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PAROLES DU SOUS-COMMANDANT INSURGÉ MARCOS SUR LE ZOCALO DE PALENQUE
Publie le dimanche 15 janvier 2006 par Open-PublishingPAROLES DU SOUS-COMMANDANT INSURGÉ MARCOS SUR LE ZOCALO DE PALENQUE,
CHIAPAS. LE 3 JANVIER 2006
Bonjour compañeros et compañeras de l’Autre Campagne à Palenque et dans le
nord du Chiapas, et bonjour au peuple travailleur de Palenque et des
alentours qui est venu ici pour nous accueillir et écouter notre parole.
Nous avons choisi de venir ici à Palenque, dans ce lieu qui est le symbole
de la culture maya, de sa splendeur et de son progrès, et nous voyons que
les riches grands capitalistes l’utilisent seulement pour venir visiter,
connaître, comme si c’était une culture morte, comme si nous, indigènes
mayas, certains zapatistes et d’autres non zapatistes, nous n’existions
plus ou nous étions déjà morts sous le triomphe du néolibéralisme dans le
monde. Ils se sont peut-être rendu compte, surpris, qu’en venant voir des
ruines ils ont trouvé des gens qui vivent, qui marchent, qui parlent et
surtout qui crient "Ya basta" et qui maintenant essaient de s’unir à
d’autres forces parmi les travailleurs de la campagne et de la ville afin
de transformer ce système en quelque chose de plus juste, plus libre, plus
démocratique.
Pendant les jours à venir nous allons entendre une quantité de promesses,
de mensonges, qui vont essayer de nourrir nos espoirs en disant que,
maintenant oui, les choses vont s’améliorer, si un gouvernement en
remplace un autre, encore une fois, chaque année, tous les trois ans, tous
les six ans, ils nous vendent ce même mensonge et une fois de plus tous
les trois ans, tous les six ans, ils continuent à le répéter.
Les compagnons de l’Autre Campagne, dont l’EZLN fait partie, nous pensons
qu’ils ne nous donneront rien, nous n’aurons rien si nous ne l’obtenons
pas de nous-mêmes, avec notre force organisée pour transformer les choses.
Les gouvernements que nous avons, à part de nous mentir, de nous prendre
le peu que nous avons, nous vendent les choses que nous achetons à un prix
très élevé, et ce que nous produisons comme paysans ou comme ouvriers, ils
nous l’achètent une misère.
Nous pensons que tout cela doit changer et le changement ne va pas venir
d’en haut, où la droite distribue ses mensonges d’un côté et de l’autre,
et en plus se met des millions et des millions de pesos dans les poches.
Nous pensons que cela peut changer seulement en venant d’en bas et à
gauche.
Nous vous invitons donc, tous ceux et celles qui se considèrent des gens
simples et humbles, si vous voulez changer les choses, si vous voulez
vivre pour ça, pour que vos enfants et vos petits-enfants puissent vivre
dans un monde sans peur.
Sans peur d’être humilié ou abaissé pour la couleur de sa peau, pour sa
façon de marcher, sa façon de parler, pour sa culture ou pour la place
qu’il occupe dans la société.
Un monde où nous pouvons être respectés pour le travail que nous faisons,
pour la valeur que nous avons en tant qu’êtres humains et non pas pour
notre compte en banque, le modèle de voiture ou les vêtements que l’on
utilise.
Un monde où les travailleurs occupent la place qu’ils méritent car ce sont
eux qui font marcher le monde, qui le font fleurir, ce sont les riches et
les puissants qui le détruisent et qui en disposent au point de le faire
presque disparaître.
Aujourd’hui nous allons être ici à Palenque et nous avons accepté
l’invitation d’une organisation de travailleurs la Centrale unitaire des
travailleurs (CUT).
Ici devant tous, je veux saluer ces frères et ces sœurs qui sont
maintenant nos compagnons et compagnes. Nous voulons vous communiquer ce
fait symbolique. Nous avons invité des compagnons et des compagnes bases
d’appui de l’EZLN de la Zone Nord. Quelques-uns sont venus, juste pour que
le gouvernement et les (inaudible) qui nous attendaient embusqués à la
sortie avec des armes à feu se rendent compte de ce petit échantillon de
la force zapatiste dans le nord du Chiapas.
C’est un message que nous leur faisons passer pour qu’ils en prennent
bonne note, au cas où ils voudraient faire quelque chose, qu’ils auraient
à payer les conséquences de ce qui se passerait.
Maintenant, nous voulons montrer le symbole de l’unité d’un mouvement
indigène digne, comme est l’EZLN, avec un mouvement de travailleurs dignes
aussi, comme l’est la CUT.
Aujourd’hui, nous communiquons ce message : un des chemins que va prendre
l’Autre Campagne est l’unité des indigènes, des ouvriers, des paysans, des
enseignants, des étudiants, des employés, de tous ceux qui travaillent et
produisent dans ce pays, et pas le chemin de ceux qui sont en haut et
s’enrichissent sur notre dos. Nous voulons, à travers cette rencontre
entre l’EZLN et la Centrale unitaire des travailleurs, passer ce message
d’une unité entre indigènes et travailleurs.
