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Nestlé : "C’est une guerre des nerfs"

Publie le mercredi 17 août 2005 par Open-Publishing

Au beau milieu du mois d’août, le numéro 1 mondial de l’agroalimentaire parie sur une désaffection de la mobilisation. Mais c’est sans compter sur la vigilance des salariés et du comité de soutien.

de Christelle Chabaud, Marseille (Bouches-du-Rhône)

« Le bruit et l’odeur... C’est ce qui me manque le plus, je crois. » Richard regarde avec tendresse cette usine marseillaise qu’il côtoie au quotidien depuis treize ans. « Pour fermer, la direction croyait qu’un tempérament méditerranéen sous-entendait un énervement irréfléchi. Nestlé s’attendait à ce qu’on casse tout, qu’on brûle tout. Sauf que voilà, quinze mois après l’annonce de fermeture, rien de tout cela ne s’est produit. On est en plein mois d’août 2005, et nous sommes toujours là, à vouloir plus que jamais travailler. »

Il est 8 h 30 à peine. Et sous la tente, ils sont déjà sept. « Sept motivés », précisent-ils. Certains, visiblement fatigués, terminent leur nuit de surveillance. D’autres viennent tout juste d’arriver, au saut du lit. « Alors ?... - RAS : ça a été calme, cette nuit. » Mis en place suite à l’arrêt forcé de la production le 24 juin dernier, le système est maintenant bien rodé. Sur le frigo, un planning avec la répartition des présences par demi-journée. À côté, en jaune, une feuille avec plusieurs numéros, les premiers de la chaîne d’urgence en cascade. « Cette combine nous permet d’alerter entre 400 et 500 personnes en quelques minutes, si le besoin s’en fait sentir, indique Robert, un des délégués CGT. Cela nous permet de parer à un coup de force que Nestlé pourrait être tenté de lancer. » En cas d’urgence également, les salariés peuvent compter sur la mobilisation d’une quarantaine d’organisations locales réunies dans un collectif de soutien : le Groupement de défense de Nestlé Saint-Menet et de l’emploi industriel dans la vallée de l’Huveaune. Le nom est un peu pompeux, mais le soutien est réel. Chaque mardi, ce groupe, - réunissant tant la CGT que les partis politiques progressistes ou même Emmaüs, se retrouve pour faire le point avec les salariés (lire nos trois témoignages ci-dessous).

Soleil, cigales, belote, pétanque... L’ambiance est faussement détendue. « Depuis juin, les décisions de justice rythment notre quotidien, rectifie Serge. Mais la dernière, elle nous laisse dans un vague optimiste... » Lundi 8 août, l’audience qui devait statuer sur la liquidation de l’astreinte de 50 000 euros par jour à laquelle Nestlé a été condamné le 4 juillet si le groupe n’assurait pas le retour à « un fonctionnement normal de l’usine », a finalement été reportée au 13 septembre. Le magistrat suivant en principe le dossier est parti en vacances, le juge qui instruit pour l’occasion, spécialisé dans le bâtiment, a préféré renvoyer l’affaire, se déclarant incompétent. « C’est une guerre des nerfs, expliquent les sept ouvriers présents sur le site de Saint-Menet. Quelques jours avant le procès, l’avocat de la direction nous a dit qu’il allait demander un report car sa plaidoirie n’était pas aboutie. Or, au jour J il était prêt. Dans ce contexte, la décision du juge peut être considérée comme un geste de solidarité à notre égard. » Soudain, un taxi arrive. « Serge, Serge, viens vite... Tu le connais celui-là, à l’arrière ? » Réponse négative. La voiture entre dans l’usine. Les ouvriers sont sur le qui-vive... Fausse alerte, apparemment.

« Ce doit être le gars pour la désinfection, rassure Serge. Depuis novembre 2004, la direction a volontairement laissé traîner des refontes de chocolat non utilisées. Alors, forcément, maintenant c’est gavé de mites. La semaine dernière, ils les ont enfin fait enlever par une entreprise extérieure. Mais les mites sont toujours là, d’autant plus que les chaînes de production, elles, n’ont toujours pas été nettoyées. » Mais, pour que Nestlé ne puisse s’en servir après comme argument sur l’impossibilité de reprendre la production, les salariés ont fait faire un devis indépendant précisant la durée des travaux de désinfection. - Depuis quinze mois, la lutte menée par ces 427 salariés est exemplaire. Tout le monde en convient... Même Jean-Claude Gaudin, le maire (UMP) de Marseille, ou encore le préfet de région. Celui-là même qui, il y a quelques mois, avait glissé à certains responsables syndicaux : « Allez-y, ne vous opposez pas à la fermeture, je peux vous assurer que les caisses de Nestlé sont pleines ! » Mais à Saint-Menet, la lutte va au-delà d’une simple question d’argent car, à travers ce combat, c’est l’emploi de toute une région qui se joue. Prochain rendez-vous le 22 août. La direction fait en justice une « requête en interprétation » pour connaître la signification de « fonctionnement normal de l’usine »...

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