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NON RENTABLES, UNISSEZ-VOUS !

Publie le vendredi 17 octobre 2003 par Open-Publishing

Le capitalisme n’est pas une chance, c’est une menace pour l’humanité. Même
beaucoup de ceux qui se trouvent bien placés commencent à le constater. La logique
subjacente à ce système est d’autant plus simple que brutale : finalement, le droit à
l’existence est garanti seulement par ce ou par celui qui est rentable. Et le lucre
par lui-même ne suffit pas, il doit se déplacer à la hauteur du standard de
rentabilité, dont le niveau, en termes capitalistes-financiers, se place de plus en
plus haut.

Cela signifie deux choses : premièrement, le capital possède une avarice insatiable
de travail humain, qui doit se transformer, en plus de capital, en fonction de la fin
en soi-même de la valorisation irrationnelle. De ce point de vue, les personnes sont
du matériel,"main d’ouvre", et rien d’autre.

Deuxièmement le travail n’est "valable" qu’en fonction de la rentabilité. L’avarice
capitaliste d’exploiter la force vitale humaine oblige à suivre ce mécanisme. D’une
certaine façon, cette brutalité essentielle est aux aguets dans l’inconscience de l’
ordre du système. Elle est si terrible que personne ne veut la voir, aucun gérant,
aucun politique, aucun idéologue. Mais elle existe et elle dit jusqu’à ces dernières
conséquences : tous ceux qui n’ont pas de capacité de travail sont, par principe, des
vies sans valeur. Ainsi serait la vie de tous les enfants et adolescents, qui ne sont
pas encore en age de travailler, sauf si on les exténuait comme matériel de travail
aussitôt qu’ils pourraient marcher ; tous les malades, les handicapés, etc. qui ne
représentent que des dépenses. Et, évidemment, toutes les personnes âgées qui n’ont
plus la capacité de travailler et auxquels on appliquerait le même critère, sauf si
elles étaient utilisables pour quelque chose même sur son lit de mort. Finalement, il
y aurait les chômeurs, qui deviennent des "excédents". La logique capitaliste confère
cette sentence non seulement aux individus, mais aussi aux respectives sphères et
institutions : la formation, l’éducation, les services sociaux, les services
sanitaires, l’art et la culture, etc. semblent des dépenses mortes, qui devraient
être éliminées. Evidemment, une n’importe quelle société qui appliquerait cette
logique entrerait immédiatement en collapsus. Mais il s’agit de la logique du
capital, aveugle et insensible comme un processus physique. Il faut tromper le
capitalisme d’une certaine manière pour qu’il laisse vivre l’humanité comme matériel
pour ses propres insatiables exigences.

Originalement, la survie dans ce contexte, et avec les "besoins non-rentables",
était uniquement la besogne des femmes. Le procès de valorisation n’a pas méprisé la
chair féminine, c’est à dire, "le nerf, le muscle, le cerveau" (Marx). Néanmoins, on
impose après aux femmes une double charge. De même dans les sociétés capitalistes d’
Etat de l’ancien bloc de l’Est, dans les centres occidentaux ou dans les bidonvilles
du Tiers-Monde : après la journée de travail, le vrai travail commençait et commence
avec le travail de reproduction pour la partie de la vie "sans valeur" du point de
vue capitaliste. Les femmes seules auraient succombé depuis longtemps sous ce poids
ou bien la société aurait du être dissoute. C’est pour cela que l’Etat a du créer
additionnellement les aires secondaires, dérivées de la "vie sans valeur" hors de la
rentabilité par moyen des impôts, contributions et systèmes de sécurité, donc, d’une
certaine façon, par moyen de la "saignée" du processus rentable de valorisation. S’il
allait assez loin, cela était vu comme plus ou moins "social". Et la critique
historique du capitalisme se limitait en grande mesure à l’ampleur de la saignée,
pendant que la terrible logique de base demeurait intacte et à l’ombre. Cela
était possible (avec les interruptions des crises) pendant que le processus de
valorisation était historiquement en hausse et pouvait absorber chaque fois plus de
travail rentable. Mais avec la troisième révolution industrielle, cette expansion a
été stoppée. Le niveau de rentabilité est trop élevé, et laisse en marge trop de
personnes capables de travailler. En conséquence la saignée de la valorisation pour
les aires secondaires s’épuise.

Jusqu’à présent cachée, la tête de méduse intrinsèque à la logique capitaliste
devient visible. Dans le monde entier, les "non-rentables" doivent expérimenter la
respective "dévalorisation de la vie" absolue ou relative. Cela concerne tout d’
abord, avec de graves conséquences, les chômeurs de longue durée, les enfants, les
adolescents, les malades, les handicapés et les personnes âgées.

En fonction du pays et de la situation du marché mondial, cela se produit avec plus
ou moins de vitesse, mais on marche inexorablement dans cette direction. Aussi en
RFA, maintenant seulement relativement "riche" dans le sens

capitaliste : on va réduire les prestations de la sécurité sociale, les soins
médicaux, l’assistance aux malades et personnes âgées diminue, on porte atteinte aux
aides sociales, on ferme les crèches.

Dans les écoles le mortier tombe des murs, le matériel didactique vieillit et il
pourrit. Et on ne voit pas la fin des nouveaux projets de découpage.

Silencieusement on est en train d’ensevelir toute la production sociale.

L’"Agenda 2010" est un agenda de la démence de la rentabilité qui ne reconnaît
aucune barrière sociale ou morale, car son champ d’action est devenu trop étroit. Les
classes politique et économique ne reviennent que sur la sourde physique sociale
capitaliste. Et la vieille et délaissée critique du capitalisme, limitée à la simple
saignée de la valorisation, décline. Les vieux spécialistes de l’amélioration sociale
se sont recyclés pour la limitation cosmétique des dégâts dans les détériorations.
Les supposés fossoyeurs du capitalisme sont devenus des auxiliaires des fossoyeurs de
la société humaine. Sous ces circonstances historiquement nouvelles, l’ancien rôle
syndical social-démocrate, en termes de son contenu social, s’est transformé en son
contraire.

Il serait flatteur de nommer engagement corrompu le résultat de la faible révolte
contre l’"Agenda 2010", qui est par malheur prévisible. Là où la capacité de
gouverner devrait être sacrifiée au nom de la résistance sociale, au contraire, on
sacrifie la résistance sociale au nom de la capacité de gouverner. Mais les choses ne
se limitent pas à l’Agenda. Ce que l’on veut vendre comme sacrifice pour la supposée
maintenance substantielle des aires vitales "non rentables" c’est seulement une
partie du chemin vers l’impasse historique du cannibalisme capitaliste. Ce système ne
se laisse plus duper dans sa biophobie. Le principe absurde de rentabilité doit
tomber :

Non rentables, unissez-vous !

02-05-2003.