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Nanterre toujours en colère

Publie le jeudi 18 juin 2009 par Open-Publishing
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Texte envoyé au Monde et refusé avant même d’être lu, refusé par Libération également. L’ordre et la bonne humeur sont censés régner dans les universités françaises grâce à notre gracieuse ministre. Aucune info susceptible de démentir ce constat ne doit filtrer. Donc censure !

Lettre ouverte de 130 Enseignants-chercheurs de l’Université Paris-Ouest Nanterre,
à Valérie Pécresse et à Xavier Darcos.

Nanterre, le 12 juin 2009

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre

Parce que nous sommes des chercheurs et des professeurs responsables, des humanistes, des parents et des citoyens, nous refusons de faire payer à nos étudiants le prix de votre incompétence et de votre despotisme. Nous ferons donc en sorte que, malgré des mois de grèves douloureuses et de perturbations multiples, nos étudiants aient un diplôme de qualité cette année, comme chaque année. Nous avons pris cette décision la mort dans l’âme, sachant que vos médias s’empresseront d’en déduire que nous reculons devant vos menaces insultantes et que « tout rentre dans l’ordre ». Mais nous restons solidaires de nos collègues qui, en divers points du territoire et dans des conditions particulières, ont pu prendre des décisions plus radicales, plus difficiles à tenir, sans doute, mais peut-être plus courageuses que la nôtre, pour vous résister avec plus de fracas. Nous le montrerons en continuant à manifester avec nos étudiants, et en résistant avec force à vos basses manœuvres politiques. La crise des universités ne fait peut-être que commencer, car votre attitude actuelle qui consiste à imposer des décrets scélérats rejetés par tous, à la veille des vacances, ne fait que renforcer notre défiance à l’égard de votre administration.

Après 8 mois de motions unanimes, de tribunes publiques et de pétitions qui ne nous valurent pas même l’honneur d’une réponse ; après 4 mois de protestation vigoureuse ponctués de grèves diverses, d’actions symboliques et de manifestations rassemblant chaque semaine des dizaines de milliers de personnes dans le respect de l’ordre républicain, nous devons constater que vous avez, en apparence, gagné la bataille sur la question des examens si facile à mettre en musique médiatique. Vous avez eu raison de parier sur notre bonne nature : nous ne sacrifierons pas sur l’autel de vos vanités, l’avenir de nos étudiants.

Vous avez l’impression d’avoir gagné, pour quelques semaines, face au monde du savoir, face à l’innovation, face au dynamisme, face aux plus grands noms des sciences et des sciences humaines françaises qui, chaque jour, portent par leur travail, malgré vous, notre pays au rang des premières puissances culturelles et intellectuelles de la planète. Face à tous ceux, prix Nobel compris, dont vous n’avez pas su entendre les appels raisonnables et argumentés. En vous appuyant sur des médias aux ordres, sur des mensonges éhontés, des chiffres ouvertement truqués, des intimidations policières et des lieux communs populistes, vous pouvez donner l’impression d’avoir gagné, pour un temps, mais pour un temps seulement, contre l’Université de la République.

Nous dénonçons la violence de votre gouvernance, qui préfère nous mettre en concurrence pour gérer une pénurie de moyens volontairement entretenue, au lieu de nous aider à unir nos forces dans une dynamique de réformes stimulantes et partagées. Nous dénonçons la violence et la cynique duplicité de vos discours, qui parlent d’ « autonomie » pour décrire la vente à la découpe des universités, de « milliards mis sur la table » pour mieux dissimuler des suppressions de postes, d’ « effort sans précédent » pour masquer le désengagement de l’Etat, la hausse des frais universitaires et l’endettement des étudiants. Nous dénonçons votre plan de destruction massive de l’école publique, laïque et ouverte à tous, que vous attaquez en portant gravement atteinte à la formation des maîtres, et en détruisant des postes indispensables — pour les pourvoir, dans le meilleur des cas, par des vacataires sans formation, voire pour les remplacer par des portiques de sécurité, encore moins coûteux. Dans le même temps, vous confiez des missions de service public à des universités catholiques privées, soumises à l’autorité du Vatican, avec l’espoir qu’elles drainent vers elles, moyennant des droits d’inscription considérables, des étudiants en butte aux pénuries orchestrées de l’université publique.

Alors oui, peut-être plions-nous aujourd’hui, Madame la ministre, Monsieur le ministre, devant tant de mépris pour l’avenir de nos étudiants, devant tant de sourde incompétence.

Mais nous ne rompons pas.

