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Née en45 des idéaux de la Résistance...Assurance-maladie:une histoire jalonnée de déficits
Publie le vendredi 23 janvier 2004 par Open-PublishingNée
en 1945 des idéaux de la Résistance ...
Assurance-maladie :
une histoire
jalonnée de déficits
Le désormais célèbre "trou de la sécu" est loin d’être un phénomène récent.
Née en 1945 des idéaux de la Résistance, la Sécurité sociale, et en particulier
sa branche maladie, a été très vite confrontée à des déficits chroniques devenus
explosifs dans les années 1990.
Ce sont les ordonnances du 4 et 19 octobre 1945, promulguées par le général
de Gaulle, qui donnent naissance au système français de Sécurité sociale. Les
héritiers de la Résistance ambitionnent de "garantir les travailleurs et leurs
familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou supprimer
leur capacité de gain", et de "couvrir les charges de maternité ou les charges
de famille qu’ils supportent".
L’objectif est de fusionner en une organisation unique et universelle les
régimes existants, apparus dès le Moyen-age avec le compagnonnage, puis à la fin
du 19e siècle avec le développement des systèmes d’assistance privés gérés par
les employeurs.
Malgré la persistance de régimes distincts (agriculteurs, professions
indépendantes non agricoles et autres "régimes spéciaux"), la tendance est
nettement à l’uniformisation depuis 1945. A l’heure actuelle, 83,5% de la
population bénéficie du "régime général" de l’assurance maladie.
Et l’impact sur la santé des Français est spectaculaire. La mortalité
infantile a ainsi été divisée par deux entre 1970 et 1990, puis à nouveau,
quasiment de moitié entre 1990 et 1997. C’est désormais l’une des moins élevées
du monde.
Les Français vivent de plus en plus vieux, et ils vieillissent aussi de
mieux en mieux. L’espérance de vie à la naissance est désormais de 79 ans, soit
le troisième rang en Europe. Le taux de mortalité cardio-vasculaire est
également le moins élevé de l’Union européenne. La prise en charge des plus
pauvres s’est aussi améliorée avec la création de la Couverture maladie
universelle (CMU) en 2000.
Mais tout cela a un coût. Aujourd’hui, la France consacre à la santé 9,5%
de sa richesse nationale, ce qui la place au quatrième rang mondial. Car, avec
l’allongement de l’espérance de vie et les progrès de la médecine, les dépenses
de santé ont explosé. En 40 ans, les volumes de médicaments consommés ont été
multipliés par 30.
Très vite, la "Sécu" va donc se trouver confrontée à des difficultés
financières. Dès 1967, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures : ils
décident de diviser la Sécurité sociale en trois branches financièrement
autonomes : l’assurance-vieillesse, les allocations familiales et
l’Assurance-maladie. C’est le premier d’une longue série de plans de
redressement.
Dans les années 1970 et 1980, une série de "plans" vont ainsi tenter de
contrôler les dépenses, via une diminution du taux de remboursement des
médicaments, ou d’augmenter les recettes du système avec une hausse des
cotisations.
En vain. Dans les années 1990, la situation s’aggrave brutalement, le
déficit de la branche maladie devenant chronique. La croissance des dépenses de
santé s’accélère brusquement à partir de 1998, avec un bond de 5% par an en
moyenne, et même de plus de 7% en 2002.
La situation est telle qu’elle conduit les gouvernements à modifier le
financement de la Sécurité sociale, inchangé depuis 1945. Si les cotisations
assises sur la masse salariale représentent encore la principale ressource du
système, la part des recettes fiscales (CSG à partir de 1991, CRDS à partir de
1996) croît rapidement.
Le "trou" va sembler se combler à la fin des années 1990, après le plan
"Juppé" qui poussera des millions de Français dans la rue fin 1995. Mais cette
embellie, essentiellement due à une croissance exceptionnelle, sera de courte
durée. Le déficit réapparaît avec le ralentissement économique : il atteint 6
milliards d’euros en 2002 et plus de 10 milliards en 2003.