Merci de votre accueil, frères de la CUT, merci de nous recevoir peuple de
Palenque, nous espérons avancer encore plus dans ce travail et vous
informer.
Traduit par Susana (corrigé par le CSPCL).
PAROLES DU SOUS-COMMANDANT INSURGÉ MARCOS À LA HORMIGA,
SAN CRISTÓBAL DE LAS CASAS, LE 4 JANVIER 2006
Je voudrais commencer en vous parlant d’un mystère qui est arrivé il y a
bien longtemps, quand l’EZLN n’était pas encore connue.
Nous commencions à voir que nous devions parler avec les compagnons
indigènes qui vivaient à San Cristóbal, particulièrement ceux du quartier
La Hormiga. Nous pensions qu’il était nécessaire de respecter leur
organisation et que nous devions trouver leurs dirigeants.
Nous étions en novembre ou décembre 1993 et je suis venu personnellement
avec deux compagnons, un homme et une femme tzotziles de notre armée et
nous avons commencé à monter des marches très haut, ils nous ont fait
entrer dans une pièce obscure et nous avons commencé à parler avec l’un
d’entre vous. Nous lui avons dit que nous allions prendre les armes et
nous soulever, que nous voulions vous prévenir parce qu’il y aurait
peut-être des problèmes et nous ne voulions pas que vous en souffriez mais
qu’aussi nous vous invitions à soutenir la lutte que nous allions
commencer. Et alors j’ai expliqué à ce frère qui est ici présent plus ou
moins ce que nous voulions et ce que nous allions faire.
Le compagnon a écouté attentivement et respectueusement et à la fin il m’a
dit : "Oui, je te dis que nous allons voir comment est notre cœur et si ta
lutte est bonne, alors nous la soutiendrons." Au moment de partir le lui
ai dit "Je m’appelle Marcos" et lui m’a dit "Je m’appelle Domingo". Tout
ça est arrivé avant que l’on sache ce qu’était l’EZLN.
Dans les premières heures du soulèvement, le 1er janvier 1994, le 2 et le
3, nos forces ont été attaquées par des avions et des hélicoptères de
l’armée fédérale et plusieurs de nos troupes sont restées coincées ici
dans les montagnes, autour de San Cristóbal. Ceux qui se souviennent de
ces moments se rappellent les images des avions lâchant des bombes.
Ce furent les frères de La Hormiga, les chauffeurs, les transporteurs,
qui, sans rien nous demander, ont commencé à déplacer nos troupes vers des
endroits plus sûrs.
Je me souviens qu’à l’un d’entre eux, je ne sais pas s’il est là
aujourd’hui, j’ai donné comme symbole un fusil que nous avions pris à un
de ces salauds de la police de sécurité publique, et je lui ai dit :
"Nous, les zapatistes, n’allons pas oublier ce que vous faites pour nous."
Ces frères, en majorité évangéliques, Chamulas la plupart, tous indigènes,
ici du quartier La Hormiga, nous ont donné ce coup de main, nous ont aidé
et ont sauvé la vie de beaucoup de nos compagnons et, à cette époque,
compagnons, il n’y avait pas de photos, pas de caméras, pas de micros ni
d’interviews, il y avait des bombes et des balles. C’est ici dans cet
endroit de San Cristóbal, avec les indigènes qui ont soulevé cette ville
et dont ils ont été expulsés, que l’EZLN a trouvé sa première alliance et
le premier appui de personnes humbles et simples.
J’ai dit alors à ces frères transporteurs, là-bas sur le périphérique, que
nous, les zapatistes, nous n’oublierons pas ce que vous avez fait pour
nous quand nous n’étions pas encore renommés, quand nous n’étions rien,
quand l’ordre qu’avaient tous les soldats était de tous nous tuer, ça nous
le gardons dans notre cœur et nous le protégeons.
C’est un honneur de revenir, ici, de vous voir, vous écouter et vous
répéter ce que nous avons dit cette fois-là à ces frères, merci compagnons
de La Hormiga et merci aussi aux compagnons qui viennent d’autres
organisations.
On me dit que le nom du compagnon à qui j’ai donné le fusil, et j’ai dit
que nous n’allions pas l’oublier, est Juan Gómez Ruiz, actuellement il est
en prison pour action politique, à cause de la répression politique du
gouvernement. Nous espérons donc que notre voix arrive jusque là-bas,
qu’il se rappelle le matin où je lui ai exprimé ma reconnaissance.
Compañeros et compañeras, je voudrais dire autre chose.
Avant de venir ici nous avons reçu une autre menace de quelques fichus
priistes qui disent que, si on vient ici à La Hormiga, il va y avoir des
problèmes, il va y avoir des confrontations, il va y avoir de la bagarre,
et nous nous sommes venus dire à ces frères : comment peuvent-ils nous
accuser de vouloir chercher la confrontation ou qu’il y ait des problèmes
entre indigènes ?
