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PRESIDENTIELLES - PCF - RAPPORT AU CONSEIL NATIONAL - 28 septembre

Publie le jeudi 5 octobre 2006 par Open-Publishing
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Patrice Cohen-Séat
28 septembre 2006

Rapport au Conseil national

Cher-e-s camarades,

Nous venons de vivre une très belle Fête de l’Huma. Elle a été comme toujours un grand rendez-vous de luttes et de débats. Elle a permis pour la première fois de donner une dimension véritablement populaire aux enjeux de la campagne électorale cruciale qui s’annonce, de débattre en grand des exigences d’un changement de donne à gauche, et de la démarche de rassemblement qui peut le rendre possible. Les moments politiques de la Fête - le meeting, très apprécié, mais aussi les débats au stand du Conseil national et à l’Agora de l’Humanité, ou encore la rencontre de Marie-George avec Gisèle Halimi - ont été très intenses et très fréquentés.

Ce succès, ressenti comme tel par les communistes, est un atout important pour la période qui s’ouvre.

Les 8 et 9 septembre, nous avons fait le point de la situation politique. Je vais donc centrer mon propos sur l’objet principal de notre session : le bilan à tirer de nos efforts de rassemblement, et les décisions que nous devons proposer à la conférence nationale des 21 et 22 octobre, en vue des élections de l’an prochain.

La question essentielle est : comment permettre à notre peuple de se saisir de ces élections pour créer les conditions du changement qu’il attend ?
A notre 33ème congrès, nous avons considéré que c’était possible. Nous n’avons pas tiré cette idée d’un chapeau. Il nous a semblé qu’il y avait une course de vitesse entre les effets dangereusement déstructurants des politiques libérales à l’œuvre, et un rejet croissant de ces politiques. Et que cela faisait grandir à la fois les risques et les possibles. C’est sur cette base que nous avions dit en 2004 qu’une victoire du « non » était un objectif réaliste. Et le 29 mai nous a conduits à considérer que les élections de 2007 pouvaient permettre une victoire plus grande encore : une victoire de la gauche ouvrant la voie à la mise en œuvre d’une politique rompant enfin avec le libéralisme.

Nous nous sommes donc donné des objectifs très ambitieux.
Nous avons considéré qu’il fallait viser la constitution d’une majorité et d’un gouvernement de gauche déterminés à mettre en œuvre une telle politique ; que ces élections pouvaient permettre d’y parvenir en bousculant l’hégémonie politique à gauche du social-libéralisme ; et que toute la gauche pourrait dans ces conditions se rassembler autour d’un projet réellement transformateur.

Nous avons estimé qu’il fallait pour cela que notre peuple puisse se prononcer massivement en faveur d’un tel projet, le rendant ainsi incontournable à gauche ; et décidé par conséquent de travailler à ce que ce projet soit porté par un rassemblement durable de forces militantes politiques, sociales et citoyennes, capable de faire naître une véritable dynamique politique.

Je traiterai donc deux questions : où en est-on de ces objectifs ? Et comment aborder la phase proprement électorale ?

A Où en sommes nous de nos efforts de rassemblement politique ?

1 La réalité d’une dynamique militante

Sur la base des décisions du congrès, nous avons multiplié les forums et collectifs citoyens, créés à notre initiative ou prolongeant les « comités du 29 mai ». Nous y avons mis en débat « l’offre politique » adoptée par notre congrès, et par conséquent les objectifs, les contenus, les formes et la démarche d’un rassemblement capable de recréer et d’amplifier la dynamique politique à laquelle nous avions contribué pour la campagne référendaire.

Nous y avons inlassablement combattu la théorie « des deux gauches », défendue aussi bien par la LCR que le PS. Comme en 2005, nous nous sommes opposés aux exclusives, d’un côté comme de l’autre, et nous avons tout fait pour que le débat de fond concerne toute la gauche. C’est ainsi que le 8 février, toutes les forces de gauche se sont rencontrées et ont décidé de tenir ensemble des débats publics avec les citoyennes et les citoyens. Marie-George a proposé qu’une nouvelle rencontre ait lieu.

Nous avons lancé avec d’autres « l’appel pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes » qui a donné un cadre collectif large et ouvert en permanence à cette démarche. Et nous avons travaillé à ce qu’un nombre croissant de communistes s’y investissent.

Ces efforts ont porté des fruits. Près de 500 collectifs locaux - il s’agit de ceux qui sont connus et validés collectivement dans 70 départements - rassemblent aujourd’hui 15 à 20 000 hommes et femmes de toutes les sensibilités de gauche, sans exceptions, certains représentants des courants minoritaires au sein de leur organisation - Verts, socialistes, ou LCR - ainsi que des militantes et militants de toutes les formes d’engagement : associatifs, syndicalistes, altermondialistes, féministes, etc.

Avant même qu’un accord politique ne soit conclu, et malgré le black-out médiatique, ces collectifs ont réussi le pari de redonner vie à la dynamique militante de la campagne référendaire. C’est dire qu’ils répondent à une attente réelle et importante. Des liens inédits de débat, de travail et de militantisme s’y développent. La réunion nationale du 10 septembre en a témoigné.

Leur bilan est déjà très important. Le texte adopté concernant « l’ambition et la stratégie » est le résultat d’un débat profond. Sur les deux ou trois questions politiques majeures, les positions prises correspondent parfaitement aux nôtres. Il affirme notamment que nous ne participerons en aucun cas à une majorité parlementaire ou un gouvernement dominé par le social-libéralisme. Mais il repousse catégoriquement l’idée - soutenue par LCR - qu’il serait impossible d’envisager une transformation du rapport des forces à gauche, qu’il n’y aurait rien à espérer des élections, et que nous devrions donc nous interdire d’avance tout accord parlementaire ou de gouvernement ave le PS, quelles que soient les circonstances. De même a été repoussée l’idée que les candidat-e-s du rassemblement devraient mettre des conditions à leur désistement au second tour pour la candidature arrivée en tête de la gauche. L’engagement à battre la droite et l’extrême droite en toutes circonstances est parfaitement clair.

Sur les candidatures, il pose l’exigence qu’elles soient représentatives de la diversité même de notre rassemblement. Il y a débat, comme vous le savez, sur la candidature à la présidentielle : j’y reviendrai.

Enfin, le texte fixe un calendrier et une méthode de travail.
Sur le programme, la démarche collective est pleinement en phase avec la nôtre : non pas se contenter de mesures d’urgence, ou de propositions symboliques , ce qui nous ferait demeurer sur le terrain de la protestation ; mais disputer au social-libéralisme la définition d’un véritable programme de gouvernement. Nous ne voulons pas « peser à gauche », mais bien mettre en débat les grandes orientations d’un gouvernement de gauche.

Ce travail avance maintenant rapidement, et notre Parti y est pleinement impliqué. Les responsables des différents pôles et secteurs de travail du Conseil national y contribuent avec les propositions de notre projet. Des débats existent, par exemple sur la question de l’immigration, ou du nucléaire. Mais le socle commun est déjà très important. Dans les jours qui viennent, un document très avancé sera adressé aux collectifs locaux. Le 14 octobre, une réunion nationale devrait permettre d’acter l’existence d’un très large accord.

Tout cela constitue un ensemble d’acquis très importants et très précieux.

2 Les difficultés auxquelles se heurte le rassemblement

a Les hésitations de certains acteurs du « non »

Pour autant, cette démarche de rassemblement se heurte à des difficultés.
Nous avions affirmé la possible victoire du « non » en mettant en lumière le rejet croissant des politiques libérales. Il résulte d’un mouvement profond et durable de notre peuple, confronté aux conséquences des politiques libérales, et de plus en plus engagé dans une réflexion politique sur le libéralisme lui-même. Ce mouvement bouscule toute la gauche. Il a conduit à la division des partis qui s’étaient exprimé majoritairement pour le « oui ». Et c’est lui qui pousse à la convergence de forces militantes antilibérales.

