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Palestine : l’assaut contre la santé et autres crimes de guerre

Publie le vendredi 5 novembre 2004 par Open-Publishing

Derek Summerfield, honorary senior lecturer
Institute of Psychiatry, London
derek.summerfield@slam.nhs.uk

Paru dans : revues - vues personnelles
British Medical Journal
2004, vol 329, p 924

Amnesty International a demandé une enquête sur la mort d’Asma
al-Muhyayr (16 ans) et son frère Ahmad (13 ans) sur le toit de leur
terrasse à Rafah le 18 mai, chacun d’eux tués d’une seule balle à la
tête. Asma venait de retirer des vêtements de l’étendoir et Ahmad
nourrissait des pigeons. Amnesty nota que les tirs semblaient être venus
du dernier étage d’une maison voisine qui avait été occupée par les
soldats israéliens juste avant. Amnesty soupçonne que ce n’est pas
« pris dans un tir croisé », mais un meurtre.

La réoccupation militaire de la Cisjordanie et de Gaza - un système de
checkpoints militaires qui coupe les villes et villages en ghettos,
couvre-feux, bouclages, raids, démolitions massives, destructions de
maisons (plus de 60.000) et expropriations de terres - a rendu la vie
ordinaire impossible à tout le monde, et conduit la société
palestinienne et ses institutions vers la misère. En plus, Israël a
construit une barrière grotesque qui, une fois finie, fera plus de 600
km - quatre fois plus que le mur de Berlin. S’étendant jusqu’à 15 miles
dans le territoire palestinien, le but réel du mur est de fixer plus de
50 colonies illégales israéliennes dans Israël proprement dit. C’est une
colonisation coûteuse, agressive, qui défie la Cour Internationale de
Justice de La Haye et la résolution de l’Assemblée Générale des Nations
Unies de juillet dernier.

L’an dernier, un rapporteur des Nations Unies a conclu que Gaza et la
Cisjordanie étaient "au bord de la catastrophe humanitaire". La Banque
Mondiale estime que 60% de la population subsiste au seuil de pauvreté
(1,12 livres, 2 dollars, 1,6 euros par jour), un triplement en trois
ans. Un demi-million de gens dépendent maintenant complètement de l’aide
alimentaire, et Amnesty International a exprimé sa préoccupation car
l’armée israélienne a entravé les distributions à Gaza. Plus de la
moitié des foyers n’ont qu’un repas par jour. Une étude des universités
Johns Hopkins et Al Quds a trouvé que 20% des enfants de moins de 5 ans
sont anémiés, 9,3% sont gravement malnutris, et 13,2% d’autres
chroniquement malnutris. Les docteurs que j’ai rencontrés lors d’une
visite professionnelle en mars ont indiqué une prévalence croissante des
anémies chez les femmes enceintes et de bébés prématurés.

La cohérence du système de santé palestinien a été détruite. Le mur va
isoler 97 cliniques de premiers soins et 11 hôpitaux des populations
qu’elles desservent. L’hôpital de Qalqilya, qui sert principalement des
réfugiés, a vu une chute de 40% des rendez-vous réalisés, parce que les
patients ne peuvent pas entrer dans la ville. Il y a au moins 87 cas
documentés (dont 30 enfants) où l’interdiction d’accès à un traitement
médical e conduit directement à la mort, y compris ceux de bébés nés
alors que des femmes étaient retenues à des checkpoints. Le checkpoint à
l’entrée de certains villages ferme à 19 heures et même les ambulances
ne peuvent pas passer après. Par exemple, récemment un homme d’un
village maintenant enfermé, près de Qalqilya, s’est approché de la porte
avec sa fille sérieusement malade dans les bras, et a supplié les
soldats en service de le laisser passer pour qu’il puisse la porter à
l’hôpital. Les soldats refusèrent, et un médecin Palestinien appelé de
l’autre côté s’est aussi vu refuser l’accès à l’enfant. Le médecin fut
forcé de tenter un examen physique, et de donner à la fille une piqûre,
à travers des fils de fer.

Il y a des rapports réguliers sur des ambulances transportant des gens
gravement malades, touchées par des tirs, ou bloquées à des checkpoints
tandis que les chauffeurs et infirmiers sont interrogés, fouillés,
menacés, humiliés ou attaqués. Des hommes blessés sont kidnappés dans
les ambulances aux checkpoints et envoyés directement en prison. Des
cliniques clairement désignées sont mitraillées, et des médecins et
d’autres auxiliaires de santé tués en cours d’activité.

Les Médecins pour les Droits de l’Homme (PHR - Israel) ont fustigé
l’Israeli Medical Association (IMA) pour son silence face à ces
violations systématiques de la 4eme Convention de Genève, qui garantit
le droit aux soins et à la protection des professionnels de santé en
activité. Remarquablement, le Dr. Y. Blachar, président de l’IMA, est
actuellement président du conseil de l’Association Médicale Mondiale
(World Medical Association, WMA), la gardienne internationale officielle
de l’éthique médicale. Une British Medical Assocation (BMA) indolente
semble être de collusion avec cette farce au sein de la WMA. D’autres
sont bâillonnés par peur d’être appelés « antisémites », un terme
utilisé d’une manière moralement corrompue par le lobby pro-israélien
pour imposer le silence. Comment allons-nous influer sur cette
situation, une situation qui, pour moi, docteur né en Afrique du Sud,
est allée plus loin que les excès de l’ère de l’Apartheid ?

http://bellaciao.org/en/article.php3?id_article=4174