Et l’avenir semble bien sombre. Si la croissance des dépenses de santé se
poursuit sur le même rythme et en l’absence de mesures correctrices, le trou de
la "Sécu" pourrait atteindre 100 milliards d’euros en 2020.
La "Sécu" bientôt gérée par les
marchés ?
L’assurance-maladie doit-elle tout rembourser ? Pour endiguer la dérive des
dépenses de santé, une piste de réforme très controversée consisterait à confier
certaines prestations gérées par la "Sécu" au privé pour concentrer la
solidarité sur le gros risque. Si cette question explosive n’est plus taboue
pour le gouvernement, la gauche agite le spectre de la privatisation.
Le 13 octobre, Jean-Pierre Raffarin a jeté un pavé dans la mare en évoquant
à demi-mots un remodelage du partage public-privé. Il a distingué les "besoins
essentiels" couverts par l’assurance-maladie des "besoins qui sont peut-être
moins prioritaires". Il faut "trouver le juste équilibre entre ce qui doit
relever du pacte républicain, de la solidarité nationale, mais aussi de la
responsabilité individuelle", a-t-il estimé. Et de s’interroger : "faut-il
couvrir dans les mêmes conditions une fracture du bras causée par une chute dans
la rue ou par un accident de ski ?"
Le constat est sans appel : la "Sécu" rembourse en moyenne 75% des dépenses
de santé. Or, dans un contexte de vieillissement, le nombre de personnes
bénéficiant d’une prise en charge intégrale est de plus en plus important. On
compte 5,7 millions de personnes en affection de longue durée (ALD : maladies
cardio-vasculaires, diabète, tumeurs malignes), qui bénéficient d’une prise en
charge à 100%. En parallèle, on constate que l’assurance-maladie se désengage de
plus en plus de la couverture des soins dentaires, optiques ou auditifs,
majoritairement remboursés par les complémentaires.
Aussi certains suggèrent-ils de laisser la "Sécu" se concentrer sur le gros
risque, les soins les plus utiles et les plus coûteux. En conséquence, elle se
déchargerait totalement du remboursement de certaines prestations dites du
"petit risque", qui deviendraient le domaine réservé du secteur privé. Une
perspective qui aiguise l’appétit des assureurs, qui rêvent de mettre la main
sur le dentaire, l’optique, l’auditif et, à terme, la traumatologie et la
rééducation.
D’autres pistes contestées ont également été avancées. Le rapport Chadelat
remis au ministre de la Santé Jean-François Mattei préconise ainsi la création
d’une "couverture maladie généralisée". La CMG prendrait en charge certains
soins prédéfinis, le reste étant à la charge des ménages. Elle mêlerait une
couverture obligatoire et une complémentaire de base, facultative, dont l’achat
serait encouragé par une aide. Une proposition qui n’est pas sans rappeler la
promesse de Jacques Chirac d’accorder un coup de pouce fiscal aux plus modestes
pour l’acquisition d’une complémentaire.
Une autre solution, esquissée par le Medef ou le libéral Alain Madelin,
consisterait à introduire une dose de concurrence. L’Etat se contenterait de
définir les grandes priorités et les opérateurs (caisses de "Sécu", assurances
et mutuelles) géreraient les services en concurrence. Ils négocieraient
prestations et tarifs directement avec les professionnels de santé (hôpitaux,
médecins, spécialistes).
Hostile au transfert de prestations au privé ou à la mise en concurrence,
la Mutualité française réclame à l’inverse que les mutuelles soient davantage
associées à la gestion de la "Sécu", dans un "partenariat équilibré". Celles-ci
sont en effet cantonnées actuellement au rôle de "payeur aveugle" et n’ont pas
voix au chapitre.
A chacun selon ses moyens ? Ces perspectives inquiètent également la gauche,
qui redoute une "privatisation partielle" de la santé et une Sécurité sociale "à
deux vitesses". Le risque, selon elle ? Que les assurés les moins fortunés, les
plus âgés et les plus fragiles soient laissés au bord du chemin par des
assurances érigeant la rentabilité en dogme...
