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Palestine : de l’autonomie à l’Etat
L’Express du 16/10/2003
http://www.lexpress.fr/express/info/monde/dossier/palestine/dossier.asp?ida=408205
Hassan Balawi
« Nous sommes au bord de l’explosion »
propos recueillis par Pierre Ganz (RFI) et Alain Louyot
Hassan Balawi, journaliste à la télévision palestinienne, vit et décrit l’occupation israélienne au quotidien
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Quelles sont les conséquences pour les Palestiniens de l’édification en cours du mur destiné à protéger Israël des attentats suicides ?
Si ce mur est achevé, 58% de la terre palestinienne de Cisjordanie se trouvera de facto annexée par Israël. D’ores et déjà, certaines villes palestiniennes, comme Kalkilya, sont coupées en deux. Plus de 200 000 Palestiniens vont se voir, à cause de lui, privés de leur terre, de leurs oliviers, de leurs puits. Ariel Sharon entend créer ainsi des enclaves palestiniennes isolées les unes des autres et n’ayant plus aucune frontière avec la Jordanie ou l’Egypte. Un Etat palestinien sur 42% seulement de la Cisjordanie ne serait évidemment pas viable.
« 200 000 Palestiniens vont se voir privés de leur terre par le mur »
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui, en tant que journaliste palestinien ?
Je suis très inquiet. Nous sommes au bord de l’explosion. Si Israël met en œuvre ses menaces de bannir ou de tuer le président Arafat, ce sera sans aucun doute la fin du processus de paix, de la reconnaissance par les Palestiniens de l’Etat d’Israël. Tout le travail accompli depuis 1974 serait anéanti.
Vous parlez d’explosion possible, mais la situation peut-elle empirer ? On a déjà connu l’Intifada, les attentats des kamikazes...
Cela, en effet, peut être pire encore. Il s’agit d’une guerre entre l’armée israélienne, la plus puissante de la région, et un peuple désespéré. Et tout peut arriver. Ce peuple n’a plus rien à perdre. Il vit au-dessous du seuil de pauvreté, avec 2 dollars par personne et par jour. Le chômage a dépassé les 73% - ce sont là les chiffres de la Banque mondiale. Les barrages israéliens empêchent ou compliquent tout déplacement. 27 femmes palestiniennes ont été ainsi contraintes d’accoucher dans leur voiture, bloquée à un checkpoint, et l’une d’elles a même récemment prénommé son nouveau-né du mot qui signifie « barrage »...
Comment la télévision palestinienne rend-elle compte des attentats suicides contre des civils israéliens, tel celui de Haïfa, qui a fait une vingtaine de morts ? Les condamne-t-elle ?
C’est une télévision officielle et elle n’approuve donc pas ce type d’actions qui, moralement ou politiquement, desservent la cause palestinienne. Nous disons donc publiquement que nous sommes contre, car cela fournit un prétexte à Ariel Sharon pour nous agresser. Et la mort de 20 civils à Haïfa ne fait pas progresser notre cause.
Croyez-vous qu’Ariel Sharon va expulser Yasser Arafat ? Où pourrait-il aller ? En Egypte ?
Certains parlent du Soudan, de l’Egypte... Ce qui est sûr, c’est que le président Arafat préférera tomber en martyr, les armes à la main, plutôt que de quitter sa terre. Ce n’est pas comme lorsqu’il a été contraint de quitter Beyrouth, en 1982. Aujourd’hui, il est déterminé à se battre jusqu’au bout, car, cette fois, il est chez lui, en Palestine.
Les récents messages de l’ancien président de la Knesset Abraham Burg, appelant Israéliens et Palestiniens à la raison, vous paraissent-ils porteurs d’espoir ?
Des personnalités israéliennes comme Abraham Burg peuvent aider à trouver la solution que cherchent ou qu’espèrent les partisans de la paix. Du côté palestinien, nous avons, certes, un travail important à accomplir pour la consolidation de notre démocratie, mais cela ne pourra se faire avec l’occupation actuelle. Le 20 janvier 2003, nous voulions organiser des élections présidentielle, législatives et municipales, mais cela n’a pas été possible de les tenir en raison de cette occupation militaire israélienne.