Ce double mouvement - division au sein des forces majoritairement affectées par le social-libéralisme, et convergence des forces antilibérales - a donné beaucoup de poids au « non ». En créant les conditions du rassemblement du plus grand nombre possible de ces acteurs dans une campagne commune, nous avons fortement contribué à l’amplifier. Ensemble, ils ont dessiné, en filigrane du débat européen, les contenus et la possibilité concrète d’une alternative antilibérale à gauche, et d’un véritable changement.

Cela a créé une véritable dynamique qui a permis la victoire. A son tour, celle-ci a révélé l’ampleur des attentes de notre peuple. Plus encore, en montrant qu’il était possible de gagner malgré l’énorme armada du « oui », elle a fait grandir l’espoir et permis un bond en avant de la politisation du rejet du libéralisme. En ce sens, le 29 mai a bien été un tournant dans la vie politique de notre pays.

C’est sur cette base objective que nous avons affirmé, après le 29 mai, que cette politisation populaire du rejet du libéralisme pouvait permettre de changer la donne dès 2007. Nous avons donc décidé de poursuivre de plus belle notre effort pour le plus large rassemblement antilibéral de gauche, sans exclusive.

En l’état, les collectifs unitaires rassemblent effectivement des militant-e-s de toutes les sensibilités présentes dans la campagne du « non ». Ils s’élargissent jour après jour. C’est un élément essentiel du tournant que connaît notre vie politique. Chacun, à commencer par nous-mêmes, a dû faire ces derniers mois et ces dernières années un chemin considérable pour en arriver là où nous sommes aujourd’hui. Mais l’objectif en vaut la peine : rendre l’antilibéralisme politiquement majoritaire à gauche.

Ce n’est évidemment pas encore la cas. Et cela se traduit par des hésitations ou des choix qui marquent les limites actuelles de la dynamique politique que nous voulons contribuer à créer, et qui la freinent.

A la LCR, le débat est de plus en plus vif. Mais elle maintient encore une posture protestataire qui la rapproche à nouveau des positions de Lutte Ouvrière. Elle a désigné unilatéralement O. Besancenot comme candidat et ne participe aux collectifs unitaires que pour défendre sa stratégie de division de la gauche. Dans les faits, elle considère qu’aucune perspective de changement réel n’est possible en 2007. Et elle préfère tenter de tirer les bénéfices électoraux d’une absence d’alternative crédible à gauche - gonflant le vote protestataire qui correspond à son espace politique traditionnel - que d’y contribuer.

Le MRC est absent du processus unitaire et se trouve engagé dans des discussions électorales exclusives avec le PS.
Du côté des socialistes et des Verts, l’engagement militant dans les collectifs, très positif, ne débouche pas en l’état sur celui des principaux responsables qui avaient participé avec nous à la campagne commune pour le « non ». Même ceux qui s’étaient le plus avancés hésitent à franchir un pas qui les conduirait à se mettre en rupture avec les choix de leurs partis et privilégient l’action interne à leur organisation.

A cela s’ajoute les conséquences toujours importantes du fossé qui s’est creusé entre la sphère « sociale » et la sphère « politique ». Plus encore que pour le référendum européen, elles risquent de freiner l’engagement politique de femmes et d’hommes pourtant directement confrontées, dans leurs luttes quotidiennes, aux ravages des politiques libérales.

Il faut donc constater lucidement ce fait : le processus unitaire rassemble sur le terrain des forces militantes de toutes les sensibilités de gauche. Mais au niveau national, évidemment très important pour la visibilité et la crédibilité de ce processus, les forces et les responsables représentatifs des différents courants qui s’étaient engagés pour le « non » ne sont pas tous au rendez-vous, en tout cas aujourd’hui.

b Un doute profond sur la possibilité d’une autre politique

Tout cela rend beaucoup plus difficile, pour les millions de femmes et d’hommes qui se reconnaissent dans ces sensibilités politiques - notamment socialiste, écologiste, d’extrême gauche - de faire leur cette démarche de rassemblement. Faute que se reconstitue « l’arc politique » qui avait préfiguré le 29 mai la possibilité d’une majorité alternative à gauche, l’espoir d’un changement réel peine à se développer.

A l’échelle populaire, ce déficit est patent. L’état du « mouvement social » le révèle. Ce n’est pas un hasard si la plus importante lutte sociale que nous ayons connue ces dernières années a démarré dans la jeunesse, dont les espoirs et les révoltes sont évidemment moins marquées par les difficultés et les échecs passés. De façon générale, la mobilisation est encore difficile, même sur un enjeu aussi crucial pour l’avenir que la maîtrise publique de l’énergie. Cela traduit la persistance d’un doute profond sur la possibilité de soulever la chape de plomb des politiques libérales et de croire en la possibilité d’une autre politique.

Les conséquences en sont très lourdes. Faute d’une perspective politique crédible apportant une réponse aux souffrances de notre peuple, le terrain est libre pour toutes les opérations populistes régressives dont Sarkozy fait sa spécialité. Force est de constater qu’elles rencontrent un écho dangereux parmi les couches sociales les plus en difficulté.

Toute la société est menacée par des dérives idéologiques et politiques inquiétantes. Les positions de Ségolène Royal sur l’encadrement militaire des mineurs délinquants, sur la remise en cause de la carte scolaire, sur la « flexsécurité » en sont des exemples. Le débat présidentiel est commencé. Mais le moins qu’on puisse dire est qu’il s’engage dans un grand désarroi, et que la recherche de repères et de solutions ne va pas automatiquement dans le bon sens. C’est une très grande difficulté, qui fait du débat de fond sur les propositions et sur le projet de société un élément clef de la campagne à venir.

Les sondages font écho à ce doute profond sur la possibilité d’une autre politique. Ils enregistrent notamment une forte tendance au « vote utile » pour le Parti socialiste, dans l’espoir de battre à tout prix une droite dangereuse. Et cela, alors même que domine dans l’opinion le sentiment que le PS ne ferait pas mieux que la droite sur les grandes questions comme l’emploi, le pouvoir d’achat, la protection sociale, l’Europe, etc. L’abstention et le vote protestataire sont importants. Et le Front national demeure à un niveau élevé très, très préoccupant.

2 Comment pouvons-nous contribuer à faire évoluer la situation ?

a Une situation politique profondément instable

Pour répondre à cette question, je crois qu’il faut revenir au mouvement d’ensemble.

Après la grande vague libérale qui a submergé l’Europe et le monde à partir des années 70, se développe en France et ailleurs, depuis une quinzaine d’années, une réaction qui cherche les moyens d’un changement réel. Partout où il le peut, le capital tente d’instrumentaliser cette aspiration. Mais elle peut à l’inverse faire grandir la contestation du libéralisme. Dans notre pays, c’est le sens du grand mouvement qui, de 1995 jusqu’à l’extraordinaire victoire contre le CPE, s’enracine et prend de la force.

Longtemps, le positionnement social-libéral de la force politique hégémonique à gauche a freiné la politisation de ce mouvement. C’est ce qu’on appelait en 95 l’absence de « débouché politique » du mouvement social. Mais le séisme du 21 avril 2002 a mis au grand jour l’impasse dans laquelle se trouvait la gauche.

Le 29 mai 2005 a montré ensuite que le libéralisme devenait une question directement politique. Il a aussi révélé l’ampleur de la crise de la gauche : une forte majorité de son électorat a voté « non » quand une forte majorité des forces supposées le représenter l’appelaient à cor et à cri à voter « oui ». Cela crée une situation fondamentalement instable.