L’Assurance-maladie
en quelques dates
Depuis sa création en 1945, l’histoire du système français
d’Assurance-maladie est jalonnée de plans de redressement, au fur et à mesure de
l’explosion des dépenses de santé.
-1945 : ordonnances créant la sécurité sociale.
-1967 : éclatement de la sécurité sociale en trois branches : maladie,
vieillissement famille.
-1976 : plan Barre de déremboursement des médicaments de confort.
-1977-78 : plan Veil. Diminution de remboursements, augmentation des
cotisations, extension de la cotisation aux retraités.
-1979 : plan Barrot. Blocage du budget des hôpitaux et des honoraires
médicaux.
-1980 : création du secteur à honoraires libres.
-1982 : plan Bérégovoy. Forfait hospitalier, budget global à l’hôpital,
baisse de remboursement des médicaments.
-1986 : plan Séguin. Hausses du forfait hospitalier et des cotisations
maladie.
-1991 : entrée en vigueur de la Contribution sociale généralisée
(CSG).
-1993 : plan Veil. Augmentation de la CSG, baisse des remboursements de 70 à
65%.
-1995 : plan Juppé. Création de la CRDS (Contribution pour le remboursement
de la dette sociale), création des agences régionales d’hospitalisation, vote du
budget par le Parlement.
-1998 : plan Aubry. Extension de la CSG, déremboursement, baisse du tarif
des radiologues et des biologistes, médecin référent.
-2000 : création de la Couverture maladie universelle (CMU).
Les chiffres clés
de l’assurance
maladie
UN SYSTEME GENEREUX QUE LES FRANCAIS UTILISENT
INTENSIVEMENT :
Plus de 49 millions de Français sont bénéficiaires de l’Assurance-maladie,
soit près de 85% de la population, dont :
-5,7 millions de personnes prises en charge à 100% pour une affection de
longue durée (ALD)
-4,1 millions de bénéficiaires de la Couverture maladie universelle
(CMU)
La "Sécu" rembourse en moyenne 75% des dépenses. Chaque année, ce sont un
milliard de demandes de remboursement qui sont traitées (+5% par an en moyenne
depuis 1995).
DES FRANCAIS "ACCROS" AUX MEDICAMENTS
...
La France détient, avec les Etats-Unis, le record de la dépense
pharmaceutique en valeur par habitant. On prescrit en France deux fois plus
d’antibiotiques et de psychotropes que dans les autres pays européens.
En 2002, chaque Français a dépensé en moyenne 2.579 euros pour se soigner.
Cela représente près de 13% de la consommation des ménages. Les soins
hospitaliers arrivent en tête (44,7% du total), devant les consultations
médicales et paramédicales (26,7%), et les médicaments (21%).
En 40 ans, le volume de médicaments consommés a été multiplié par 30.
CERTAINS PLUS QUE D’AUTRES
5% des malades suscitent 60% des dépenses de santé
70% des dépenses proviennent des six derniers mois de la vie
Les plus de 65 ans représentent 16% de la population, mais 39% de la
consommation de médicaments.
UN SYSTEME EN DEFICIT CHRONIQUE
Le déficit de l’Assurance-maladie a atteint :
0,7 milliard d’euros en 1999
1,6 milliard d’euros en 2000
2,1 milliards d’euros en 2001
6,1 milliards d’euros en 2002
10,6 milliards d’euros en 2003
10,9 milliards d’euros en 2004 (prévisions du PLFSS)
LE FINANCEMENT :
75% du financement de l’Assurance-maladie est assis sur la masse salariale.
La Contribution sociale généralisée (CSG) assure 34% du financement.
Un salarié percevant un revenu brut mensuel de 1.300 euros verse 241 euros
par mois pour financer l’Assurance-maladie (dont 65 de CSG, 10 de cotisations
salariales et 166 de cotisations patronales).
Un cadre gagnant 3.000 euros verse 565 euros par mois (150 de CSG, 22 de
cotisations salariales et 384 de cotisations patronales).
