs pauvres, dont la condition s’aggraverait encore, comme elle s’est aggravée en Grande-Bretagne après vingt ans de thatcherisme. C’est en pensant à eux que nous voulons dire fermement : assez de ces petits jeux délétères.

Certains d’entre nous donneront dès le 1er tour leur voix à Ségolène Royal, à la fois pour écarter tout risque de voir se répéter le 21 avril 2002, et pour empêcher que ne se creuse entre elle et Sarkozy un écart qui ne pourrait plus être comblé au second tour ; d’autres donneront la préférence à d’autres candidats. Entre nous, le débat peut et doit être franc et ouvert, à condition de ne jamais oublier que nous nous trouvons dans le même camp, et ce que signifierait le succès du camp adverse. La victoire au second tour se prépare dès aujourd’hui ; elle suppose qu’à l’intérieur de la gauche, la discussion et la critique demeurent fraternelles et préservent les chances du rassemblement final ; elle exige que nos coups soient tous dirigés contre l’adversaire principal.

http://www.liberation.fr/rebonds/234542.FR.php

Messages

  • Enfin, un article sensé ! Il ne faut pas se tromper d’objectif camarades. L’essentiel c’est de battre la droite en général et Sarko en particulier.

    • Pour ma part, les choix sont fait depuis longtemps : MGB au premier tour et S Royal au second.

      On verra ensuite pour les états d’âme. Nous aurons 5 ans pour débattre.

      Et ne pas oublier que si la gauche est défaite aux présidentielles, il restera les législatives. Un président de droite sans députés pour le soutenir n’est rien.

    • Tout ça c’est bien joli...je l’entends assez souvent. Et encore une fois , qui nous fait la leçon ? bon...

      Mais il y a aussi d’autres discours, des discours de gens, de militants, qui ont compris que là, ça allait être vraiment grave, quoi qu’il se passe dans la configuration actuelle, parce que cetet élection est pipée depuis le début !

      Bien sûr ,et c’est le préalable à ce que nous puissions nous comprendre ,Sarko, ce sera pire que tout et l’ennemi numéro 1 c’est lui , et/ou Le Pen ; Bayrou et Sr ne sont pas liberticides ni xénophobes - faut-il pour autant trahir le peuple ?

      Ne pas chercher la 3ème voie dès maintenant, c’est négliger quelques réalités que nous allons nous prendre en pleine poire, comme toujours.

      C’est négliger de préparer des étapes fondamentales pour nous que nous allons devoir brûler en quatrième vitesse quand nous serons au pied du mur.

      J’avoue que je suis aterrée de constater qu’entre le 1er et le 2d tour, en 2002, nous avosn été capables de nous rassembler à ce point pour, certes "faire barrage au Front National" MAIS aussi, pour appeler à voter Chirac et que, aujourd’hui que les choses vont encore tourner au vinaigre, nous restons muets comme des carpes....

      Le programme et ses 120 propositions concrètes, fortes et énergiques, novatrices, audacieuses,
      à quoi cela sert-il de le défendre bec et ongles aujourd’hui si nous devons y renoncer demain ? A quoi cela sert-il d’envoyer notre candidate, cette "épatante Marie-George", au feu, pour la cramer définitivement et nous avec sans que ça ait servi à rien ?

      Tout ça c’est du vent si nous ne prenons pas le pouvoir maintenant, par les urnes, avec l’aide de la rue si il le faut.

      On s’exprime tous et toutes ici sur un site dont la devise est quand même :
      "Se rebeller est juste, désobéir est un devoir, agir est nécessaire ".

      Alors quoi, on se paie de mots ?

      Je ne dis pas que c’est LA solution, mais si nous essayions au moins ?

      Nous avons déjà du mal à rassembler notre électorat "naturel" (le mot d’ONFRAY est un ramassis d’horreurs mais il éclaire un pan que nous ne voulons peut être encore par voir, et qui est que, pour certains électeurs, qu’ils aient raison ou tort de le penser, c’est pas le dabt, mais pour eux, le PCF a trahi, autant que le PS et notamment, du fait de ses alliances avec le PS....) - alors rêver à une "gauche unie", ok, mais pas n’importe comment.

      On a longtemps cru au PCF que le jeu des alliances avec les socialistes était de la "realpolitik" mais c’est l’inverse !!! c’est croire au Père Noel.

      Cet appel , c’est oublier que si les "éléphants" du PS ne soutiennent pas Royal, ou plutôt, la soutiennent d’une main et lui appuient sur la tête de l’autre, c’est moins parce qu’ils seraient vexés que parce qu’elle est susceptible d’effectuer un virage à gauche (au moins par calcul, ce qui correspondrait à une volonté qu’elle avait exprimé dans sa campagne interne...), que eux, ces "éléphants", ne veulent pas faire...