Nous refusons plus que jamais vos « preuves d’amour » qui ne sont que des mots pour couvrir d’un voile blanc le viol en réunion de la Princesse de Clèves et de l’Ecole de la République.
Et nous restons debout, aux côtés de nos étudiants, pour continuer à leur donner le meilleur de nous-mêmes dans les conditions de misère que vous promettez aux universités sous couvert d’illusoires libéralités.
Nous restons debout, aux côtés de nos collègues du secondaire et du primaire qui, comme nous, continuent à donner le meilleur d’eux-mêmes à tous les enfants de ce pays, malgré le harcèlement moral qu’ils subissent depuis des années.
Nous restons debout, aux côtés de tous les défenseurs des services publics en voie de marchandisation et d’appauvrissement, et aux côtés de tous les citoyens porteurs des valeurs républicaines de solidarité, d’ouverture aux autres, de laïcité, de progrès partagé et d’esprit critique.
Nous restons debout dans la rue, dans les tribunes des journaux, et partout où cela sera nécessaire, pour appeler les Français à prendre conscience du désastre qui se joue aujourd’hui, sous leurs yeux, sans qu’ils n’en sachent rien.

En brisant un à un les liens qui unissent entre eux les Français ; en rompant une à une les amarres de notre histoire et de notre identité ; en privant tant de citoyens du droit à être entendus et du droit à penser différemment les relations humaines, vous n’avez, semble-t-il, qu’une ambition : faire de la rentabilité immédiate et de la concurrence sauvage les seules références morales dignes de respect dans notre société. Cette servilité, ce cynisme et cette étroitesse d’esprit, auront un prix, que vous paierez un jour.

Vous aspirez maintenant, paraît-il, à d’autres fonctions, trouvant dans la fuite vers d’autres ambitions politiciennes et carriéristes, le moyen, croyez-vous, de sortir la tête haute du gâchis monstre dont vous portez l’écrasante responsabilité. Votre bilan est pathétique.

Vous pouvez partir. Nous, nous restons. Vous avez détruit, nous reconstruirons.

Veuillez croire, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, à notre profond respect pour la fonction que vous exercez.

Premiers signataires :

