Accueil > Paroles, de bouches à oreilles..

Paroles, de bouches à oreilles..

par Norbert Gabriel

Publie le vendredi 31 octobre 2014 par Norbert Gabriel - Open-Publishing

 

Conteurs, jaseurs, virtuoses textuels, voltigeurs du mot, funambules de la parole, paysagistes du langage, ciseleurs du verbe, orpailleurs d’émotions, pointillistes de la syntaxe, impressionnistes de la grammaire, acrobates de la périphrase, ce sont des gens de parole et de scène et leurs spectacles seuls en scène font souvent voyager beaucoup plus loin que les grands shows à effets où tout est balisé. C’est la capacité de faire rêver hors des sentiers battus.

Dans le monde de la chanson, il y a le marronnier toujours en fleurs sur la chanson à texte, la chanson crétinisante, la chanson pour les pieds, la « variette » ou l’avariette, et autres produits de grande diffusion. Ma préférence va plutôt vers la chanson qui raconte, et elle peut me raconter en anglais, en slang, en italien ou en javanais moldo valaque, il faut qu’elle fasse rêver et voyager. Comme avec ce comédien vu en scène qui fait parfois du parlé-chanté, et on entend quand même la mélodie dans quelques notes discrètes de piano. Mieux parfois qu’avec un big band hyper vitaminé.

La collection « spectacles à lire et à écouter » n’est pas de la chanson stricto sensu, mais la chanson étant née des aèdes et autres bardes qui portaient la parole – la chanson de parole – on retrouve un lien avec les toutes les envolées lyriques qui dessinaient les légendes à venir. La chanson de Roland, c’était du long courrier dans l’exercice de la poésie chantée. Et les troubadours, trouvères, ménestrels et baladins ont poursuivi la route des quatre chansons et des contes à rêver éveillé.

Ces spectacles à lire et à écouter sont uniques dans leur genre, nés d’un coup de cœur d’une chanteuse amoureuse des textes (Premier amour de Samuel Beckett, interprété et mis en scène par Sami Frey à l’automne 2009), qui devient éditrice et publie en toute discrétion, et toute indépendance une série qui vient d’atteindre son dixième numéro.

Le premier, le best-seller, c’est celui de Vincent Roca. Puis viennent ceux de Michèle Guigon, qu’on a souvent croisée dans des spectacles chanson, des mises en scène pour Michèle Bernard et Elsa Gelly par exemple. Dans ces exercices de style mettant la parole nue en majesté, c’est tout l’art des conteurs qui revit, sans décor, sans artifice autre que votre imaginaire, et les champs du possible dans ce domaine sont infinis. «  Demandez à un clown de vous raconter Cendrillon. Il voudra faire des parenthèses, des digressions,des révélations. Il vous dira que dans la vraie histoire, Cendrillon n’a pas écouté sa marraine, qu’elle est restée au bal après minuit , qu’elle a perdu sa robe, qu’elle s’est retrouvée en guenilles devant le prince, qu’elle s’est enfuie a quitté le pays, qu’en chemin il lui est arrivé des choses étranges, devenir géante, traverser le temps  »... et vous le croirez.*

Clémentine Jouffroy, chanteuse, éditrice a réussi ce pari de créer une collection sans équivalent, vous avez tous les renseignements ici : Camino Verde.
 http://caminoverde.com/accueil.php
 
Un détail qui a son importance : ces ouvrages sont donnés à l’association Valentin Haüy (association au service des aveugles et mal-voyants) pour une mise à disposition gracieuse de ces trésors à leurs membres…