Tous deux sont remboursés de façon identique. En moyenne, chaque Français
perçoit environ 2.000 euros par an de prestations d’assurance maladie.
LE "COUP DE POUCE" DES COMPLEMENTAIRES
:
92% des Français bénéficient d’une couverture complémentaire (mutuelle,
assurance ou institut de prévoyance). Ils étaient 31% en 1960.
12% des dépenses de santé sont prises en charge par les complémentaires
(75% par la Sécurité sociale et 11% par les ménages eux-mêmes).
Pourtant, 15% de la population renonce à certains soins chaque année pour
des raisons financières. Cela concerne surtout les soins dentaires.
GENERIQUES :
Les médicaments génériques sont en moyenne 20% moins chers que le produit
original, alors qu’ils contiennent la même molécule. Pourtant, ils ne
représentaient que 10% des boites vendues en officine en février 2003, contre 8%
en janvier 2002.
LA SANTE N’EST PAS QU’UN COUT :
Le secteur de la santé contribue à hauteur de 6% au Produit intérieur brut
(PIB). C’est aussi important que le secteur "transport et télécommunications" et
plus du double de la branche "agriculture, sylviculture et pêche".
Il représente environ 7% des emplois en France : le secteur sanitaire et
social employait 2,8 millions de personnes en 2001. Il a créé 500.000 emplois
sur les dix dernières années.
La France comptait 196.000 médecins en 2001, soit 330 médecins pour 100.000
habitants. Il existe toutefois de fortes disparités : il y a 1 spécialiste pour
1.000 habitants en Picardie, 1,8 en Alsace et 2,3 en Ile-de-France.
La CSG, mode
d’emploi
Instaurée en 1991 par le gouvernement Rocard pour financer une partie
de la "Sécu", la Contribution sociale généralisée rapporte chaque année plus de
huit milliards d’euros. Sujet sensible, son augmentation pourrait faire partie
des pistes de réforme étudiées par le gouvernement.
TAUX APPLICABLE
Créée par la loi de finances de décembre 1990, la CSG est entrée en vigueur
le 1er février 1991 avec un taux initial de 1,1%. Elle est rapidement montée en
charge : le gouvernement Balladur l’a portée à 2,4% au 1er juillet 1993 et le
gouvernement Jospin à 3,4% au 1er janvier 1997.
Depuis le 1er janvier 1998, plusieurs taux sont appliqués : les revenus
d’activité, du patrimoine et des placements, les gains aux jeux sont taxés à
7,5%. Les chômeurs et retraités (imposables) paient moins, car les revenus de
remplacement ne sont taxés qu’à 6,2%. Sous certaines conditions, le taux peut
même être réduit à 3,8% pour les titulaires d’une pension de retraite ou
d’invalidité, d’une allocation de chômage ou de préretraite.
QUI PAYE ?
Aucun revenu n’échappe à cet impôt proportionnel, qui est dans la plupart
des cas prélevé à la source. Sont ainsi ponctionnés :
- les revenus d’activité (salaire, intéressement, indemnité de licenciement
ou de rupture de contrat, droits d’auteur). L’assiette, large, comprend le
montant brut des salaires, des primes et des indemnités. La CSG est précomptée
par l’employeur, qui la reverse à l’URSSAF (organisme collectant les cotisations
salariales et patronales).
- les revenus de remplacement (pensions de retraite et d’invalidité,
allocation de chômage et de préretraite, arrêt de travail, congé maternité).
Sont exonérés les allocations familiales, aides au logement, bourses étudiantes,
pensions alimentaires, le minimum vieillesse, le RMI (Revenu minimum
d’insertion). La CSG est précomptée par l’organisme débiteur, qui la reverse à
l’URSSAF ;
- les revenus du patrimoine et des placements (capitaux mobiliers, revenus
fonciers, plus-values, revenus de locations meublées non professionnelles, bons
du Trésor, obligations, plan épargne logement, assurance-vie). Sont exonérés le
Livret A, le Livret d’épargne populaire, le Codevi et le Livret jeune. La CSG
est recouvrée par le Trésor ;
- les gains aux jeux.