Verena Aebischer, MCF, psychologie
Gianni Albergoni, MCF, Sociologie
Anne-Claude Ambroise-Rendu, MCF, Histoire contemporaine
Estelle Amy de la Bretèque, ATER, Ethnomusicologie
Patricia Attigui, Professeur des Universités, Psychologie
Sylvie Bauer, MCF, Anglais
Annette Becker, Professeur des Universités, Histoire contemporaine
Anna Bellavitis, MCF, Histoire moderne
Cécile Birks, MCF, Anglais
Hélène Blais, MCF, Histoire contemporaine
Michel Blanc, MCF, Sociologie
Chrystèle Blondeau, MCF, Histoire de l’art médiéval
Barbara Bonnefoy, MCF, Psychologie
François Bost, MCF, Géographie
Myriam Boucharenc, Professeur des Universités, Lettres
Véronique Boucherat, MCF, Histoire de l’art médiéval
Michel Boutillier, Professeur des Universités, Economie bancaire et financière
Cyrille Bouvet, MCF, Psychologie
Jean-Albert, Bron, PRAG, Arts du spectacle
Jean-Pierre Bruckert, MCF, Psychologie
Sylvaine Camelin, MCF, Ethnologie
Jean-Marc Chamot, MCF, Civilisation américaine
Jean-Luc Chassel, MCF, Histoire du droit
Serge Chauvin, MCF, Etudes anglo-américaines
Nathalie Cheze, MCF, Mathématiques
Miguel Chueca, MCF, Langue et civilisation espagnoles
Céline Clavel, Post-doctorante chargée de cours, Psychologie
Céline Clément, MCF, Sociologie
Michèle Cohen-Halimi, MCF, Philosophie
Franck Collard, Professeur des Universités, Histoire médiévale
Sylvaine Conord, MCF, Sociologie
Marcel Cori, Professeur des Universités, Sciences du langage
Flore Coulouma, MCF, Anglais
Laurence Croq, MCF, Histoire moderne
Bernard Cros, MCF, Civilisation britannique
Vincent Cuche, ATER, Histoire ancienne
Frédérique Cuisinier, MCF, Psychologie
Elizabeth Deniaux, Professeur des Universités, Histoire ancienne
Henri Desbois, MCF, Géographie
Marianne Desmets, MCF, Sciences du langage
Sylvia Dobyinsky, MCF, Mathématiques-Informatique
Claude Dorey, MCF anglais
Yvette Dorey, MCF, Psychopathologie
Aude-Marie Doucet, ATER, Histoire médiévale
Frédéric Dufaux, MCF, Géographie
Stéphane Dufoix, MCF, Sociologie
Jean Duma, Professeur des Universités, Histoire moderne
Annie Duprat, Professeur des Universités, IUFM Versailles, Responsable agrégation interne d’Histoire et de Géographie à l’Université Paris Ouest Nanterre, Histoire moderne
Brigitte Dussart, MCF, Sociologie
Nicole Edelman, MCF, Histoire contemporaine
Anne Fabre, PRAG, Economie-Gestion
Alexandra Filhon, MCF, Sociologie
Fabrice Flahutez, MCF, Histoire de l’art contemporain
Arnaud Fossier, AMN, Histoire médiévale
Bernard Friot, Professeur des Universités, Sociologie
Danièle Frison, Professeur émérite, Anglais
Marie-Pierre Gervais, Professeur des Universités, Informatique
Elisabeth Gontier, ATER, Psychopathologie
Justine Gourbière, Monitrice, Histoire de l’art médiéval
Maya Gratier, MCF, Psychologie
Claude Grimal, Professeur des Universités, Littérature américaine
Jean-Marie Guillaume, I.E.R., Philosophie
Matthieu Hély, MCF, Sociologie
Olivier Hochedez, Moniteur, Sociologie
Nicolas Jonas, ATER, Sociologie
Sylvain Kahane, Professeur des Universités, Sciences du langage
Karine Kray-Baschung, MCF, Sciences du langage
Emilie Kurdziel, AMN, Histoire médiévale
Evelyne Labbé, Professeur des Universités, Littérature américaine
Thierry Labica, MCF, Anglais
Anne Lacheret, Professeur des Universités, Linguistique
Frédéric Landy, Professeur des Universités, Géographie
Frédérique Leblanc, MCF, Sociologie
Marie Leca-Tsiomis, Professeur des Universités, Littérature française
Samuel Lepastier, Professeur associé à l’Université Paris Ouest, Psychopathologie
Claude Leroy, Professeur émérite, Littérature française
Despina Liolios, MCF, Ethnologie
Hubert Lisandre, MCF, Psychopathologie
Julien Magnier, Doctorant, chargé de cours en psychologie
Aliocha Maldavsky, MCF, Histoire moderne
Luca Marsi, MCF, Italien
Christophe Martin, Professeur des Universités, Littérature française du XVIIIe siècle
Jacques Martineau, MCF, Littérature française
Corinne Mazé, MCF, Sciences psychologiques
Caroline Mellet, MCF, Sciences du langage
Béatrice Ménard, MCF, Littérature latino-américaine
Vincent Meyzie, MCF, Histoire moderne
Christophe Mileschi, Professeur des Université, Etudes italiennes
Virginie Milliot, MCF, Ethnologie
Laure Moguerou, MCF, Sciences de l’éducation
Annie Mollié, MCF, Mathématiques et Statistiques
Jean-Pierre Morelou, MCF, Droit public
Isabelle Moret-Lespinet, MCF, Histoire contemporaine
Emmanuelle Mortgat-Longuet, MCF, Littérature française du XVIIe siècle
Colette Noyau, Professeur des Universités, Sciences du langage
Christine Ollivier, MCF, Psychologie
Florence Paravy, MCF, Lettres modernes
Nicolas Patin, AMN, Histoire contemporaine
Christine Pauleau, MCF, Sciences du langage
Richard Pedot, Professeur des Universités, Littérature anglaise
Sylvie Pédron Colombani, MCF, Sociologie
Marie Personnaz, MCF, Psychologie sociale
Patrick Pion, MCF, Archéologie pré et protohistorique
Nicolas Prévôt, MCF, Ethnomusicologie
Pierre Ragon, Professeur des Universités, Histoire moderne
Véronique Rauline, MCF, Anglais
Hélène Raymond, Professeur des Universités, Science économique
François Regourd, MCF, Histoire moderne
Rosine Réveillé, MCF, Statistiques
Simone Rinzler, MCF, Anglais
Nicolas Sallée, Moniteur, Sociologie
Danielle Schütz, PRAG, Lettres modernes
Pascal Sebille, MCF, Sociologie
Gabriel Segré, MCF, Sociologie
Christine Sellin-Catta, Assistante en Histoire contemporaine
Alexis Sierra, MCF, Géographie
Frédérique Sitri, MCF, Sciences du langage
Amandine Spire, Monitrice, Géographie
Jean-Fabien Steck, MCF, Géographie
Anne Steiner, MCF, Sociologie
Emmanuelle Tixier, MCF, Histoire médiévale
Anne Trévise, Professeur des Universités, Anglais
Delphine Tribout, ATER, Sciences du langage
Laurence Vanoflen, MCF, Littérature du XVIIIe siècle
Olivier Vecho, MCF, Psychologie
Sarah de Vogué, MCF, Sciences du langage
Christophe Voilliot, MCF, Sciences politiques
Panayota Volti, MCF, Histoire de l’art médiéval
Claudine Wolikow, MCF, Histoire moderne