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Non à la généralisation des bases de données sur les passagers aériens
Publie le vendredi 16 novembre 2007 par Open-Publishing
De l’AEDH
L’Europe, espace de libertés, ne doit pas devenir un espace de surveillance.
Bruxelles, le 16 novembre 2007
L’AEDH suit avec inquiétude la transformation de l’Europe d’un espace de libertés à un espace de surveillance. Au nom d’une menace terroriste vague et indéfinie, on voit la multiplication d’initiatives dans l’espace européen tentant de soumettre les citoyens – européens ou tiers – qui vivent ou voyagent en Europe, à des contraintes qui sont en contradiction avec les principes fondamentaux de la protection des droits de l’Homme. On évoque parmi d’autres l’application des passeports biométriques, la possibilité d’échanges d’informations entre les autorités judiciaires et policières des Etats membres via le système du Traité de Prüm et la possibilité d’accès au Système d’Information Schengen par d’autres organisations d’aspiration policière comme EUROPOL et EURODAC.
La décision récente d’établir un système européen de traitement des données PNR (Passenger Name Record) par les autorités des Etats membres est la dernière indication de ce phénomène. Le plan proposé par la Commission européenne le 6 novembre[1] est très similaire à l’accord PNR entre l’Union européenne et les Etats-Unis que l’AEDH a condamné.
La raison d’être de cette initiative et d’une série de dispositions inclues dans le projet de décision-cadre respectif relèvent de caractéristiques tout à fait étrangères à la culture juridique européenne, basée sur le respect des principes fondamentaux de la protection des droits de l’Homme en général et plus particulièrement des droits de la protection de la vie privée et des données personnelles :
· Pour la première fois dans l’histoire de l’Europe moderne un système de caractère explicitement répressif s’applique à la totalité des citoyens et pas seulement à ceux contre lesquels il y a des présomptions ou des indices d’être impliqués dans des actes illicites. Tout le monde se retrouve ainsi en position de « suspect ». Le projet de décision-cadre prévoit que les données PNR, en particulier (données surtout commerciales,) de tous les passagers qui entrent, sortent ou traversent l’espace européen feront l’objet d’une collecte et conservation afin d’être analysées sous le scope du risque terroriste. Ce sont 19 données personnelles qui seront ainsi collectées.
· Le projet de décision-cadre est en contradiction avec les principes généraux du traitement légal des données personnelles, tels que le principe de la limitation de finalité et le principe de la proportionnalité :
a) Selon le projet, des données à caractère commercial seront traitées à des fins autres que celles pour lesquelles elles étaient collectées, c’est-à-dire à des fins d’investigation policière.
b) En outre, les données collectées seront conservées sur des bases de données de caractère policier pour une durée de 5 ans (base active) et après l’expiration de ce délai, pour une durée additionnelle de 8 ans (base dormante). Or, on serait en difficulté pour comprendre pourquoi les données des voyageurs d’un vol précis, qui ont déjà fait l’objet d’une analyse préalable au vol pour des raisons de sécurité sur ce vol, sont d’une nécessité quelconque 13 ans après l’atterrissage !
· Le projet de décision-cadre prévoit également une série de dispositions facilitant l’échange d’informations conservées entre les autorités compétentes des Etats membres, sans aucune garantie juridique et même le transfert des informations à des autorités des Etats tiers, sans que la condition que le pays tiers assure un niveau adéquat de protection des données personnelles soit explicitement prévue dans la décision.
* Finalement, le projet de décision-cadre, qui ne fait aucune référence à la directive de 1995 relative à la protection des données personnelles, prévoit une série de dispositions tenant à rassurer les citoyens que la protection de leurs données personnelles était bien prise en considération lors de la mise au point du système. Pourtant la seule information préalable du passager sur le sort et les finalités du traitement que ses données feront l’objet, sans lui donner le droit d’objection, est loin d’être en conformité avec le droit fondamental de la protection des données personnelles tel que prévu dans la Charte des Droits Fondamentaux. Parce que le seul moyen que dont dispose le un passager pour ne pas se voir mis en fiche est de ne pas voyager ! Qui a parlé de libre circulation des personnes ?
L’AEDH lance donc un appel à la société civile, aux organisations des droits de l’Homme, aux partis politiques progressistes et au Parlement européen, afin de réagir et de s’opposer de façon dynamique et efficace contre l’adoption de cette décision-cadre qui porte atteinte aux droits individuels élémentaires des personnes, qui est disproportionnée par rapport au but à atteindre..
Contact :
Pierre BARGE, Président
AEDH, Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme,
33, rue de la Caserne. B-1000 Bruxelles
Tél : +32(0)25112100 Fax : +32(0)25113200
aedh@aedh.eu
L’Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l’Homme des pays de l’Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l’Homme (FIDH). Pour en savoir plus, consultez le site www.aedh.eu