Le PS est devant une contradiction qu’aucune « synthèse » interne ne permettra de résoudre : celle qui oppose ses choix sociaux-libéraux à la montée à gauche de cette politisation antilibérale. Et malgré les apparences du moment, cette contradiction ne fait et ne fera que croître, faisant grandir la possibilité et l’exigence d’un rassemblement antilibéral à gauche.

C’est la force de cette contradiction, et le mouvement réel qu’elle engendre, qui fondent notre démarche. Plus l’antilibéralisme politique grandit dans notre peuple, plus grandit l’exigence de convergence des hommes, des femmes et des forces qui le portent, de l’extrême gauche aux socialistes. Et plus ces hommes, ces femmes et ces forces se rassemblent, plus grandit ainsi la crédibilité d’un projet politique antilibéral, et plus la politisation antilibérale se développe dans la société. C’est de cette dialectique que dépend le changement auquel nous travaillons.

C’est la raison fondamentale pour laquelle notre objectif n’est pas de rassembler « la gauche de la gauche ». Mais pas non plus, comme entre 97 et 2002, de tenter de « peser à gauche » en restant dans un tête à tête avec le PS, et en nous mettant ainsi, même à notre corps défendant, à sa remorque. Notre ambition est bien de rassembler toute la gauche, en tout cas une très large majorité de la gauche sur un projet politique antilibéral.

En l’état, il y a une convergence réellement inédite entre des femmes et des hommes aux parcours idéologiques et politiques très différents. Nous pouvons d’autant plus nous en féliciter que cela n’aurait certainement pas été possible sans qu’un parti comme le nôtre ne s’engage pleinement pour cela. Mais le fait est que le mouvement de politisation populaire, qui est en dernière analyse le facteur décisif, n’est pas encore assez avancé pour que les forces politiques les plus structurées - ou des parties significatives d’entre elles - fassent comme nous le choix de participer pleinement à cet effort historique de rassemblement. Ce choix stratégique nous a valu bien des débats, qui ne sont d’ailleurs pas complètement derrière nous. On peut comprendre que la difficulté soit grande aussi pour d’autres.

Mais nous ne nous résignons, et nous ne nous résignerons pas. Nous ne relâcherons pas nos efforts, sur tous les terrains, pour lever les obstacles qui demeurent à un rassemblement de tous les acteurs de la victoire du non, et bien au-delà. Les portes de notre rassemblement doivent donc rester ouvertes en permanence, et jusqu’au bout.

b La situation est tout sauf figée

La situation serait-elle pour le moment figée d’ici les échéances de 2007 ? Penser cela serait faire une énorme erreur.
D’abord, la situation est politiquement d’autant plus instable qu’elle est socialement tendue à craquer.

Les violences des banlieues ne sont pas loin. La colère, la désespérance des jeunes sont là plus que jamais. La pauvreté, le mal-vivre, le cancer du chômage et de la précarité n’ont jamais infligé tant de violences à tant d’hommes, de femmes, de familles, de cités. Le sort fait aux immigrés vivant dans notre pays, français ou étrangers, est de plus en plus insupportable.
Derrière des chiffres fallacieux, la baisse du pouvoir d’achat plonge des millions de personnes dans des situations sans issues. 7 millions ( !) de travailleurs vivent en France sous le seuil de pauvreté. La société bouillonne de problèmes non résolus, de révoltes, d’aspirations refoulées. Et derrière ces urgences se pose, pour l’immense majorité des femmes et des hommes, la question de plus en plus angoissante de la société et du monde que nous allons laisser à nos enfants.

Dans une telle situation, tout peut arriver. Le pire, qui serait une explosion brutale, produisant des réflexes de peur profitant comme toujours aux forces les plus réactionnaires : c’est le but des provocations de Sarkozy. Mais aussi, de manière imprévisible, un mouvement social qui bousculerait tous les scénarios. C’est une des raisons pour lesquelles nous ne devrons à aucun moment laisser une seule lutte sans y apporter notre soutien actif, contribuer à leur développement en proposant des solutions, et en les mettant en perspective de notre projet de société.

Et puis, en tous cas, la campagne électorale aura des effets politiques importants. Elle est très attendue. Les françaises et les français veulent que se poursuive le débat de fond qui s’est engagé pendant la campagne européenne. Il est capital qu’il ne leur soit pas volé. Tout nos efforts doivent y tendre. Et si nous y parvenons, personne, absolument personne ne peut dire aujourd’hui ce que seront les effets de ce moment d’intense politisation.

Considérer que les sondages indiquent déjà le sens du résultat final serait donc une erreur magistrale. Et ce sera vrai tant que les enjeux ne seront pas apparus clairement. Rappelons-nous les élections de 2004. Olivier Besancenot et Arlette Laguiller avaient unis leurs forces pour tenter d’additionner leurs scores de 2002. Mais leur calcul s’est révélé faux. Car notre peuple ne s’était pas donné comme objectif de sanctionner à nouveau la gauche, mais de chasser la droite. Résultat : le vote protestataire à gauche avait fait un petit 2,5 %. Cela pourrait se reproduire.

Le « vote utile » menace d’être très dangereux. Mais là non aussi, tout dépendra de la campagne. Notre rassemblement sera le seul à proposer que la gauche gagne, mais avec l’exigence d’une rupture avec les politiques libérales ; le seul à proposer pour cela qu’elle se rassemble, mais pas pour recommencer les erreurs qui ont conduit la « gauche plurielle » et notre pays à la catastrophe. Qui peut dire que notre peuple n’entendra pas ce message et ne saisira pas cette possibilité d’intervenir pour bousculer la donne politique ? Qui peut dire que le retournement de situation ne sera pas aussi spectaculaire que pour le référendum européen dont le résultat annoncé, 8 mois avant le scrutin, était « oui » à 70% ?

Il ne s’agit pas de se raconter d’histoires. Les difficultés sont grandes, à la mesure de l’enjeu : mettre en œuvre en France une politique antilibérale, c’est-à-dire engager, dans des conditions radicalement différente de celles du siècle dernier, une véritable rupture avec le capitalisme dans un des pays les plus puissants du monde. Mais je maintiens que le pire, encore une fois, serait de passer à côté d’une chance historique en sous-estimant le possible.

Quoi qu’il arrive, je ne crois pas qu’il y ait d’alternative à l’effort dans lequel nous sommes engagés. Personne ne peut prévoir si et dans quelle mesure notre peuple se saisira dès 2007 de l’enjeu historique d’une alternative antilibérale à gauche. Mais notre responsabilité est à coup sûr de créer les meilleures conditions pour qu’il en ait la possibilité. Elaborer un programme politique convaincant, rassembler pour le porter le plus grand nombre possible de femmes, d’hommes et de forces dans lequel il puisse se reconnaître et avoir confiance : il n’y a aucun « truc » qui puisse nous faire faire l’économie de ce travail de fond.

B Quelles décisions devons-nous prendre, et comment ?

1 Souveraineté des communistes et choix communs dans le rassemblement

La conférence nationale doit faire le bilan du processus de rassemblement et décider des conditions dans lesquelles nous allons mener les campagnes électorales de l’an prochain.

La stratégie elle-même a été fixée au congrès. La conférence nationale devra dire comment la mettre en œuvre pour ces élections. Elle devra dans ce cadre se prononcer sur les grandes orientation de la campagne et fixer les principes politiques concernant le choix des candidatures. Et, conformément aux statuts, elle devra élaborer une proposition de candidature pour la présidentielle, proposition qui sera soumise au vote des communistes.

Il s’agit là des décisions du Parti. Elles s’inscrivent dans le processus de rassemblement, mais elles relèvent de la souveraineté des communistes et sont gouvernées par nos statuts et nos choix de congrès.
Nous participons par ailleurs aux choix qui permettent la construction du rassemblement. Il est prévu qu’une réunion nationale des collectifs, comme celle du 10 septembre, se réunisse dans la deuxième quinzaine de novembre pour finaliser un accord politique.