Si c’est le PRI qui vous a expulsé de vos communautés. En usant le
prétexte du catholicisme, ils vous ont expulsés comme évangéliques ou tout
simplement parce que les caciques voulaient vos terres, vos biens. C’est
le PRI qui vous fait souffrir, et ceux qui défendent ce parti pensent que
nous cherchons à provoquer des heurts entre frères d’en bas.
Non, pas nous, c’est le PRI qui fait ça et nous voulons dire à ces
personnes que le PRI est le seul parti qui peut dire qu’il a grandi sur le
sang, l’humiliation et la mort des indigènes du Mexique, et nous voulons
leur dire qu’ils quittent ce parti, qu’il créent leurs propres
organisations et qu’ils luttent comme luttent les frères à La Hormiga, en
organisations indépendantes, hors des partis politiques.
Le PRI est composé de purs salauds, assassins et menteurs, depuis Roberto
Madrazo jusqu’à celui qui est en bas organisant les gens. Ce que nous
devons faire aussi est dire à tous les compagnons qui sont des personnes
simples et humbles qu’ils quittent ce parti politique, parce qu’ils se
tachent les mains de sang et ne font qu’enrichir les autres.
Les gouvernements du PRI vont et viennent et les indigènes continuent à
être rabaissés, parce que ce n’est pas avec le PRI ou n’importe quel autre
parti que le dialogue avec les indigènes a changé, il a changé quand les
indigènes se sont organisés eux-mêmes, sans les partis politiques, et ont
exigé leurs droits comme nous avons fait en 94 et comme vous le faites
depuis de nombreuses années.
Ici à La Hormiga, où le PRI veut entrer pour diviser, je vous dis qu’il
faut envoyer paître ce parti politique, dites-leur à tous qu’ils en
sortent. Merci beaucoup, compañeros.
Traduit par Susana (corrigé par le CSPCL).
PAROLES DU SOUS-COMMANDANT INSURGÉ MARCOS À L’ANNONCE DU DÉCÈS DE LA
COMMANDANTE RAMONA
Le 6 janvier 2006, Tonalá, Chiapas, Cinéma Palacio. 16 h 15.
(Version sténographiée)
Bien, compañeros et compañeras. Je vais vous demander de m’écouter
attentivement, et je vais vous demander respectueusement de ne pas
m’interrompre jusqu’à ce que j’aie terminé.
Ce que nous faisons avec l’Autre Campagne est pour que la voix de tous
soit écoutée, pour cela il est important que nous soyons tous patients et
que nous écoutions la voix de tout le monde. Dans mon travail comme
porte-parole de l’Armée zapatiste de libération nationale, il y a des
moments très difficiles comme ce que je vais vous dire maintenant.
On vient de m’informer... C’est pour cela que nous avons interrompu la
réunion, que la compañera commandante Ramona est décédée au cours de la
matinée. Comme tout le monde sait (inaudible)... grâce à l’aide de
personnes comme vous, elle a pu surmonter la maladie et avoir une greffe
du rein. Ce matin, elle a commencé à vomir, à saigner, à avoir de la
diarrhée et elle est décédée alors qu’elle était en route pour San
Cristóbal.
Bien qu’il me soit difficile de parler dans cette circonstance, je peux
dire que le monde a perdu une femme exemplaire. Que le monde, que le
Mexique a perdu une de ces combattantes comme il en faudrait plus, et que
c’est un peu de notre cœur à tous qui s’en va. Dans quelques minutes, le
Caracol d’Oventic sera fermé et nous allons (inaudible) la mort de cette
compagne en privé. Nous espérons que les médias respectent cela et ne
transforment pas sa mort en un (inaudible). Au vu de cet événement, nous
allons annuler notre participation aux manifestations d’aujourd’hui et de
demain, et pour l’instant nous allons rentrer là-bas et attendre les
ordres des compagnons du Commandement et du Comité révolutionnaire
indigène. (Inaudible) nous serons là-bas.
Merci d’être venus. Merci pour vos paroles. Nous continuerons. Nous
verrons comment. La commandante Ramona était présente à la clôture de la
plénière. Pardon, quand la plénière a commencé à La Garrucha. Nous avons
plaisanté avec elle. Il y a encore quelques jours, des compagnons l’ont
vue le 1er janvier. Elle m’a salué et a plaisanté (inaudible). Je me
souviens maintenant que, le jour de la plénière, elle nous a donné une
broderie qu’elle avait faite alors qu’elle était convalescente suite à
l’opération subie il y a presque dix ans. Elle me l’a donnée et elle m’a
dit qu’elle espérait que l’Autre Campagne soit comme cette broderie. Nous
devons nous retirer. Excusez-nous.
Traduit par Susana (corrigé par le CSPCL).
http://enlacezapatista.ezln.org.mx/la-otra-campana/116/