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Nouvelle symbiose entre Nicolas Sarkozy et la Mutualité Française contre la protection sociale solidaire

Publie le mercredi 10 juin 2009 par Open-Publishing
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Le 4 juin le Nicolas Sarkozy à l’occasion d’un long discours au cours du 39 ème congrès de la Mutualité Française (FNMF) a annoncé la place spécifique que l’Etat entendait laisser à la Mutualité Française1 dans une protection sociale révisée. La Mutualité Française est le principal soutien au politique néolibérale de privatisation de la santé depuis plus de 25 ans2 et le Président de la République n’a pas manqué de remercier un allié si fidèle en interpellant son président : « ... Monsieur le président, Cher Jean-Pierre DAVANT, vous méritez notre estime et notre
reconnaissance... »

Et Nicolas Sarkozy d’indiquer la nouvelle orientation qu’il entendait donner à la protection sociale en affirmant qu’ « ... après plusieurs décennies de généralisation de la sécurité sociale, nous
ressentons le besoin que la solidarité s’exerce davantage au profit des personnes que des catégories. Le défi n’est plus seulement de faire jouer la solidarité en faveur des personnes fragiles parce qu’elles sont malades ou parce qu’elles ont perdu leur emploi. La solidarité, c’est soutenir la personne tout au long de sa vie pour qu’elle puisse mener à bien son projet. La solidarité n’est pas seulement défensive, elle est offensive. C’est parce que chacun d’entre nous sera persuadé qu’il peut compter sur la solidarité nationale qu’il pourra développer un projet personnel, individuel. Prendre des risques, parce qu’il y a le filet de la solidarité. »

Complète dénaturation de la protection sociale

Il s’agit d’une complète dénaturation de la protection sociale telle qu’elle avait été conçu par les fondateurs de la Sécu puisque les ordonnances du 4 octobre 1945 stipulaient que :

" La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. "

Ainsi la protection sociale nouvelle de Nicolas Sarkozy rompt avec la Sécurité Sociale assurance universelle, instrument de justice sociale et de répartition des richesses nationales pour opter pour une assurance individuelle destinée à favoriser la figure de l’autoentrepreneur « preneur de risques » dégagé du salariat et rompu aux dogmes du néolibéralisme car en concurrence avec son voisin. Le glissement de la protection sociale solidaire vers le système assurantiel à l’américaine est une réalité.

La rupture avec le système de Sécurité Sociale financé par le salaire différé socialisé est clairement indiqué puisque selon le Président de la République « ...La croissance de notre économie, même quand nous serons sortis de la crise, ne permettra sans doute pas aux régimes de protection sociale de base de couvrir l’intégralité des nouveaux besoins. L’équilibre des régimes obligatoires est d’ores et déjà soumis à des tensions et celles-ci vont s’accentuer. Il convient que nous
soyons lucides. »...« ...La solidarité nationale, financée par des prélèvements obligatoires, continuera de remplir sa mission. Mais à ses côtés, d’autres formes de protection sont appelées à se développer. L’identité de la Mutualité française l’y prédispose. »

Il n’est donc aucunement envisagé de répondre aux véritables problèmes de financement rencontrés par les régimes de protection sociale. Les pseudo-déficits médiatisés de la sécurité Sociale sont dus aux transferts de 10 points de PIB de la rémunération du travail vers les profits des actionnaires depuis 1982.
Toutes les campagnes de culpabilisation des assurés sociaux et de gestion comptable des régimes ont eu pour but de limiter le volumes de cotisations patronales pour laisser à l’initiative individuelle la prise en charge des remboursements de soins de plus en plus chers car de moins en moins contrôlés par la Sécu.
C’est ce qui explique que selon l’OCDE la France soit aujourd’hui le deuxième pays du Monde derrière les Etats-Unis ayant une part importante (14 %) de l’assurance privée dans le financement de la santé3 .

Nicolas Sarkozy annonce cependant le développement d’une part spécifique laissée à la Mutualité Française. Cette part pourrait d’ailleurs tout à fait correspondre à l’Etage 2 de la nouvelle assurance maladie prévue dans le rapport Chadelat4 qui depuis 2003 constitue la feuille de route de tous les gouvernements pour la marchandisation de la santé. Selon ce rapport, la sécurité Sociale gérerait un régime minimal cohabitant avec une complémentaire santé de base facultative dont l’acquisition serait favorisée par une aide sous condition de l’Etat.

La déclaration du Président indiquant que « ...le projet « Priorité santé mutualiste »5, qui
vise à orienter la personne malade selon des critères de qualité et d’efficience, sera un allié puissant ... » laisse entendre que la Mutualité Française pourrait jouer ce rôle de complémentaire santé de base facultative.