Le texte adopté le 10 septembre prévoit que les décision, particulièrement pour les candidatures, se prennent par consensus. Je le cite : « Il faut débattre pour se convaincre et chercher à bâtir un double consensus : au sein des collectifs et entre les organisations pour choisir celle ou celui qui incarnera sur le bulletin de vote notre rassemblement. »

Cette méthode est de bon sens. Il ne s’agit pas en effet de se compter mais de se rassembler sur un choix construit en commun. Les communistes sont une organisation nombreuse. Mais leur objectif n’est pas de s’imposer par leur nombre. Ils veulent convaincre. Il s’agit de débattre, de confronter les arguments, et finalement de voir qui est d’accord sur quoi. Personne ne peut se voir imposer un choix. Mais tout le monde a le plus grand intérêt à rechercher l’accord rassemblant le plus largement possible.

Pour construire cet accord, il faut donc que chacun dise ce qu’il propose, ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Pour ce qui nous concerne, c’est l’objet de notre conférence nationale. Les choix à faire sont très importants. Toutes et tous les communistes doivent en être saisis, disposer de toutes les données, et pouvoir décider souverainement : dans le cadre de la conférence nationale pour les décisions qui en relèvent, par un vote au suffrage universel secret pour la candidature à la présidentielle.

Les communistes donneront ainsi à leur direction un mandat qui engagera notre Parti en tant que tel. Et c’est sur cette base que nous nous positionnerons, comme Parti, et que nous rechercherons l’accord le plus large possible.

2 Quelle campagne ?

L’objectif de la campagne est évidemment de faire avancer les deux idées dont découlent « l’utilité » du vote que nous proposons. Primo : une autre politique est possible. Et secundo : un large rassemblement dans les urnes pour cette politique peut faire bouger toute la gauche et permettre sa mise en œuvre.

Faire avancer ces deux idées implique une certaine conception de la campagne.

a Une campagne foncièrement anti-droite

Ce doit être une campagne foncièrement anti-droite. L’adversaire, c’est la droite et l’extrême droite. Nous ne nous trompons pas de camp. Notre campagne doit en être marquée et accorder beaucoup de place à dénoncer les dangers de la reconduction au pouvoir d’une droite qui est décidée, si elle l’emportait, à faire passer contre toute résistance son projet de remodelage complet de la société française.

Elle est prête à tout pour ça. Les provocations de Sarkozy ne sont pas des bavures politiques. C’est le résultat d’un plan soigneusement étudié. Sa politique inhumaine contre les migrants, sa « chasse aux enfants », sa gestion révoltante de la situation à Cachan, son attaque indigne contre la justice révoltent des millions de femmes et d’hommes. Mais c’est volontaire. Comme tous les populistes, il ne cherche qu’à s’attirer les faveurs d’autres millions de femmes et d’hommes, désorientés par l’importance des problèmes et l’absence apparente de solutions. Sa popularité montre malheureusement que ça marche trop bien.

Idem en ce qui concerne l’alignement sur Bush. Nicolas Sarkozy a décidé d’enfourcher sans états d’âme la théorie de l’affrontement des civilisations, de la communautarisation de la société, de l’identification des étrangers, particulièrement ceux du monde arabo-musulman, aux sujets infiltrés de l’empire du mal.

Revendiquée ou non, la droite veut une « rupture ». Elle profite de la campagne pour lui donner un contenu qui, en cas de victoire, vaudrait mandat populaire. L’attaque contre les régimes spéciaux n’a rien d’un hasard. Il annonce d’autres mesures, plus dures encore, pour tout le système de retraites. Le passage en force sur la privatisation de GDF fait partie de la même tactique.

Privatisation à outrance, démantèlement des services publics, précarisation généralisée sont des axes clefs de son projet de société. Et au cœur de tout, la sacro-sainte concurrence dite « libre et non faussée » dont l’objectif central est de permettre de tirer vers le bas le « coût du travail », c’est à dire d’augmenter partout le taux de profit.

Il est décisif que cette campagne permette à notre peuple de mesurer la dureté des conséquences de la politique et plus encore des projets de la droite.

b Une campagne pour un nouveau projet politique à gauche
C’est de leur gravité que résulte l’ambition nécessaire d’un nouveau projet politique à gauche.

Et pour cela, impossible de faire l’impasse sur les échecs passés. L’idée qu’il n’y a pas d’alternative possible se nourrit du constat que la gauche n’a pas fait mieux que la droite, et de la conviction que ce serait encore le cas demain. Si nous n’arrivons pas à convaincre qu’une autre politique est possible, que les échecs d’hier ont des causes, et qu’on peut faire autrement, la simple affirmation d’objectifs ambitieux, si attractifs soient-ils, risquent de passer pour de l’irréalisme pur et simple.

Mais le cœur de la campagne doit donc porter sur le projet lui-même, articulant de façon cohérente notre conception de la société, des objectifs pour y tendre et les moyens de les réaliser.

Prenons la question de la carte scolaire. Ceux qui le peuvent la détournent. Il ne s’agit pas de les culpabiliser. Mais de poser la question en termes de projet de société. Deux conception s’affrontent, qui n’opposent malheureusement pas la droite à la gauche. L’une consiste à entériner les inégalités, et à mettre en place un système de mise en concurrence des établissements scolaires qui les amplifiera - plus ou moins, c’est la différence entre les propositions de Nicolas Sarkozy et celles de Ségolène Royal. Cela revient de fait à concentrer les difficultés dans les établissements qui seront de fait réservés aux plus défavorisés, et les moyens là où peuvent aller les jeunes qui ont au départ le plus de chances de s’en sortir.

L’autre consiste à défendre la carte scolaire, en l’inscrivant dans le projet d’une société solidaire. Cela veut dire créer les conditions pour qu’il n’y ait pas d’un côté les établissements de la réussite, et de l’autre ceux de l’échec. Et pour cela, donner à tous les jeunes, dans tous les établissements, les moyens humains et matériels qui permettent à tous de réussir. Cela veut dire qu’il faut concentrer là où c’est nécessaire des moyens considérables en matière d’enseignants, d’éducateurs, de médecins et psychologues scolaires, d’accompagnement des jeunes dans tous les aspects de leur vie scolaire.

Cela implique d’affirmer un haut niveau de droits pour chaque jeune, de poser la question du budget, donc de la réforme fiscale, et de les lier notamment à l’exigence de faire sauter les contraintes du pacte de stabilité.

Si nous ne disons pas le tout, nous n’arriverons à convaincre de rien.
Nous reviendrons certainement dans la discussion sur d’autres exemples d’actualité : Cachan, GDF, la sécurité, la politique étrangère de la France, etc.

C’est la même chose dans chaque cas. Conception de la société, proposition, moyens démocratiques, financiers et « internationaux » de la réaliser : ce doit être en tous domaines et sur chaque question la logique de notre argumentation.

c Une campagne s’adressant à tout notre peuple, dans laquelle puissent se reconnaître les milieux populaires et le monde du travail.

La droite et le patronat ont un véritable projet de société. La campagne doit être « projet contre projet ». Nous devons nous adresser à tout notre peuple et poser en grand la question de savoir dans quel monde, dans quelle société nous voulons vivre.

Et il est décisif que les milieux populaires et le monde du travail, dans leurs diversités, puissent se reconnaître dans le projet que nous défendrons, des propositions concrètes jusqu’aux candidatures qui les porteront.
Notre peuple a montré dans la campagne référendaire qu’il pouvait se saisir des questions les plus complexes dès lors qu’elles étaient bien en rapport avec ses préoccupations réelles : l’emploi, la précarité, le pouvoir d’achat, la protection sociale, la santé, l’école, la situation des jeunes, le logement, le vivre ensemble, etc. C’est parce que nous aurons des propositions fortes et crédibles sur ces questions essentielles que pourront se mobiliser celles et ceux que le découragement pousserait sans ça vers l’abstention, le « vote utile » ou la protestation.

d Une campagne de débats et d’initiatives
Une campagne de débats, mais aussi une campagne d’initiatives et de luttes.