OU VA LA CSG ?
En complément des cotisations sociales, la CSG sert à financer les branches
maladie et famille de la "Sécu", le Fonds de solidarité vieillesse et,
jusqu’alors, l’Allocation personnalisée d’autonomie.
En 2002, la CSG a rapporté près de 8,7 milliards d’euros, dont 74% prélevés
sur les revenus d’activité, 14,5% sur les revenus de remplacement, 10,5% sur les
revenus du patrimoine et placements.
Au final, le régime général est financé par les cotisations sociales à 62%,
par la CSG et diverses taxes à 22% et par des transferts entre organismes à
11%.
LA CSG VA-T-ELLE AUGMENTER ?
Serpent de mer, l’augmentation de la CSG fait partie des pistes de réforme
de la "Sécu". Selon plusieurs quotidiens, le pré-rapport du Haut conseil pour
l’avenir de l’assurance-maladie estime que la CSG, "par son assiette large et le
principe de proportionnalité qui la sous-tend, peut apparaître comme une réponse
adaptée au problème de financement".
Le Haut conseil s’interrogerait notamment sur un alignement du taux
acquitté par les chômeurs et retraités sur celui des actifs, soit 7,5%. Le
manque à gagner pour l’assurance-maladie serait de 4,7 milliards d’euros.
Matignon dément fermement : "le gouvernement n’a pas envisagé un relèvement des
taux de CSG".
Plusieurs déclarations donnent toutefois à penser que le gouvernement
n’exclut pas une hausse pour 2005. La tentation est forte : selon la commission
des comptes de la Sécurité sociale, un point de CSG supplémentaire rapporterait
près de 9 milliards d’euros...
Aide médicale d’Etat :
les plus démunis menacés par la
chasse au gaspi
Contraint de serrer les cordons de la bourse face à l’emballement des
dépenses de santé, le gouvernement est en passe de publier plusieurs décrets
limitant l’accès à l’Aide médicale d’Etat, qui permet à près de 170.000
personnes sans ressources et sans papiers de bénéficier de soins gratuits. Des
restrictions décriées par les associations.
Née en 2000, l’AME permet une prise en charge médicale intégrale des
personnes dont les ressources sont inférieures à 566 euros par mois ou qui,
parce qu’elles n’ont pas de papiers, ne peuvent pas bénéficier de la Couverture
maladie universelle (CMU). Ce sont pour l’essentiel des étrangers en situation
irrégulière. De 73.000 en 2000, le nombre de titulaires est passé à 125.000 en
2001, 153.000 en 2002 et 170.000 en 2003.
Résultat : le coût est rapidement monté en charge, au point que François
Fillon évalue la prévision de dépenses à 645 millions d’euros pour 2003. Un
chiffre contesté par les associations. Mettant cette explosion sur le compte de
fraudes, le gouvernement a donc fait adopter par le Parlement plusieurs mesures
de restriction.
En décembre 2002, la majorité a imposé une participation financière aux
bénéficiaires -un ticket modérateur-, mettant ainsi fin à la gratuité des soins.
En étaient exonérés les mineurs, femmes enceintes et personnes souffrant de
maladies graves. Devant le tollé suscité par cette mesure, Jean-Pierre Raffarin
a dû faire machine arrière. En mars 2003, il annonçait la suspension des décrets
d’application.
Or, le gouvernement est revenu à la charge. En décembre dernier, il a
inséré dans le collectif budgétaire pour 2003 une disposition qui impose un
délai de résidence continue de trois mois avant l’ouverture des droits. Seuls
les soins urgents seront autorisés dans ce délai. Le budget 2004 prévoit
également que les demandeurs devront présenter des documents pour justifier leur
identité et leurs ressources, alors qu’une simple déclaration sur l’honneur
suffisait jusqu’alors.
