Accueil > Nouvelles fraîches de la Sorbonne

Nouvelles fraîches de la Sorbonne

Publie le vendredi 3 mars 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

de Davide

Que devient la Sorbonne ? - ou mieux, que deviennent les étudiants de la Sorbonne ? Etre un "sorbonnard" veut dire encore quelque chose ? Je me pose ces questions depuis quelque temps. Je me les suis posées aujourd’hui, encore une fois.

Ce que je vais rapporter s’est passé il y a trois heures à peine.

Vers 16 h 30 je me suis pointé à la Sorbonne pour aller à la bibliothèque, avec l’intention de pondre quelques bonnes idées pour mon mémoire. L’entrée de la rue homonyme, celle qui donne sur la Cour d’honneur, était bloqué par quatre ou cinq vigiles (les bonshommes en bleus dits aussi "schtroumpfs") et un nombre de flics qui variait de deux à quatre avec des allers-retours, tandis qu’un fourgon de la police était garé pas loin, sur la place.

Blocage. Personne ne peut rentrer. On ne peut que sortir. Les étudiants venus comme moi, pour mille raisons différentes, demandent la raison de cette fermeture imprévue et absolument injustifiée : « Ordre du recteur, toutes les activités sont annulées pour cet après-midi » est la réponse des vigiles ; « C’est fermé, rentrez chez vous », celle des flics. Pourquoi ? « On sait pas, rentrez chez vous ».
Étudiants désorientés, il y en a qui traînent, il y en a qui partent avec dépit mais sans protestation.

Déçu, fatigué, je m’approche d’une fille qui distribue des tracts qui appellent « à une grève reconductible à partir du 7 mars » contre le CPE. Elle m’éclaire en vitesse : il y avait une AG à la Sorbonne aujourd’hui à 13 h, qui a bien eu lieu (et à laquelle hélas je n’ai pu participer, à cause d’un entretien pour décrocher l’énième job précaire et mal payé). Résultat : une centaine de participants, le recteur a eu une trouille noire et a ordonné le blocage. Méthode de protection préventive, méthode fasciste.

Mon entourage visuel : une trentaine d’étudiants qui attendent, d’autres qui viennent, prennent à peine des nouvelles, puis s’en vont. Des affiches d’un syndicat étudiant de droite proclament « Gauche = chômage » et bénissent le CPE. Mille pensées traversent mon esprit, mais une seule reste constante : où est la Sorbonne ? Où sont les étudiants ? Je demande à la distributrice de tracts si un rassemblement extraordinaire, improvisée, est prévu pour protester contre cette mesure. Il y a des gens, on pourrait les rassembler. On pourrait.

Et voici quelques impressions : les étudiants ne perçoivent plus l’Université comme quelque chose qui leur appartient, comme une institution où tout est (ou devrait être) à leur service. Non, c’est tout simplement le lieu où l’on embarque un savoir qu’on travaillera diligemment chez soi. Ergo, ils ne ressentent pas le besoin de la défendre, même là, tout de suite, si nécessaire. Une preuve ? La Sorbonne (Paris I, III, IV et V) rassemble quelque dizaine de milliers d’étudiants. A l’AG de 13 h ils étaient une centaine.

Mai 68 est passé depuis longtemps, le goudron a pris la place des pavés. Ce qui est triste, c’est que si les pavés ont quitté le Quartier Latin, l’ont fait en compagnie de la combativité et de l’instinct de conservation des sorbonnards. La lutte d’il y a quarante ans, nos parents l’ont mené contre un système, ils ont balayé une poussière vieille de dizaines d’années. Aujourd’hui, nous la menons contre un moustique aux cheveux blancs nommé Villepin (comme l’a très bien peint la une de Charlie-Hebdo cette semaine) et contre tous les insectes de son espèce qui en veulent à notre futur et à celui des générations à venir. Etre quelques centaines, c’est déjà bien, mais ne suffit pas. Les centaines ne font peur à personne.

La Sorbonne est un monument historique, ses beaux murs sont intouchables, mais elle nous appartient. Nous ne sommes pas des humbles invités dans ses locaux, nous en sommes l’âme même.

Le 7 mars ne doit pas être une manifestation comme les autres. Vous qui lisez, qui êtes engagés, sorbonnards ou non, parlez-en autour de vous, aux indécis, à vos parents, décollez vos grand-mères de leurs fauteuils, votre petit cousin de devant la télé, votre chien de son écuelle et ramenez-les.

Le 7 mars, c’est la date où il faut démontrer pour de bon que 10.000 vaut plus que 100, mais pour cela, il faut tout d’abord être 10.000.