Sinon, elle serait en quelque sorte désincarnée. Notre ambition, c’est de contribuer à ouvrir un nouveau chemin. Cela se prouve d’abord en actes. Et je propose que notre Conseil national prenne le temps nécessaire pour décider et assurer le succès des initiatives qu’appelle la situation.

Je pense notamment à la question du pouvoir d’achat. Nous avons lancé une pétition nationale. Il faut la mener le plus loin possible. Mais ne faut-il pas faire davantage sur une question aussi cruciale pour les familles populaires ? Ne faudrait-il pas décider une grande journée d’action - le 19 novembre serait une date possible - pour poser cette question à des centaines de milliers de personnes en étant présents massivement aux portes des supermarchés et centres commerciaux ?

Sur cette question, intimement liée à celle de l’emploi et de la précarité, ne pourrions-nous pas, en nous donnant le temps pour en assurer la préparation et le succès, nous fixer un objectif très ambitieux - une manifestation, en tout cas une mobilisation très importante - qui pourrait être articulée au meeting que nous avons décidé le 14 décembre en Ile-de-France ?
Il y a notre campagne nationale pour l’emploi et la formation. Elle se construit à partir de débats locaux et d’entreprises. Toutes les régions sont maintenant engagées dans la mise au point d’assises régionales. Elles doivent déboucher sur des cahiers de propositions à partir desquels serait élaborée une loi pour la sécurisation de l’emploi et la formation.
Comme l’avait souhaité Bernard Birsinger et L’ANECR, le « Bus du logement » est parti et devrait faire étape dans de nombreuses villes de France.

Nos parlementaires poursuivent d’arrache pied, malgré toutes les manœuvres, la bataille d’amendements contre la privatisation de GDF. Le Parti doit se saisir encore mieux de la pétition. Il y a une journée d’action intersyndicale le 3 octobre. Et la CGT appelle à une manifestation le 14 : nous devons tout faire pour contribuer à son succès.
Nous sommes comme vous le savez pleinement impliqués dans la lutte des expulsés de Cachan. Christian Favier, comme Président du Conseil général, avec Marie-George et d’autres responsables de gauche, ont lancé lundi un cri d’alarme et mis le gouvernement devant ses responsabilités.
Nous devons poursuivre sans relâche notre lutte pour les droits des migrants, et la régularisation de tous les sans-papiers. Des référendums continuent d’être organisés dans des villes de gauche dirigées par des maires communistes, comme à Bobigny dans quelques semaines. Et nous serons à nouveau présents samedi dans la manifestation qui réclamera, au soutien des sans-papiers, des mal-logés, des 1000 de Cachan et des grévistes de la faim : « des papiers pour tous, un logement pour tous, une école pour tous. »

Pour la rentrée universitaire, dans quelques jours, nous éditons un 4 pages à 100 000 exemplaires, à diffuser dans les facs à l’occasion de journées d’initiatives.

Le 18 novembre, nos élu-e-s organisent une grande manifestation qui portera notamment sur la très grave question du financement des collectivités territoriales.

Et, plus que jamais, nous serons présents dans toutes les mobilisations pour une paix juste et durable au Proche Orient.

e Une campagne de rassemblement populaire et citoyen
Enfin, notre campagne doit porter le sens de notre démarche de rassemblement populaire et citoyen.

Je ne développe pas ici cette question, puisqu’elle traverse tout ce rapport. Dans ses contenus et dans ses formes, notre campagne doit montrer que le ressort essentiel du succès sera l’engagement, dans la campagne et au-delà, de centaines de milliers de femmes et d’hommes qui étaient jusque là les laissés pour compte de la politique.

3 Quelles candidatures ?

Un principe est très largement partagé : il faut qu’elles expriment l’ampleur et les diversités du rassemblement.

Le choix des candidatures aux législatives fait évidemment partie de la construction globale, et de la recherche d’un accord politique d’ensemble. Les communistes ont commencé à y réfléchir. Les mois qui viennent, en octobre et novembre, devraient permettre d’avancer dans la concrétisation de propositions de candidatures communes dans toutes les circonscriptions. Il faudra naturellement veiller, au plan national, à ce qu’elles donnent sens et visibilité à notre démarche, et à ce qu’elles respectent des critères politiques essentiels : parité, renouvellement des générations, diversité des origines, etc.

Pour la présidentielle, il y a débat, dans le Parti comme dans le rassemblement.

Un point fait l’unanimité. Bien que cette élection constitue un piège pour la démocratie, pratiquement personne ne propose d’être absents, et donc inaudibles, à un moment aussi important, de fait, dans la vie politique de notre pays.

Le débat porte donc sur la candidature capable de faire le meilleur résultat. C’est une question importante, qui mérite de la part de tout le monde une réflexion aussi objective que possible. Je voudrais par conséquent prendre le temps d’aller au fond des choses.

Nous avons dit depuis un an, et notamment à notre Congrès, que, selon nous, une candidature issue de notre Parti serait un atout. Nous en avons donc fait la proposition. Et Marie-George s’est déclarée disponible pour être candidate du rassemblement, dans le cadre d’une campagne plurielle dont elle serait une des porte-parole, à égalité avec d’autres.

Cependant, d’autres personnalités, adhérent-es ou non de notre parti, ont fait connaître leur disponibilité. L’argument principalement avancé est qu’une candidature émanant d’un parti serait moins rassembleuse qu’une autre, a fortiori celle de la secrétaire nationale de ce parti. Je pense qu’il n’est pas possible de partager cet argument, et je voudrais dire précisément pourquoi.

• Ce que disent ou pas les sondages

Un mot sur les sondages. Les analystes répètent à l’envie ce que tout le monde a pu constater : ils ne prédisent jamais le résultat d’une élection, surtout aussi loin avant l’échéance. Tout simplement parce que la situation politique bouge, notamment avec la campagne elle-même.

Pour autant, ces sondages donnent des indications sur l’état de l’opinion. Et ils agissent sur elle. En l’état, ils nous disent ce que nous constatons nous-mêmes autour de nous : l’idée que le rassemblement des forces antilibérales pourrait faire bouger la situation à gauche et ouvrir la perspective d’un véritable changement n’a pas encore pris corps dans notre peuple. Les sondages ne peuvent donc pas donner aujourd’hui d’indication sur l’adhésion à la démarche elle-même, et encore moins sur la personnalité la mieux à même de la représenter par une candidature à la présidentielle.
Même quand la question est posée d’une candidature unitaire « à gauche du PS » - ce qui est déjà une façon de biaiser la question - les réponses découlent de ce biais et disent simplement, en fonction de la sensibilité de chacun-e, quelle est la personnalité qui paraît exprimer le mieux, à leurs yeux, le refus de voter au premier tour pour une candidature socialiste. Ce que disent les sondages ne donne en l’état aucune indication sur la candidature qui pourrait porter l’ambition d’une alternative majoritaire à gauche. Or c’est cela, précisément, qui est l’objectif que nous avons décidé de nous donner.

Et c’est le sens même de la candidature de Marie-George : rendre crédible une construction politique, un rassemblement de forces politiques, sociales et citoyennes portant cette ambition. Tant que celle-ci ne sera pas crédible, la candidature ne décollera évidemment pas. En revanche, si notre démarche de rassemblement perce le mur du silence et s’enracine dans notre peuple, cette candidature peut lui donner toute sa signification politique. Elle peut dépasser la dimension de résistance et de revendication et, du coup, faire naître un espoir et donc une dynamique qui ne peut se développer que sur ce terrain.