Le sujet étant sensible, les décrets d’application sont toujours en attente
de publication. Le 5 novembre dernier, François Fillon a toutefois douché les
espoirs de ceux qui pensaient le faire changer d’avis : "les textes
réglementaires indispensables -décrets et circulaires- seront présentés dans les
plus brefs délais", a-t-il indiqué. "Nous appliquerons également la disposition
relative au ticket modérateur".
Inquiets, Médecins du monde et Médecins sans frontières ont lancé une
pétition pour "sauver l’AME". "Une catastrophe sanitaire est en gestation",
assurent leurs présidents, Claude Moncorgé et Jean-Hervé Bradol. Cela "revient à
restreindre drastiquement les soins à la population la plus fragilisée",
expliquent-ils.
Petit tour du monde
des systèmes de
santé
Les patients allemands et anglais ne paient pas leurs consultations
médicales, l’Américain doit souvent souscrire une couverture santé auprès d’un
assureur privé et le Néerlandais y est souvent de sa poche. Petit voyage au
coeur des systèmes de santé de plusieurs pays développés :
ALLEMAGNE
- Organisation : le système de santé, décentralisé, date de 1883 et mêle
public et privé. En-dessous de 3.825 euros de revenu mensuel, l’adhésion au
système public est obligatoire. Au-delà, l’assuré peut opter pour une assurance
privée.
- Financement : cotisations sociales. Les dépenses de santé représentaient
10,3% du Produit intérieur brut (PIB) en 1999 (9,3% en France).
- Accès aux soins : l’assuré doit s’inscrire auprès du généraliste de son
choix pour une durée minimale de trois mois. Il doit avoir son feu vert pour
consulter un spécialiste ou être hospitalisé. Les médecins sont presque tous
conventionnés et les dépassements d’honoraires peuvent être sanctionnés.
- Coût : les consultations médicales et soins hospitaliers sont gratuits,
car les médecins sont payés par les caisses. Un ticket modérateur est appliqué
pour les soins dentaires et les médicaments (sauf pour les jeunes, les personnes
âgées, les personnes souffrant de maladies graves ou chroniques).
- Réformes : le gouvernement Schroeder a présenté le 14 mars un projet de
modernisation du système de santé qui développe la concurrence entre les 600
caisses, relève le ticket modérateur et prévoit la souscription obligatoire
d’une complémentaire à partir de 2005 pour les prothèses dentaires et les arrêts
de travail.
ETATS-UNIS
- Organisation : il n’existe pas de système d’assurance-maladie, en dehors
des programmes fédéraux Medicare en faveur des personnes âgées et Medicaid en
faveur des plus démunis. La protection sociale est assurée par des assurances
privées, onéreuses, le plus souvent contractées dans le cadre de l’entreprise
avec une participation de l’employeur. Près de 40 millions d’Américains n’ont
aucune couverture santé, soit près de 15% de la population.
- Financement : individuel. Les dépenses de santé représentaient 12,9% du
PIB en 1999, un niveau record parmi les pays développés.
- Coût : un Américain dépense près de deux fois plus qu’un Français pour sa
santé.
- Accès aux soins : les assurances passent des accords avec des médecins et
les patients sont invités à consulter au sein de ce réseau.
- Réformes : l’administration Bush veut étendre la couverture publique des
médicaments en faveur des seniors.
ITALIE
- Organisation : né en 1978, le Service de santé national (SSN) est
universel, gratuit et décentralisé. Très généreux, il souffre d’un manque de
coordination qui provoque de fortes disparités entre régions, au détriment du
sud du pays.
- Financement : l’impôt. Les dépenses de santé représentaient 7,9% du PIB en
1999.
- Accès aux soins : les habitants doivent s’inscrire dans l’un des 227
centres de soins, baptisés Unions sanitaires locales (USL), gérés par les
régions. Ils y choisissent un généraliste conventionné sur une liste. Il faut
passer par ce médecin pour avoir accès gratuitement à certains spécialistes et à
l’hôpital.
