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Nous sommes tous des saumons - le point sur les contributions

Publie le mardi 17 octobre 2006 par Open-Publishing
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Par Le personnel de Politis, mardi 17 octobre 2006 Thème Le point sur les contributions | commenter

Retrouvez cet edito de Denis Sieffert dans Politis n° 922, en kiosque à partir de jeudi 19 octobre. L’edito du précédent numéro est disponible en pdf en cliquant ICI. Plus de détails sur l’historique de la situation actuelle du journal dans le billet "Sauvons Politis !", à lire en troisième position sur cette page.

De quoi vous aurais-je parlé dans cette page si le devoir ne m’invitait pas d’abord à vous informer de la bataille que nous menons en commun, vous et nous, depuis maintenant une huitaine de jours pour le sauvetage de Politis ? Sans doute d’un événement politique qui, visiblement, pose problème à la plupart de nos confrères : le débat qui se mène au sein de ce que l’on appelle la gauche antilibérale. La presse peine à rendre compte de cette incongruité politique. Elle aimerait que ce rassemblement à certains égards hétéroclite, mais très homogène sur l’essentiel, entre dans les schémas traditionnels. Elle aimerait pouvoir rendre compte d’attaques venimeuses motivées par des ambitions dévorantes. Comme ailleurs. Comme partout. Mais le casting ne s’y prête pas. Et la règle du jeu moins encore. Au lieu de cela, les journalistes, dont nous étions, ont eu à entendre samedi et dimanche, à Nanterre, un débat long et austère. Décevant, si l’on guette la zizanie. Passionnant, si l’on accepte les hésitations d’une pensée collective qui se forme en direct dans la construction d’un programme réellement social et écologiste. Décevant, si l’on se dit que le candidat qui sortira de ce chapeau-là a peu de chances d’être président de la République en mai prochain. Passionnant, si l’on pense qu’il s’agit de l’acte fondateur d’une autre gauche qui pourrait répondre enfin à une grande partie d’une opinion orpheline.

La question est de savoir si, à la fin, les chefs de file de la gauche antilibérale donneront raison aux journalistes, ou s’ils résisteront jusqu’au bout aux mauvaises tentations, et créeront une offre politique nouvelle pour la présidentielle de 2007, et au-delà. Peut-on mener à bien une tâche de cette nature à la fois dans le cadre et contre les institutions de la Ve République, c’est-à-dire dans le choix d’une personne et dans le refus de la personnalisation ? Michel Soudais et Clotilde Monteiro apportent un début de réponse - positive - en revenant dans les pages suivantes sur ce week-end de travail des collectifs pour une candidature unitaire de la gauche antilibérale. Et nous, nous revenons à notre bataille du moment. Mais au fond, les deux sujets sont-ils tellement éloignés ? Comme le dit si plaisamment l’admirable Philippe Avron, comédien hors pair, dans le courrier qu’il nous a adressé : le saumon est un poisson qui nage à contre-courant. Nous sommes tous des saumons. Et nous sommes beaucoup plus nombreux qu’on ne le croirait.

Après une petite semaine de bataille, notre souscription atteignait lundi soir la coquette somme (je ne sais pas pourquoi les « sommes » sont toujours « coquettes ») de 415 300 euros. Et vous êtes 1 055 « saumons » contributeurs. Comme dans les rapides, il y a des petits et des gros poissons. Des souscripteurs à 25 euros et un ou deux à 10 000. Mais le cœur ne fait pas la différence. L’élan est le même. Les mots qui accompagnent les chèques se ressemblent. Nous y répondrons, bien sûr, quand nous pourrons nous-mêmes lever le nez du guidon. En attendant, limitons notre dialogue à quelques questions qui nous sont légitimement posées. Pourquoi la soudaineté de cette crise ? Parce que nous étions dans la préparation d’un plan de reprise ambitieux avec un partenaire dont nous n’avions évidemment pas prévu le désistement brutal, le 1er octobre.