Sur le fond, plusieurs opinions s’expriment, dans le Parti et dans le rassemblement.

• La proposition de la candidature de Marie-George Buffet comme candidature du rassemblement

Je rappelle la décision des collectifs le 10 septembre : « Par son profil, notre candidature (à l’élection présidentielle) symbolisera l’unité de notre rassemblement, portera le programme décidé en commun et partagera nos perspectives de rassemblement durable (...). Le choix de notre candidature (au sein d’une équipe pluraliste de porte-parole) interviendra à l’automne en lien avec l’accord unitaire sur le programme, la stratégie, le rassemblement durable. »

Il s’agit donc, dans les collectifs et entre les organisations, de rechercher la candidature la plus efficace possible pour porter ces objectifs politique. C’est ce souci d’efficacité qui nous conduit à avancer la candidature de Marie-George. Elle me paraît vraiment être à la hauteur de l’enjeu. Car indépendamment du fait qu’elle a la confiance de l’immense majorité des communistes, ce qui signifie en soi beaucoup, je pense qu’elle peut donner une belle image du rassemblement dont nous voulons être.
Je crois d’abord que c’est une candidature efficace pour symboliser et exprimer le rassemblement dans sa diversité et garantir son caractère durable.

Comme Secrétaire nationale de notre Parti, Marie-George est évidemment porteuse de notre combat constant, depuis 1958, contre le présidentialisme de la 5ème République. Sa candidature aura indéniablement ce sens, rejoignant la proposition d’une 6ème république démocratique et citoyenne. Elle symbolise l’action militante, collective, à l’opposé de la « peoplemania » et des aventures individuelles.

Cette candidature est également un atout pour que les présidentielles et les législatives permettent effectivement d’exprimer la diversité du rassemblement. C’est un fait que la force politique que nous sommes, implantée de façon militante et électorale sur tout le territoire, est une garantie pour que des femmes et des hommes très divers puissent être présentés aux élections législatives, et soient autant de porte parole très visibles de notre démarche collective. Et pour que le plus possible soient élu-e-s.

Et il me semble que cette candidature est également la mieux capable de porter l’espoir et de garantir le caractère durable de notre rassemblement.

Notre Parti a fait de ce choix d’une démarche de rassemblement, de son ambition, de son contenu, une dimension essentielle de sa stratégie. Ce choix s’enracine dans une expérience politique longue et importante. Et il résulte d’un débat intense, à plusieurs dizaines de milliers de voix, qui a été entériné par des décisions de congrès extrêmement claires. C’est tout le contraire d’un choix de circonstance. Et personne, pas même un ou une Secrétaire national-e, ne pourrait le remettre en question de son propre chef. C’est une garantie fondamentale qu’aucune personnalité dite « indépendante », quelles que soient ses qualités personnelles, ne peut apporter.

Cet engagement d’une force politique importante est aussi la garantie que, au-delà de l’élection elle-même, cette démarche se prolongera lors des élections futures, au Parlement, dans toutes les institutions, dans les luttes. La mobilisation dans ce sens de ses forces militantes et de ses élu-e-s, leur enracinement populaire sont des gages de solidité.

La candidature de Marie-George exprimera l’ambition d’un véritable projet de société. Il ne s’agit pas de porter telle ou telle sorte d’exigence - sociale, « sociétale » comme on dit, environnementale ou autre. Notre objectif est de proposer une autre politique pour notre pays, une autre conception de la société. C’est la vocation d’un parti comme le nôtre. C’est ce qu’il a montré en actes, dans les luttes sur tous les terrains, dans les institutions, jusqu’au niveau gouvernemental.

J’ajoute, et ce n’est pas à mon avis subsidiaire, que Marie-George à la stature nécessaire pour mener la bataille électorale nationale la plus importante et la plus difficile, et disputer efficacement le terrain aux acteurs du bipartisme.

Dans l’opinion, elle a la réputation d’une femme engagée, courageuse, d’une militante, d’une élue proche des gens. Les salariés ont l’habitude de la voir à la porte des entreprises. Elle est respectée dans les cités et les quartiers populaires. Tout le monde reconnaît son expérience de terrain. Elle est reconnue pour son engagement féministe, depuis la bataille pour le droit à disposer de son corps jusqu’au combat pour les femmes afghanes. Elle s’est engagée sans hésitations et sans réserves pour la dignité et les droits des migrants, la régularisation de tous les sans-papiers, contre toutes les discriminations.

Au ministère de la jeunesse et des sports, elle a montré non seulement qu’elle avait la stature d’une femme d’Etat, mais aussi - je pense à la lutte contre le dopage - qu’elle ne reculait pas devant les pressions et le lobbying. Tout le monde reconnaît sa force de conviction, sa capacité à entendre, mais aussi à se confronter sans concessions, jusque dans les grands débats médiatiques.

Et puis, elle est une femme de partage et de rassemblement. Elle l’a montré dans sa façon d’exercer sa responsabilité de secrétaire nationale de notre Parti ; dans ses efforts pour que l’affirmation de l’ambition communiste aille de pair avec l’ouverture de notre Parti sur la société, la transformation de nos statuts et de nos pratiques, le choix d’une stratégie de rassemblement très audacieuse. Et elle l’a montré dans la vie politique, dans ses efforts concrets pour rassembler dans les luttes comme sur les estrades, aux élections régionales et européennes, et jusque dans le partage de son temps d’antenne dans la campagne référendaire.
Bref, je crois que la candidature de Marie-George correspond pleinement aux critères politiques que s’est fixé le rassemblement, et qu’elle peut en porter les valeurs et les objectifs avec beaucoup d’efficacité.

Mais tout le monde ne partage pas cette opinion.

• La proposition d’une candidature du Parti communiste, et non du rassemblement.

Quelques camarades considèrent que travailler à un rassemblement antilibéral de gauche et à des candidatures communes serait illusoire et inefficace. Elles et ils peuvent avoir des positions différentes, voire contradictoire sur la stratégie de notre Parti, mais se rejoignent sur le fait que nous aurions trop perdu de temps, qu’il nous faudrait décider immédiatement que Marie-George est la candidate du Parti communiste, et non de quelque vague rassemblement, et nous engager dans la campagne électorale sous nos seules couleurs.

Cette opinion est très minoritaire. Je crois que, dans leur immense majorité, les communistes partagent l’idée, qui a été au centre de notre congrès, qu’il existe dans notre peuple des millions de femmes et d’hommes qui espèrent que la gauche se bouge pour ne pas répéter les erreurs passées ; que ces femmes et ces hommes se reconnaissent dans des courants politiques divers, ou dans aucun ; et que c’est en travaillant à rassembler celles et ceux qui, dans chacun des ces courants politiques, peuvent proposer ensemble un nouveau projet pour la gauche, et en tâchant à partir de là de construire la plus forte possible dynamique militante et populaire qu’elles et ils pourront reprendre espoir et faire bouger les lignes aux prochaines élections.

• La proposition d’une candidature « hors partis »

D’autres camarades, dans ou hors du Parti, pensent à l’inverse qu’une candidature issue de nos rangs serait un obstacle au rassemblement, et qu’il serait donc préférable de choisir une candidature hors partis.
Disons les choses clairement, cet argument ne vise que notre Parti. La LCR a décidé de faire bande à part sur la base d’un choix stratégique différent de celui du rassemblement. Et aucune autre formation ne propose une candidature issue de ses rangs. La question est donc : en quoi une candidature issue du Parti communiste serait-elle un obstacle ?

J’ai écouté très attentivement les arguments des uns et des autres, et je crois qu’ils sont finalement de trois sortes.

