Accueil > Nanterre toujours en colère
Texte envoyé au Monde et refusé avant même d’être lu, refusé par Libération également. L’ordre et la bonne humeur sont censés régner dans les universités françaises grâce à notre gracieuse ministre. Aucune info susceptible de démentir ce constat ne doit filtrer. Donc censure !
Lettre ouverte de 130 Enseignants-chercheurs de l’Université Paris-Ouest Nanterre,
à Valérie Pécresse et à Xavier Darcos.
Nanterre, le 12 juin 2009
Madame la Ministre, Monsieur le Ministre
Parce que nous sommes des chercheurs et des professeurs responsables, des humanistes, des parents et des citoyens, nous refusons de faire payer à nos étudiants le prix de votre incompétence et de votre despotisme. Nous ferons donc en sorte que, malgré des mois de grèves douloureuses et de perturbations multiples, nos étudiants aient un diplôme de qualité cette année, comme chaque année. Nous avons pris cette décision la mort dans l’âme, sachant que vos médias s’empresseront d’en déduire que nous reculons devant vos menaces insultantes et que « tout rentre dans l’ordre ». Mais nous restons solidaires de nos collègues qui, en divers points du territoire et dans des conditions particulières, ont pu prendre des décisions plus radicales, plus difficiles à tenir, sans doute, mais peut-être plus courageuses que la nôtre, pour vous résister avec plus de fracas. Nous le montrerons en continuant à manifester avec nos étudiants, et en résistant avec force à vos basses manœuvres politiques. La crise des universités ne fait peut-être que commencer, car votre attitude actuelle qui consiste à imposer des décrets scélérats rejetés par tous, à la veille des vacances, ne fait que renforcer notre défiance à l’égard de votre administration.
Après 8 mois de motions unanimes, de tribunes publiques et de pétitions qui ne nous valurent pas même l’honneur d’une réponse ; après 4 mois de protestation vigoureuse ponctués de grèves diverses, d’actions symboliques et de manifestations rassemblant chaque semaine des dizaines de milliers de personnes dans le respect de l’ordre républicain, nous devons constater que vous avez, en apparence, gagné la bataille sur la question des examens si facile à mettre en musique médiatique. Vous avez eu raison de parier sur notre bonne nature : nous ne sacrifierons pas sur l’autel de vos vanités, l’avenir de nos étudiants.
Vous avez l’impression d’avoir gagné, pour quelques semaines, face au monde du savoir, face à l’innovation, face au dynamisme, face aux plus grands noms des sciences et des sciences humaines françaises qui, chaque jour, portent par leur travail, malgré vous, notre pays au rang des premières puissances culturelles et intellectuelles de la planète. Face à tous ceux, prix Nobel compris, dont vous n’avez pas su entendre les appels raisonnables et argumentés. En vous appuyant sur des médias aux ordres, sur des mensonges éhontés, des chiffres ouvertement truqués, des intimidations policières et des lieux communs populistes, vous pouvez donner l’impression d’avoir gagné, pour un temps, mais pour un temps seulement, contre l’Université de la République.
Nous dénonçons la violence de votre gouvernance, qui préfère nous mettre en concurrence pour gérer une pénurie de moyens volontairement entretenue, au lieu de nous aider à unir nos forces dans une dynamique de réformes stimulantes et partagées. Nous dénonçons la violence et la cynique duplicité de vos discours, qui parlent d’ « autonomie » pour décrire la vente à la découpe des universités, de « milliards mis sur la table » pour mieux dissimuler des suppressions de postes, d’ « effort sans précédent » pour masquer le désengagement de l’Etat, la hausse des frais universitaires et l’endettement des étudiants. Nous dénonçons votre plan de destruction massive de l’école publique, laïque et ouverte à tous, que vous attaquez en portant gravement atteinte à la formation des maîtres, et en détruisant des postes indispensables — pour les pourvoir, dans le meilleur des cas, par des vacataires sans formation, voire pour les remplacer par des portiques de sécurité, encore moins coûteux. Dans le même temps, vous confiez des missions de service public à des universités catholiques privées, soumises à l’autorité du Vatican, avec l’espoir qu’elles drainent vers elles, moyennant des droits d’inscription considérables, des étudiants en butte aux pénuries orchestrées de l’université publique.
Alors oui, peut-être plions-nous aujourd’hui, Madame la ministre, Monsieur le ministre, devant tant de mépris pour l’avenir de nos étudiants, devant tant de sourde incompétence.
Mais nous ne rompons pas.
Nous refusons plus que jamais vos « preuves d’amour » qui ne sont que des mots pour couvrir d’un voile blanc le viol en réunion de la Princesse de Clèves et de l’Ecole de la République.