Rappelons que "Priorité Santé Mutualiste" est une attaque en règle du conventionnement des médecins, praticiens et établissements, piloté par l’UNCAM, et négocié dans une convention nationale.
Ainsi le praticien ou le centre de soins seront évalués sur des critères de performance (sic !) sur la résolution des pathologies.
L’adhérent d’une "mutuelle" de la Mutualité Française est donc convié à contacter une plate-forme téléphonique pour connaître l’établissement le mieux adapté car bien noté à la résolution de sa pathologie. Les critères d’évaluation étant conformes à ceux donnés par la haute autorité de santé (HAS) et suivis par un comité d’experts et éventuellement d’associations de malades reconnues.
"Priorité Santé Mutualité" n’est que la copie des démarches de conventionnement en dehors de la Sécu déjà opérées par plusieurs opérateurs "réseau de santé". Les groupes financiers qui investissent en ce moment sur la santé préparent leurs réseaux de soins privés favorisés par toutes les mesures gouvernementales actuelles obéissant aux directives européennes (privatisation des hôpitaux, fin du remboursement de l’optique et du dentaire ; déremboursement de nombreux médicaments, automédication et vente en supermarché et station-service etc.) dont la Ministre Bachelot a indiqué qu’elles devaient porter leur fruits pour 2010.

Conformément à cette orientation,Nicolas Sarkozy de rappeler à la Mutualité française qu’elle est une « ...une synthèse vivante de la solidarité et du marché, de la solidarité et de la responsabilité, du temps des actifs et du temps des retraités. » 

C’est bien à cette adaptation sans équivoque à la marchandisation de la santé par la Mutualité Française que le Président de la République s’adresse en expliquant que :
« ...Vous êtes appelés, vous les acteurs du mouvement mutualiste, avec d’autres acteurs, à jouer un rôle de premier plan dans la protection sociale. Ce rôle est d’abord institutionnel. Vous siégez au conseil de la caisse nationale d’assurance maladie.
Je vous le dis : il me semble normal que vous soyez représentés au sein du conseil de surveillance des agences régionales de santé qui vont être mises en place prochainement. ...Vous êtes un partenaire incontournable et c’est très bien ainsi.
Ce rôle institutionnel est à mes yeux le symbole d’un partenariat nouveau entre l’assurance maladie et la Mutualité française que j’appelle de mes voeux.
Un protocole a été signé par Roselyne BACHELOT, Eric WOERTH et vous-même, en juillet 2008.
Ce protocole souligne la nécessité d’une « coordination responsable entre les régimes de base de
l’assurance maladie et les organismes complémentaires sur la gestion du risque comme sur le
financement des dépenses de santé ». Ses dispositions restent tout à fait d’actualité et je demande au Gouvernement de les mettre en oeuvre entièrement et rapidement. »

C’est la gestion du risque et non l’efficacité des soins qui devient la règle !
Mais le pire reste l’annonce sur les maladies chroniques (ALD) :
« C’est la prise en charge des maladies chroniques, certainement l’un des sujets les plus difficiles. Beaucoup reste à faire pour assurer une prise en charge plus continue et de meilleure
qualité. Le régime des affections de longue durée s’est concentré sur le volet financier de la prise en charge, qui est indispensable. Mais la qualité de la prise en charge ne fait pas l’objet d’une attention suffisante. Quand près de 10 millions de personnes sont concernées, quand des milliers de journées d’hospitalisation peuvent être évités par des soins adaptés, on voit bien que la qualité du suivi de ces maladies est un enjeu majeur. Sur ce sujet comme sur les autres, la Mutualité française est un partenaire éminent de l’Etat et de l’assurance maladie. »

Aujourd’hui pris en charge à 100 % par la Sécurité Sociale, les patients atteints d’une maladie à longue durée ressortiraient demain de la Mutualité Française qui rémunérerait les médecins au forfait pour favoriser le travail de prévention pour tenter de limiter le développement des pathologies let bénéficierait une délégation de paiement de la sécurité sociale vers la Mutualité pour ces patients.
Est ce que ces dispositions seraient réservées à la seule Mutualité Française ou bien élargies aux autres acteurs de la complémentaire santé (mutuelles solidaires non fédérées, assurances, mutuelles assurances instituts de prévoyance) ?

Il est fort probable que ces autres acteurs ne laisseront pas partir une manne financière car comme le rappelle l’économiste Jean-François Couvrat : « Sont explicitement visées (et ce n’est pas la première fois) : les trente affections de longue durée (ALD) - cancers, diabète, troubles mentaux… - dont la Sécurité sociale, depuis sa création, rembourse les soins à 100%, parce qu’ils sont particulièrement longs et onéreux. Cette exonération du ticket modérateur coûte à l’Assurance-maladie quelque 8 milliards d’euros par an. Les 7,5 millions de bénéficiaires y voient à juste titre un des piliers de la protection sociale française. Les « complémentaires santé », elles, flairent la bonne affaire. Si elles assurent demain ces huit milliards, leur part du marché de la santé augmentera de moitié. Merci Nicolas ! »

La Mutualité Française qui s’était estimée "cambriolée par la loi Ambroise CROIZAT sur la Sécurité Sociale est en train recouvrir "ses acquis » antérieurs.
En 1950, alors que la maladie le rongeait, les derniers mots d’ Ambroise CROIZAT furent pour la Sécurité Sociale : "Jamais nous ne tolérerons qu’un seul des avantages de la Sécurité Sociale soit rogné. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès". Pourtant en 2008 , Denis Kessler ex numéro 2 du MEDEF et Directeur de l’assureur SCOR déclarait « Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde ! Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. »
Il est grand temps de remettre au centre de nos préoccupations la relance des conquêtes sociales car c’est Croizat et la Sécu qui doivent rester le modèle et non Kessler et la Mutualité Française !

Nicolas Pomiès

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