Certains pensent, au fond d’eux-mêmes, qu’une candidature issue de notre Parti se heurterait à un anticommunisme latent qui limiterait fatalement le résultat possible. Je crois que c’est une erreur et que le vrai problème n’est pas l’anticommunisme, qui n’existe quasiment pas dans les milieux populaires de gauche auxquels nous nous adressons, mais l’incrédulité, accrue par la déception à l’égard de la « gauche plurielle », sur notre capacité à modifier la situation à gauche. Cela dit, anticommunisme ou pas, ce qui serait complètement irréaliste serait de croire que le fait que la candidature à la présidentielle ne soit pas issue de nos rangs pourrait régler le problème.

Nous travaillons à un rassemblement de toutes les forces antilibérales qui le souhaitent. Et nous n’avons aucune prétention hégémonique d’aucune sorte.

Mais franchement, qui peut imaginer une seconde qu’il ne sera pas
absolument évident pour tout le monde que notre parti apporte à ce rassemblement des éléments décisifs de son existence et de sa crédibilité même : la force de dizaines de milliers de militantes et de militants expérimentés sur tout le territoire national, un réseau de milliers d’élu-e-s, une connaissance des combats électoraux de ce niveau, une organisation efficace, etc. Et je ne parle même pas des 500 signatures indispensables pour se présenter, ou des moyens financiers qu’exigent une telle campagne.

A qui fera-t-on croire que les femmes et les hommes qui composent notre parti ne constituent pas aujourd’hui, de fait, une partie essentielle de l’ossature même de ce rassemblement ?

Et comment croire un instant que ces femmes et ces hommes, qui apportent autant à ce rassemblement, et qui le savent parfaitement, pourraient tout simplement accepter qu’on leur disent qu’ils sont très utiles quand ils et elles se dévouent sans compter, quand ils et elles mettent tous les moyens de leur organisation au service de la réussite collective, quand ils partagent leurs tribunes ou leur temps d’antenne, mais qu’ils et elles constitueraient un obstacle en raison de ce qu’ils sont - communistes - et qu’ils devraient donc s’effacer discrètement pour la candidature à la présidentielle ? Très franchement, c’est complètement impossible. Et c’est surtout politiquement absurde et inefficace.

Le deuxième type d’argument consiste à dire que ce n’est pas tant une candidature issue du Parti communiste qui ferait problème, malgré les apparences, mais d’un parti quel qu’il soit. Cet argument-là me paraît carrément irrecevable. Et je dirai même dangereux. Certes, les échecs et les erreurs passées, et surtout l’incapacité de notre système politique à répondre aux exigences et aux aspirations populaires ont creusé un fossé entre le peuple et les partis. C’est un des obstacles majeurs auxquels nous sommes confrontés, auxquels notre démocratie est confrontée. Mais imagine-t-on qu’on va réhabiliter la politique, l’espoir en la politique, et même convaincre que voter est utile en consentant nous-même à nourrir ce discrédit ?

Ce serait une véritable faute politique. Comme Marie-George l’a écrit aux collectifs unitaires, les partis sont essentiels à la démocratie. Ils constituent une des grandes conquêtes populaires. Le capital, les forces de droite pourraient bien s’en passer. Ils ont au contraire le plus grand intérêt à disqualifier les partis qui sont la seule possibilité pour des femmes et des hommes qui n’ont ni richesses ni pouvoirs d’intervenir et de se faire entendre au niveau politique.

Cette question est à mes yeux essentielle. C’est même un des nœuds du problème. Le discrédit de la politique et des partis est une réalité. Il traduit une très profonde exigence de transformation des pratiques politiques. Les citoyennes et les citoyens veulent sortir d’un rôle passif pour intervenir et peser directement sur le cours des choses. Cela implique de développer en grand la démocratie interne des partis. Et de transformer leur rôle. Ils doivent cesser de confisquer la politique, s’ouvrir sur la société, développer des pratiques participatives qui permettent aux femmes et aux hommes qui le souhaitent de prendre leur place dans les débats politiques et la vie institutionnelle.

Mais il serait paradoxal de disqualifier pour ces raisons une candidature émanant du Parti communiste alors que, précisément, nous avons fait le choix stratégique de travailler à transformer la politique, de nous transformer nous-mêmes pour permettre au plus grand nombre possible de femmes et d’hommes d’y intervenir directement. Et que c’est pour cette raison que, à l’occasion des élections régionales et européennes ou du référendum européen, et depuis, nous sommes engagés dans cette démarche de rassemblement populaire et citoyen.

Et puis, il serait à mes yeux absolument désastreux de jeter le bébé avec l’eau du bain et de s’imaginer qu’on pourrait se passer de partis, voire qu’ils constituerait un obstacle au développement de notre démarche. Ils en sont au contraire une des clefs.

Un parti, c’est un atout. Faire vivre un grand parti demande beaucoup, beaucoup d’efforts. Et c’est, déjà, un effort de rassemblement. La force d’un parti, c’est l’importance de ce qui rassemble les femmes et les hommes qui le constituent : des idées, des propositions, une stratégie, des pratiques, une culture, et même une histoire. Et plus il est nombreux, plus il est démocratique, et plus ce travail permanent de rassemblement et de cohésion est exigeant et difficile.

C’est ce qui fait d’un parti une garantie. C’est une garantie de solidité, car des choix adoptés par des milliers ou dizaines de milliers de femmes et d’hommes résultent nécessairement des réflexions passées au crible de l’intelligence et de l’expérience collectives. C’est une garantie de stabilité.

C’est le contraire de l’homme ou la femme providentielle, avec tous les risques d’aventures individuelles qui vont avec. Et c’est une garantie de pérennité : parce qu’un parti ne naît et ne vit pas par hasard, mais parce qu’il représente effectivement des intérêts sociaux réels et importants, une conception de la société, une vision de l’avenir.

Il est bon finalement, il est utile que notre démarche de rassemblement nous confronte à cette question et nous conduise à la prendre de front, à argumenter sur le rôle indispensable des partis, de notre parti. Il faut dire clairement et convaincre que s’engager dans un parti ne relève pas de la maladie honteuse. C’est le contraire. C’est un acte difficile, fatigant, parfois décourageant. S’engager est toujours estimable. Mais décider de se donner les moyens de participer au destin collectif en adhérant à un parti, c’est un acte d’un très haut niveau d’exigence, un acte éminemment politique dans le sens le plus noble du mot.

Alors, dire qu’être membre d’un parti serait rédhibitoire pour porter un combat politique commun, et qu’il faudrait choisir quelqu’un qui serait « indépendant » de tout parti ne me parait vraiment pas convaincant. Je dirais au contraire qu’il est logique, efficace, de choisir un homme ou une femme émanant du parti le plus engagé dans ce combat commun. Et j’ajoute, l’homme ou la femme qui exprime le mieux l’engagement de ce parti.
Reste un troisième argument. Le rassemblement auquel nous travaillons est divers. Les candidatures doivent exprimer cette diversité, et ne pas donner le sens d’un ralliement à l’une des composantes du rassemblement. C’est possible aux législatives, malgré un mode de scrutin injuste, parce qu’il y a 577 circonscriptions. Mais la présidentielle ne le permet pas. Il faut bien qu’il y ait un nom sur le bulletin de vote, et un seul.

Nous prenons ce souci très au sérieux. Nous sommes nous-mêmes instruits par l’expérience des élections présidentielles. En 1965, nous avions décidé de soutenir une candidature « hors parti », justement parce qu’il nous paraissait impossible de rassembler la gauche sur une candidature émanant de nos rangs ou de ceux de la SFIO. Tout le monde connaît le résultat. Nous ne voulons pas ça. Ni rassemblement autour de nous, ni autour de personne : composante ou personnalité porteuse d’un « destin personnel ».
Nous proposons de prendre toutes les dispositions pour que Marie-George soit pleinement porte-parole du rassemblement dans la diversité de ses composantes et non porte-parole du PCF . Dès lors qu’elle sera désignée comme candidate du rassemblement des forces antilibérales de gauche, comme elle l’a proposée dans sa lettre aux collectifs, elle se consacrera exclusivement à la campagne commune et n’assumera pas durant cette période sa responsabilité de secrétaire nationale du Parti communiste. La direction nationale du PCF, qui s’investira totalement dans cette campagne, sera exercée collectivement.