Messages

  • Bravo Davide,

    J’aime beaucoup cet article et les questions que vous vous posez sont les bonnes. Si elles sont légitimes, il serait interessant, réellement de se demander pourquoi.

    Pourquoi l’élan de 68 ne peut apparement pas se reproduire ? Meme si je rêve que les étudiants de la Sorbonne ou autres se réveillent, je reconnais que rien n’est fait pour les y pousser, ou plus précisement que tout est fait pour que cela ne se fasse pas ...

    Les bords de la marmite finissent d’être érigés et lorsque le couvercle sera définitivement posé, alors la pression commencera à monter.

    Je serais interessé de lire des analyses sur ce sujet. Merci encore Davide ...

    Laiguillon

    • Pour avoir des nouvelles fraîches et de l’intérieur, voir ici :

       http://mouvementanticpe.over-blog.net

      Un parent soixanthuitard de sorbonnard deuxmillesixard

    • Je suis assez d’accord avec Davide, qu’est devenue l’unniversité...? Un mirroir du monde est la première réponse qui me vient.
      En effet, aujourd’hui de plus en plus d’étudiants semblent fuir la communauté au profit des individualismes. Ils sont poussés dans cette voie par l’encadrement administratif, il est clair que mille troupeaux d’une vache se mènent plus facilement qu’un troupeau de mille vaches (sic !).
      Les "journalistes" ne nous montrent ils pas de plus en plus de parents ou d’étudiants en colère contre les grévistes et manifestants, se justifiant de l’impartialité de l’information ainsi délivrée.
      De ces deux propositions on comprend que le mouvement communautaire étudiant soit en voie de disparition. Seuls et mis au ban par leur pair, les étudiants de gauche sont de plus en plus faibles...
      Autre témoignage rapide, je suis issu d’une formation d’ingénieur de l’ENITA de bordeuax (agricole), j’ai du faire face pendant mes quatre années à une majorité de camarades persuadés que la gauche était responsable de notre situation nationale, ce disant adhéraient sans réfléchir aux idées de l’UMP naissant. Très difficiles à mobiliser également lorsqu’il s’agissait de notre vie commune (augmentation des frais d’inscription, renovation des habitations en apartement à loyers plus chers, soutien financier à des camarades étudiants salariés...) motif : la peur !!!! La peur d’être marqué au sein de la petite communauté de 300 étudiants, la peur d’obtenir pire que la situation actuelle.
      C’est cette peur aujourd’hui qui est le moteur de l’anti révolution. Cette peur qui a été un des arguments de masse des oui ouistes !! Cette peur qui est sournoisement véhiculée par les média : si vous les empêchez, alors ils vous détruiront. Cette peur c’est celle qui nous echoit des trois révoltes françaises : 1789, 1871, 1968. A chaque fois la classe dominante est revenue au pouvoir (excepté pour 1789, qui a mis en place une classe dominante beaucoup plus sournoise) et à fait payer les dégats au peuple révolté.
      Que nous reste t il, alors ? Le jusqu’au boutisme, cette fois ci ne nous arrêtons pas en chemin....

    • "on comprend que le mouvement communautaire étudiant soit en voie de disparition"

      ...ou de reconsrruction ?

       http://mouvementanticpe.over-blog.net/

  • Le 17 février 2004, la "prestigieuse" Université de Paris IV – Sorbonne a délivré le titre de docteur Honoris Causa au président Israélien Moshe Katzav certainement pour ses « grandes œuvres » dont ces quelques citations :

    « Il y a un écart énorme entre nous (juifs) et nos ennemis (arabes). Pas seulement en capacités mais en moralité, en culture, en dignité de la vie et en conscience. Ici ce sont nos voisins mais on dirait qu’à quelques centaines de mètres de distance, ces gens là n’appartiennent pas à notre continent, ni à notre monde, ils appartiennent en fait à une autre galaxie. »

    ou encore :

    « Mon cœur vibre avec celui des colons de Judée et de Samarie qui risquent leur vie et celle de leurs enfants pour mettre en œuvre la politique décidée par les gouvernements d’Israël »

    Rappelons que Moshe Katzav a démarré sa carrière dans les rangs du Bétar, organisation fasciste, pour ensuite la poursuivre au sein du Likoud, le parti du criminel de guerre Ariel Sharon.

    Depuis 1980, il a développé et accéléré le processus d’implantation des colonies en Cisjordanie et à Gaza et c’est un acteur actif dans la politique criminelle de l’état sioniste à l’encontre du peuple palestinien.

    lp