- Coût : la plupart des soins, y compris hospitaliers, sont gratuits. Un
ticket modérateur est appliqué aux médicaments et aux analyses. Les prothèses
dentaires ne sont pas remboursées.
- Réformes : le gouvernement veut accroître la régionalisation, pourtant
critiquée comme source de disparités, et veut faire une plus large place au
secteur privé.
PAYS-BAS
- Organisation : le système mélange public et privé. On trouve un premier
niveau général de couverture, l’AWBZ, qui assure toute la population pour les
soins coûteux et de longue durée (hospitalisation longue, invalidité, maladies
chroniques, psychiatrie). Le deuxième niveau, pour les soins courants, comporte
deux branches : une branche publique pour les salariés (65% de la population) ;
une branche privée pour les hauts revenus et travailleurs indépendants (25% de
la population). On ne trouve pas d’assurances complémentaires.
- Financement : cotisations proportionnelles au revenu ou au risque. Les
dépenses de santé représentaient 8,5% du PIB en 1998. Les Pays-Bas sont l’un des
rares pays développés à maîtriser leurs dépenses de santé.
- Accès aux soins : le patient doit s’inscrire chez un généraliste pour une
durée minimale. Ce dernier contrôle l’accès aux spécialistes et à l’hôpital. Les
prescriptions médicales sont surveillées de près et les médecins peuvent être
déconventionnés.
- Coût : les traitements hospitaliers sont gratuits. Certaines prestations
telles que les soins dentaires des adultes ou l’homéopathie ne sont pas prises
en charge.
- Réformes : le pays veut introduire davantage de concurrence dans son
système de santé. Il envisage la création d’une franchise annuelle généralisée,
où les premiers euros de soins ne seraient pas remboursés. La souscription d’une
complémentaire pourrait devenir obligatoire.
ROYAUME-UNI
- Organisation : né en 1948, le National Health Service (NHS) est fortement
étatisé. L’Etat fixe chaque année une enveloppe budgétaire limitée, source de
graves insuffisances, mais qui a permis au pays de contenir ses dépenses de
santé. Toute la population est assurée, gratuitement. Le système privé est peu
développé, mais les cadres peuvent accéder à des complémentaires par leur
entreprise.
- Financement : l’impôt. Les dépenses de santé représentaient 6,9% du PIB en
1999.
- Accès aux soins : l’assuré s’inscrit auprès du généraliste de son choix
pour une durée minimale de six mois. Véritable gardien, celui-ci contrôle
l’accès aux spécialistes et à l’hôpital. Les médecins et spécialistes sont sous
contrat avec le NHS.
- Coût : les consultations ne sont pas payantes. Un ticket modérateur est
appliqué sur les médicaments, soins dentaires et optiques (sauf pour les moins
de 16 ans, retraités et chômeurs).
- Réformes : le gouvernement tente de rendre le NHS moins dépendant de
l’Etat et veut introduire une part de concurrence dans le système.
SUEDE
- Organisation : c’est un système très décentralisé où l’Etat fixe les
grands objectifs. Au niveau local, les conseils de comté financent les services
de soins, gèrent les hôpitaux et les centres de santé. L’inscription est
obligatoire.
- Financement : l’impôt, souvent levé au niveau local. Les dépenses de santé
représentaient 8,6% du PIB en 1998.
- Accès aux soins : les Suédois ont accès à des centres de santé pour les
soins primaires. Ils peuvent aussi choisir le généraliste de leur choix.
Curiosité, le pays enregistre un niveau record de congés maladie de longue
durée : 340.000 personnes ont touché des indemnités pour un arrêt de travail de
plus de deux semaines en 2002, contre 170.000 en 1997, soit un doublement en
cinq ans. Coût : 12 milliards d’euros, soit 16% du budget national.
- Coût : le patient paie les prestations avant d’être remboursé, mais des
plafonds de dépenses sont fixés au-delà desquels il bénéficie d’aides ou de la
gratuité des soins. Les frais des personnes âgées et handicapées sont pris en
charge par la localité de résidence. Les soins sont gratuits pour les moins de
20 ans.