Nous avons par ailleurs fait la proposition d’une campagne à plusieurs voix en constituant un collectif de portes-parole dont Marie-George serait membre à égalité avec d’autres. Je pense que nous pourrions aussi proposer la constitution d’un Conseil de campagne composé de toutes les sensibilités qui participeront finalement à cette grande aventure collective. On peut aller encore plus loin, faire preuve d’imagination dans la campagne elle-même, dans la façon d’être présents dans les médias : toutes les idées sont bonnes à prendre, car le succès dépendra pour une part importante de notre capacité à donner sens à cette démarche de rassemblement.

Est-ce que nous réussirons à résoudre complètement le problème ? C’est très difficile. La constitution de la 5ème République est antidémocratique. L’élection présidentielle est faite pour favoriser la personnalisation et interdire une démarche telle que la nôtre, ou lui mettre des bâtons dans les roues.

C’est un fait dont nous ne pouvons pas nous abstraire.
J’ajoute que ce qui est vrai pour la candidature de Marie-George le serait tout autant pour une candidature non issue d’un parti. Je comprends tout à fait que, malgré tout ce qu’on pourra faire pour l’éviter, un-e militant-e syndicaliste, féministe, socialiste, d’extrême gauche, etc. n’ait pas envie de donner peu ou prou l’impression de participer à un rassemblement autour du Parti communiste. Mais l’inverse est aussi vrai. Les militantes et militants communistes n’ont pas envie non plus de paraître se rassembler autour de qui que ce soit, surtout si ce choix est avant tout voire uniquement destiné à éviter une candidature issue du Parti communiste.

En outre, quelle candidature serait plus rassembleuse ? Il y a actuellement, à ma connaissance, 5 candidatures évoquées dans le cadre du rassemblement.

Aucune ne fait l’unanimité, ni dans le Parti, ni dans le rassemblement. Et il ne me paraît pas douteux, au total, que la candidature qui peut permettre le rassemblement le plus large est bien celle de Marie-George.

Voilà pourquoi, après beaucoup de réflexions soigneuses, respectueuses des arguments échangés, je crois sincèrement que nous devons soumettre aux communistes le choix de confirmer la proposition que nous avons faite d’une candidature issue de nos rangs, et plus précisément celle de Marie-George Buffet.

C’est en fonction de tous ces éléments que je vous propose que le Conseil national prenne position et saisisse les communistes des termes du débat en vue de la Conférence nationale.

Je conclurai ce rapport en disant un mot sur ce qui me paraît être l’enjeu essentiel de l’intense bataille politique à venir.

Je ne reviens évidemment pas sur l’ambition et les objectifs que nous nous sommes fixés. Ce que je voudrais dire, c’est que l’effort de rassemblement dans lequel nous sommes engagés n’est pas seulement électoral. Il est politique. Il est stratégique. Il s’inscrit, comme disaient Marx et Engels dans le Manifeste, dans un « mouvement historique d’ensemble ».

Ce mouvement, que nous avons sous les yeux aujourd’hui en France et ailleurs, est celui par lequel les peuples, après les espoirs immenses et les échecs tragiques du siècle dernier, partent à la reconquête, et à la recherche, dans des conditions radicalement nouvelles, d’une alternative au monde inhumain et dangereux que nous fabrique le capitalisme.

A l’étape actuelle de ce « mouvement d’ensemble », les peuples commencent à percevoir que le libéralisme - qui est l’idéologie qui soutient aujourd’hui le capital - est à la racine de leurs souffrances et des dangers qui les menacent. C’est pour cela que la lutte politique contre le libéralisme devient un facteur de rassemblement, comme à d’autres époques la lutte contre le fascisme, l’occupant ou les guerres coloniales. Cela crée une situation politique absolument nouvelle. Et c’est à cette situation que, comme à d’autres époques, nous répondons en appelant notre peuple, ses forces vives à se rassembler.

Dans une formule poétique, Marx disait « qu’on ne fait pas bouillir les marmites de l’Histoire ». Façon de dire que quand une exigence n’est pas présente dans la réalité, et donc n’anime pas le mouvement des peuples, il ne sert à rien de tenter de l’imposer de force. Mais en l’occurrence, l’exigence de battre le libéralisme est en train de monter. Elle prend des visages très divers : en Europe, en Amérique latine ou ailleurs. Elle s’enracine dans les contradictions que développent le mouvement même du capital à cette phase de sa mondialisation et de sa financiarisation. Cette exigence peut devenir une « force matérielle » irrésistible s’il existe des forces politiques capables de la porter et d’en faire une réponse possible aux souffrances des peuples. Elle peut ouvrir un espoir considérable, changer la donne politique et aller jusqu’à permettre une véritable rupture avec le capitalisme.

C’est l’enjeu actuel. C’est la raison de notre stratégie. Pour autant, la lutte contre le libéralisme ne résume évidemment pas notre ambition. Si nous sommes pleinement partie prenante du rassemblement antilibéral, nous ne saurions donc nous y dissoudre, ni aujourd’hui ni demain.
La fonction essentielle de notre Parti est en permanence d’éclairer les chemins d’une visée d’émancipation humaine. Il est de montrer que l’on peut aller vers une humanité débarrassée de toutes les formes d’exploitation, de domination et d’aliénation. Il est d’en démonter les ressorts et les mécanismes, de les combattre au jour le jour dans toutes les luttes et de toutes les façons possibles, de proposer des solutions pour les faire reculer jusqu’à leur éradication.

La raison d’être de notre engagement communiste, c’est d’œuvrer à un monde sans guerre, un monde où la société compense les injustices naturelles, un monde où les richesses et les pouvoirs sont également partagés entre toutes et tous, où chacune et chacun a également accès à tous les savoirs, un monde sans discriminations d’aucune sorte, un monde de liberté, d’égalité et de fraternité humaines.

Voilà, cher-e-s camarades, les réflexions que je voulais vous soumettre. Nous abordons une étape nouvelle de notre combat, exigeante mais exaltante. La bataille électorale qui s’annonce sera rude. Nous savons que la réussite n’est pas garantie d’avance. Mais elle est possible. Et quoi qu’il arrive, nos efforts vont façonner l’avenir.

Messages

  • Si on remonte à 1958, à mon humble avis, on risque fort de perdre du monde, notamment ceux que l’on a appelé les gaullistes de gauche, une espèce de socialistes non complètement antigaullistes. De plus c’est quand même la Vè qui en a fini avec la guerre d’Algérie, horrible boucherie du milieu du siècle dernier.

    Aux bons entendeurs, salut.

  • Je trouve surprenant que ce soit le rapport initiant la discussion du conseil national du PCF qui est publié et non la résolution qui a résulté de la discussion. Celle-ci précise notamment : « Pour la désignation des candidatures aux élections présidentielle et législatives, nous proposons de poursuivre la même démarche que pour la définition de la stratégie et du programme : celle de la construction commune de choix communs. C’est la politique du Parti communiste. Nous n’y renoncerons pas.[...et plus loin...] Les communistes ont toujours dit qu’ils n’avaient aucun autre préalable que la recherche du succès du rassemblement et de la candidature antilibérale. Ils discutent donc toutes les propositions. »

    Pour connaître le projet de résolution qui va servir de base de discussion aux communistes :
    Projet de résolution

    gib