Pourquoi un million d’euros ? Nous avons fixé la barre à un million non parce qu’il existerait un seuil fatidique, mais parce qu’à ce niveau nous jugeons que notre plan de reprise sera fort. Bien sûr, il peut être crédible en deçà. À quoi va servir cet argent ? La souscription ne vise pas à nous créer une trésorerie béante comme un panier percé. Elle prend en compte la nécessité de recréer un capital, d’assurer une viabilité et un développement sur plusieurs années, jusqu’à ce que ce journal ait atteint l’équilibre tout en franchissant un nouveau pallier. Un investissement sur Internet est évidemment indispensable. Un accroissement des moyens de diffusion et de promotion est également plus que souhaitable. Et là, nous ne parlons plus seulement d’argent mais d’idées qu’il faut faire entendre au-delà des cercles actuels.

N’ayons pas peur de le proclamer, c’est une bataille politique que nous menons. Allons-nous atteindre nos objectifs ? Nous nous en approcherons en tout cas. Car il faut dire ici un mot de gros souscripteurs qui devraient nous permettre, dans la dernière ligne droite, de toucher au but. Des discussions se mènent. En aucun cas il ne s’agit de « repreneurs ». Il n’y a pas de requins dans le monde des saumons. Tous ont le souci de l’indépendance de la rédaction et d’assurer la continuité d’une ligne éditoriale. Tous sont en sympathie avec ce journal. Tous témoignent d’un total désintéressement. Et, le moment venu, nous mettrons en place, avec leur accord, une structure qui garantira l’indépendance de la rédaction. Aucun ne demande le « pouvoir ». C’est nous qui sommes demandeurs. C’est nous qui avons besoin de nous entourer de compétences qu’ils peuvent nous apporter en regard de leurs parcours professionnels et de leurs expériences, par exemple dans le domaine de l’informatique. Voilà. Dans quelques jours, notre plan sera déposé. Il tiendra sa force d’abord de votre réactivité, amis lecteurs, et de votre attachement à ce journal. Ce qui s’est passé ces derniers jours a probablement transformé l’équipe de Politis. Quitte à paraître niais, j’avouerais que je n’avais pas imaginé pareil déferlement d’appels, de courriers et de chèques. Ces circonstances ont aussi durablement bouleversé la nature des rapports que Politis doit entretenir avec vous. Il nous faudra, dans l’élan, poser de nouveaux jalons pour que les « Amis de Politis » aient les moyens de vivre, d’agir et de réagir. En commençant par faire une place à nos lecteurs dans les instances de direction. Ce sera notre première responsabilité, aussi impérieuse que celle de faire un bon journal.

Comment ne pas dresser un parallèle entre cette mobilisation et celle des collectifs unitaires ? Et, plus largement, avec tout ce qui résiste au sein de la gauche à la vague libérale et à sa forme la plus insidieuse : la dépolitisation, la « pipolisation », ou encore l’américanisation de notre vie politique, qui, hélas, n’est pas seulement le fait de Nicolas Sarkozy. Comment ne pas se sentir proche de tous ceux qui aspirent à créer de nouvelles hiérarchies de l’information en tenant mieux compte des grands enjeux sociaux, écologiques, démographiques et culturels de l’époque ? Et de tous ceux aussi qui revendiquent le droit de douter et de s’interroger, à côté de quelques certitudes ? Évidemment, nous ne sommes pas assez fous pour penser que nous sommes seuls à mûrir cette réflexion. Les crises sont parfois salutaires. En disant cela, nous pensons évidemment à nos confrères de l’Humanité et de Libération. Ces derniers ont aussi des échéances brûlantes. Si l’on ose se permettre une timide ingérence, ce sera pour rappeler que l’on ne fait jamais un journal contre ses lecteurs ni contre sa rédaction. L’idée de faire de Libération un journal de droite est aussi farfelue que le projet de transformer Politis en magazine de l’automobile. Souhaitons-nous bonne chance pour que Dieu (pour ceux qui y croient) et le tribunal de commerce (et là nous sommes bien placés pour y croire) nous prêtent longue vie. Nos lecteurs le méritent.

Denis Sieffert

POLITHON
Lundi 16 octobre à 18h vos dons s’élèvent à :

415 300 €
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