Et nous restons debout, aux côtés de nos étudiants, pour continuer à leur donner le meilleur de nous-mêmes dans les conditions de misère que vous promettez aux universités sous couvert d’illusoires libéralités.
Nous restons debout, aux côtés de nos collègues du secondaire et du primaire qui, comme nous, continuent à donner le meilleur d’eux-mêmes à tous les enfants de ce pays, malgré le harcèlement moral qu’ils subissent depuis des années.
Nous restons debout, aux côtés de tous les défenseurs des services publics en voie de marchandisation et d’appauvrissement, et aux côtés de tous les citoyens porteurs des valeurs républicaines de solidarité, d’ouverture aux autres, de laïcité, de progrès partagé et d’esprit critique.
Nous restons debout dans la rue, dans les tribunes des journaux, et partout où cela sera nécessaire, pour appeler les Français à prendre conscience du désastre qui se joue aujourd’hui, sous leurs yeux, sans qu’ils n’en sachent rien.
En brisant un à un les liens qui unissent entre eux les Français ; en rompant une à une les amarres de notre histoire et de notre identité ; en privant tant de citoyens du droit à être entendus et du droit à penser différemment les relations humaines, vous n’avez, semble-t-il, qu’une ambition : faire de la rentabilité immédiate et de la concurrence sauvage les seules références morales dignes de respect dans notre société. Cette servilité, ce cynisme et cette étroitesse d’esprit, auront un prix, que vous paierez un jour.
Vous aspirez maintenant, paraît-il, à d’autres fonctions, trouvant dans la fuite vers d’autres ambitions politiciennes et carriéristes, le moyen, croyez-vous, de sortir la tête haute du gâchis monstre dont vous portez l’écrasante responsabilité. Votre bilan est pathétique.
Vous pouvez partir. Nous, nous restons. Vous avez détruit, nous reconstruirons.
Veuillez croire, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, à notre profond respect pour la fonction que vous exercez.
Premiers signataires :
Verena Aebischer, MCF, psychologieGianni Albergoni, MCF, SociologieAnne-Claude Ambroise-Rendu, MCF, Histoire contemporaineEstelle Amy de la Bretèque, ATER, EthnomusicologiePatricia Attigui, Professeur des Universités, PsychologieSylvie Bauer, MCF, AnglaisAnnette Becker, Professeur des Universités, Histoire contemporaineAnna Bellavitis, MCF, Histoire moderneCécile Birks, MCF, AnglaisHélène Blais, MCF, Histoire contemporaineMichel Blanc, MCF, SociologieChrystèle Blondeau, MCF, Histoire de l’art médiévalBarbara Bonnefoy, MCF, PsychologieFrançois Bost, MCF, GéographieMyriam Boucharenc, Professeur des Universités, LettresVéronique Boucherat, MCF, Histoire de l’art médiévalMichel Boutillier, Professeur des Universités, Economie bancaire et financièreCyrille Bouvet, MCF, PsychologieJean-Albert, Bron, PRAG, Arts du spectacleJean-Pierre Bruckert, MCF, PsychologieSylvaine Camelin, MCF, EthnologieJean-Marc Chamot, MCF, Civilisation américaineJean-Luc Chassel, MCF, Histoire du droitSerge Chauvin, MCF, Etudes anglo-américainesNathalie Cheze, MCF, MathématiquesMiguel Chueca, MCF, Langue et civilisation espagnolesCéline Clavel, Post-doctorante chargée de cours, PsychologieCéline Clément, MCF, SociologieMichèle Cohen-Halimi, MCF, PhilosophieFranck Collard, Professeur des Universités, Histoire médiévaleSylvaine Conord, MCF, SociologieMarcel Cori, Professeur des Universités, Sciences du langageFlore Coulouma, MCF, AnglaisLaurence Croq, MCF, Histoire moderneBernard Cros, MCF, Civilisation britanniqueVincent Cuche, ATER, Histoire ancienneFrédérique Cuisinier, MCF, PsychologieElizabeth Deniaux, Professeur des Universités, Histoire ancienneHenri Desbois, MCF, GéographieMarianne Desmets, MCF, Sciences du langageSylvia Dobyinsky, MCF, Mathématiques-InformatiqueClaude Dorey, MCF anglaisYvette Dorey, MCF, PsychopathologieAude-Marie Doucet, ATER, Histoire médiévaleFrédéric Dufaux, MCF, GéographieStéphane Dufoix, MCF, SociologieJean