      Et, je vais encore mettre les pieds dans le plat, mais vous croyez VRAIMENT que certains de ces éléphants ( par exemple, l’un des plus importants de ces éléphants, qui disait, dans une interview accordée à Passages N° 35 - Février/Mars 1991
      Extrait -
      "Question d’Emile Malet : Juif en France ?
      Réponse : Je considère que tout Juif de la diaspora, et donc c’est vrai en France, doit partout où il le peut apporter son aide à Israël. C’est pour ça d’ailleurs qu’il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. Tout le monde ne pense pas la même chose dans la Communauté juive, mais je crois que c’est nécessaire. Car, on ne peut pas à la fois se plaindre qu’un pays comme la France, par exemple, ait dans le passé et peut-être encore aujourd’hui, une politique par trop pro-arabe et ne pas essayer de l’infléchir par des individus qui pensent différemment en leur permettant de prendre le plus grand nombre de responsabilités. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, au travers de l’ensemble de mes actions, j’essaie de faire en sorte que ma modeste pierre soit apportée à la construction de la terre d’Israël.")

      que ces éléphants-là, donc, voudront VRAIMENT gouverner ( soyons fous !) avec des gens issus d’un parti qui est clairement opposé à la politique israélienne et qui défend depuis des lustres le droit des palestiniens à la sécurité et à la libre disposition d’eux même , si nous , antilibéraux, ne les contraignons pas à le faire ?

      Vous croyez vraiment que, si on ne leur met pas le couteau sous la gorge TOUT DE SUITE, les sociaux-démocrates du PS qui sont encore majoritaires dans ce Parti ( les socialistes ont été moins de 50 % à voter non au TCE...) nous laisseront à nous , les "antilibéraux", autre chose que des miettes ?

      Bien-sûr.. on peut rêver !

      Mon ancienne pratique d’avocat d’affaires m’a quand même appris une ou deux choses...
      il y a deux manières d’entamer des négociations : la bonne et la mauvaise.

      Et la mauvaise, c’est quand tu es en position de faiblesse.

      Sur ce, bien fraternellement... mais moi, je ne me prononcerai pas sur un vote royal avant d’avoir tenté tout ce qui est EN NOTRE POUVOIR, à nous , le PEUPLE, pour que ce vote ait lieu dans des conditions décentes pour les partis qui représentent les travailleurs et les opprimés depuis longtemps.

      LLR

  • Tout à fait juste ! La gauche dans son integralité est à 40 %, c’est dramatique ! Il faut réagit vite : les ennemis à attaquer son Jean Marie le Pen et son sosie de l’UMP Nicolas Sarkozy ! N’oublions pas que ce dernier est le candidat sortant, qu’on lui réclame des comptes sur son bilan !!

    • Compte tenu du fait que les électeurs de gauche passent une bonne partie de leur temps à s’invectiver (ce site en est une démonstration assez claire), il ne faut pas s’étonner que la gauche dans son ensemble se retrouve à son plus bas niveau depuis prés de 40 ans.
      Tout ceci après que la droite ait encaissé en moins de 2 ans 3 déroutes électorales majeures !!! Qui a donc dit que c’était la droite française qui était la plus bête du monde ?
      Comme on peut également s’interroger sur la cohérence de l’électeur Français, l’optimisme n’est pas de rigueur. Il faut s’attendre au pire : Sarkozy Président et l’UMP avec une majorité largement absolue à la Chambre. Mais au fait qu’est ce qui aura changé ? RIEN sauf que Sarko remplace Chirac.
      Comme la plupart des autres peuples, les français ne seraient-ils pas avant tout con-ser-va-teurs ?

      Valère

  • Complètement d’accord avec l’analyse du "risque Sarko".

    Par contre je les trouve mal-honnête en disant que les 4 candidats de la gauche de la gauche se tirent plus dans les pattes que dans celles de la droite !
    Je suis désolé, mais 1erement MGB, ce n’est pas la gauche de la gauche... c’est une candidate de gauche ! et 2èmement, je pense que la campagne de MGB est claire : battre la droite et réussir à gauche, l’adversaire, dans toutes les interventions de MGB, c’est sarko !

    Alors médames et messieurs, un petit effort... et reconnaissait le.

    Jean-Claude

  • Super article, surtout en ces temps de jeu de massacre à gauche. On note au passage que la mention "je vote mgb au 1er tour" est un rajout au texte. Pas vraiment loyal pour les signataires de ce texte.

  • pour moi c est MGB au premier tour méme si je ne suis d’accord avec toutes ses propositions mais au second tour je vote blanc avec le Ps j ai déjà trop donné depuis 1981