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Perpignan : un Marocain a passé 18 mois en prison pour rien

Publie le jeudi 20 mai 2004 par Open-Publishing

MONTPELLIER (AP) - Dix-huit mois en prison pour rien. Pris pour un autre,
El Mostafa Berrfaï, un Marocain de 41 ans, vient d’être libéré du centre
pénitentiaire de Perpignan (Pyrénées-Orientales), a annoncé mercredi son
avocat montpelliérain Me Jean-Robert Phung.

En octobre 1991, une bagarre au couteau éclate à Perpignan entre deux
hommes, sur fond de rivalité amoureuse. L’un sort un couteau et tue le
deuxième avant de s’enfuir. L’agresseur est un Algérien s’appelant Mustafa
Berrafaï.
Introuvable, il est jugé par contumace par les assises des
Pyrénées-Orientales en 1998 et prend 30 ans de réclusion. Un mandat d’arrêt
international est délivré contre lui.

En novembre 2002, la police espagnole arrête à Alicante El Mostafa Berrfaï,
doté d’une carte de résident et soudeur depuis plusieurs années dans le
pays. Le prénom n’est pas le même, la nationalité non plus et il manque un
"a" dans le nom de famille pour qu’il soit un homonyme parfait de
l’agresseur recherché. Malgré tout cela, il passe un an en prison en
Espagne, avant d’être extradé puis remis à la police française à Bayonne et
à nouveau incarcéré. Il commence alors à purger la peine de 30 ans de
prison.

Fin avril 2004, un codétenu propose à El Mostafa Berrfaï -qui ne sait pas
écrire le français- d’écrire une lettre à Me Phung pour expliquer son cas.
"Cette histoire est hallucinante", résume l’avocat dans un entretien à
l’Associated Press.
"Des erreurs judiciaires, j’en ai déjà vues, mais ici, on a affaire à une
somme d’erreurs qui est caricaturale : deux autorités judiciaires (espagnole
et française), deux services de polices (espagnol et français) n’ont pas été
capables de voir une erreur pendant 18 mois. Il m’a fallu en tout et pour
tout dix minutes pour me rendre compte de l’énormité de la méprise. Mon
client avait d’abord écrit au procureur de la République de Perpignan qui
n’a même pas fait les vérifications nécessaires".
Pour Me Phung, "cette tragédie résulte au mieux d’une paresse
intellectuelle, au pire d’un je-m’en-foutisme incroyable".

L’avocat va à présent entamer deux procédures contre l’Etat français. L’une,
classique, devant le tribunal administratif pour obtenir réparation de la
somme de dysfonctionnements qui a conduit à cette situation.
L’autre, plus rare, sera engagée devant le tribunal de grande instance.
"J’estime qu’à ce niveau de dysfonctionnements, nous sommes devant une
erreur constitutive d’une voie de fait", précise l’avocat. "Autrement dit,
que mon client a subi une violence de la part de l’Etat français. Ce qui me
permet d’entamer une procédure civile".

En attendant, El Mostafa Berrfaï, libéré mardi, est retourné à Alicante. En
dehors de ses parents qui l’ont soutenu pendant ces 18 mois, l’homme a perdu
pendant son incarcération sa fiancée, son travail et ne sait pas ce qu’est
devenu sa maison qu’il n’avait pas fini de payer. AP