Duma, Professeur des Universités, Histoire moderneAnnie Duprat, Professeur des Universités, IUFM Versailles, Responsable agrégation interne d’Histoire et de Géographie à l’Université Paris Ouest Nanterre, Histoire moderneBrigitte Dussart, MCF, SociologieNicole Edelman, MCF, Histoire contemporaineAnne Fabre, PRAG, Economie-GestionAlexandra Filhon, MCF, SociologieFabrice Flahutez, MCF, Histoire de l’art contemporainArnaud Fossier, AMN, Histoire médiévaleBernard Friot, Professeur des Universités, SociologieDanièle Frison, Professeur émérite, AnglaisMarie-Pierre Gervais, Professeur des Universités, InformatiqueElisabeth Gontier, ATER, PsychopathologieJustine Gourbière, Monitrice, Histoire de l’art médiévalMaya Gratier, MCF, PsychologieClaude Grimal, Professeur des Universités, Littérature américaineJean-Marie Guillaume, I.E.R., PhilosophieMatthieu Hély, MCF, SociologieOlivier Hochedez, Moniteur, SociologieNicolas Jonas, ATER, SociologieSylvain Kahane, Professeur des Universités, Sciences du langageKarine Kray-Baschung, MCF, Sciences du langageEmilie Kurdziel, AMN, Histoire médiévaleEvelyne Labbé, Professeur des Universités, Littérature américaineThierry Labica, MCF, AnglaisAnne Lacheret, Professeur des Universités, LinguistiqueFrédéric Landy, Professeur des Universités, GéographieFrédérique Leblanc, MCF, SociologieMarie Leca-Tsiomis, Professeur des Universités, Littérature françaiseSamuel Lepastier, Professeur associé à l’Université Paris Ouest, PsychopathologieClaude Leroy, Professeur émérite, Littérature françaiseDespina Liolios, MCF, EthnologieHubert Lisandre, MCF, PsychopathologieJulien Magnier, Doctorant, chargé de cours en psychologieAliocha Maldavsky, MCF, Histoire moderneLuca Marsi, MCF, ItalienChristophe Martin, Professeur des Universités, Littérature française du XVIIIe siècleJacques Martineau, MCF, Littérature françaiseCorinne Mazé, MCF, Sciences psychologiquesCaroline Mellet, MCF, Sciences du langageBéatrice Ménard, MCF, Littérature latino-américaineVincent Meyzie, MCF, Histoire moderneChristophe Mileschi, Professeur des Université, Etudes italiennesVirginie Milliot, MCF, EthnologieLaure Moguerou, MCF, Sciences de l’éducationAnnie Mollié, MCF, Mathématiques et StatistiquesJean-Pierre Morelou, MCF, Droit publicIsabelle Moret-Lespinet, MCF, Histoire contemporaineEmmanuelle Mortgat-Longuet, MCF, Littérature française du XVIIe siècleColette Noyau, Professeur des Universités, Sciences du langageChristine Ollivier, MCF, PsychologieFlorence Paravy, MCF, Lettres modernesNicolas Patin, AMN, Histoire contemporaineChristine Pauleau, MCF, Sciences du langageRichard Pedot, Professeur des Universités, Littérature anglaiseSylvie Pédron Colombani, MCF, SociologieMarie Personnaz, MCF, Psychologie socialePatrick Pion, MCF, Archéologie pré et protohistoriqueNicolas Prévôt, MCF, EthnomusicologiePierre Ragon, Professeur des Universités, Histoire moderneVéronique Rauline, MCF, AnglaisHélène Raymond, Professeur des Universités, Science économiqueFrançois Regourd, MCF, Histoire moderneRosine Réveillé, MCF, StatistiquesSimone Rinzler, MCF, AnglaisNicolas Sallée, Moniteur, SociologieDanielle Schütz, PRAG, Lettres modernesPascal Sebille, MCF, SociologieGabriel Segré, MCF, SociologieChristine Sellin-Catta, Assistante en Histoire contemporaineAlexis Sierra, MCF, GéographieFrédérique Sitri, MCF, Sciences du langageAmandine Spire, Monitrice, GéographieJean-Fabien Steck, MCF, GéographieAnne Steiner, MCF, SociologieEmmanuelle Tixier, MCF, Histoire médiévaleAnne Trévise, Professeur des Universités, AnglaisDelphine Tribout, ATER, Sciences du langageLaurence Vanoflen, MCF, Littérature du XVIIIe siècleOlivier Vecho, MCF, PsychologieSarah de Vogué, MCF, Sciences du langageChristophe Voilliot, MCF, Sciences politiquesPanayota Volti, MCF, Histoire de l’art médiévalClaudine Wolikow, MCF, Histoire moderne
Messages
1. nanterre toujours en colère, 18 juin 2009, 17:21, par virginie
liberté, égalité, fraternité