Accueil > Ni putes ni soumises mais divisées
Féminisme . Une vingtaine de comités annoncent leur démission du mouvement, critiquant l’absence d’indépendance politique.
de Mina Kaci
Cela couvait depuis la nomination de Fadela Amara au gouvernement. À la veille de l’université d’automne de Ni putes ni soumises (voir encadré), des comités locaux annoncent leur démission du mouvement, créé en février 2003. En tout, vingt-six sur la cinquantaine revendiquée par la direction. Mais le malaise semble plus profond au sein de l’association dont des dysfonctionnements ont déjà été pointés verbalement par un commissaire de la Cour des comptes.
Absence de transparence
Les démissionnaires relèvent l’absence de transparence entraînant, selon eux, une incapacité de la direction actuelle à « définir une ligne politique claire et indépendante », d’autant plus criante que « Mohamed Abdi est maintenu au poste de secrétaire général du mouvement », alors qu’il est désormais conseiller spécial de la secrétaire d’État à la Politique de la ville. Mohamed Abdi continue également à être le « seul dépositaire de la signature des comptes et des chèques de l’association ». Fadela Amara, elle-même, figure sur le listing du conseil d’administration en tant que membre fondatrice de Ni putes ni soumises. Or, « les autres fondateurs, comme Safia Lebdi et Olivier Bassuet, n’y figurent plus », s’insurge Riva Gherchanoc, fondatrice du comité de Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
« Ils ont remanié à leur convenance les instances dirigeantes sans concertation ni validation de l’ensemble des adhérents », raconte-t-elle. Pourtant, le conseil national, les 24 et 25 juin 2007, avait « décidé l’instauration d’une commission regroupant les comités afin de préparer le congrès en vue d’une nouvelle direction démocratiquement élue, rappelle Riva Gherchanoc. Cette commission devait se réunir lors de l’université d’automne mais cela ne se fera pas ». Contactée par l’Humanité, Sihem Habchi, présidente par intérim, a opposé une fin de non-recevoir, estimant qu’elle a « des choses plus importantes à faire que de répondre à des querelles émises par des personnes qui cherchent je ne sais quoi ».
« l’association tiroir-caisse »
On aurait pourtant aimé l’interroger sur « l’association tiroir-caisse », comme l’appellent les démissionnaires. Selon eux, SOS-Racisme est en train de dévorer le mouvement. « Julien Dray, qui a donné son aval à Fadela pour entrer au gouvernement, entend récupérer Ni putes ni soumises en avançant ses pions, affirme Riva Gherchanoc. D’ailleurs les militants de SOS participent, sans s’en cacher, aux réunions hebdomadaires du bureau national. » Très affectée par la tournure des événements alors qu’elle avait rejoint cette association car « elle reflétait une réalité que je vis moi-même dans mon quartier », la militante montreuilloise considère aussi que l’absence d’indépendance vis-à-vis du gouvernement est « dégueulasse ». « Dégueulasse » également l’affichage de Fadela Amara avec la ministre du Logement Christine Boutin, avec qui elle travaille la main dans la main. Un sentiment partagé par un grand nombre d’adhérents de Ni putes ni soumises, énervés de voir leur ancienne présidente sous la tutelle d’une « intégriste catholique ouvertement "pro-vie" », commentent plusieurs d’entre eux sur Internet. « Une femme invitée au rassemblement de l’UIOF (Frères musulmans), en 2006, au même titre que Hani Ramadan, l’adepte de la lapidation des femmes adultères », ajoute-t-on. Un affichage qui leur semble diamétralement opposé au combat « féministe, républicain et laïque » de Ni putes ni soumises. Choquant aussi, le fait que Fadela Amara participe au gouvernement qui a instauré le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. « Cette décision individuelle porte un rude coup à notre association et à notre combat commun », résume une internaute.