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Plus royaliste que le roi

Publie le lundi 8 juin 2009 par Open-Publishing

L’habitude de pointer le doigt vers le voisin algérien est devenue une obsession au Maroc. Les autorités marocaines, à chaque fois qu’elles sont en butte à des difficultés politiques, économiques annonciatrices de grognes sociales ou à des échecs dans l’affaire du Sahara Occidental, ont un bouc émissaire tout indiqué pour détourner l’attention de la population marocaine.

Depuis plus de 34 ans, l’Algérie est accusée de tous les maux dont souffre le Maroc. Le plus étonnant, c’est qu’au même temps que le roi Mohamed VI demande l’ouverture des frontières, les responsables et les médias marocains persistent dans cette entreprise de mauvaise foi. C’est tellement facile de jouer sur la sensiblerie des foules pour mieux noyer les protestations dans le sang et justifier tous les abus. Aux yeux des journalistes marocains, la main de l’Algérie traverse la Méditerranée pour influencer le dictat des magistrats français chargés d’élucider l’assassinat du célèbre opposant marocain Mehdi Ben Barka à Paris. Mais voilà une nouvelle qui met le pendule à l’heure : Le patron du quotidien marocain Assabah a été définitivement condamné par la justice française pour diffamation envers un journaliste de la chaîne publique France 3 qu’il accusait d’être un agent des services secrets algériens, a-t-on appris mercredi auprès du tribunal. Abdelmounaïm Dilami, directeur de la publication du quotidien en langue arabe Assabah, avait été condamné par défaut le 14 octobre 2008 à 3.000 euros d’amende et 5.000 euros de dommages et intérêts. Il avait fait opposition à ce jugement mais s’en est désisté mardi, rendant sa condamnation définitive.

En octobre 2007, le journaliste de France 3 Joseph Tual avait révélé l’existence de cinq mandats d’arrêt délivrés par un juge français à l’encontre de ressortissants marocains soupçonnés d’avoir participé à l’enlèvement de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris. Les mandats d’arrêt avaient été émis lors d’une visite du président Nicolas Sarkozy au Maroc. Dans son édition des 3 et 4 novembre 2007, Assabah publiait un article intitulé « Les services de renseignements algériens disposent du dossier Ben Barka ».
Dans cet article, Assabah affirmait notamment que Joseph Tual était « le pivot dans l’appareil des renseignements algériens car il ne cache pas son hostilité à l’égard du Maroc », un propos jugé diffamant par le tribunal correctionnel de Paris. Mehdi Ben Barka, opposant marocain et leader anticolonialiste marocain en exil, a été enlevé à l’âge de 45 ans, le 29 octobre 1965, boulevard Saint-Germain à Paris, par des policiers et des truands français, marquant le début d’une affaire jamais totalement élucidée.

La presse marocaine, au lieu de chercher la vérité sur tous les crimes commis par la monarchie alaouite, elle fait le porte-parole du palais, en poussant dans la surenchere des attaques infames contre le voisin algérien et contre le peuple sahraoui.

L’affaire du journal Assabah est une autre preuve que le réformes annoncées ne touchent que la haute hiérarchie de l’Etat. Faites dans un souci de parer tout danger pour son équilibre monarchique, le système gravite encore autour du roi et conserve ses incompatibilités originelles. Mélange de théocratie, de féodalité et de monarchie parlementaire comme figuration démocratique d’un vieux système, le Maroc continue à porter les signes de son histoire métissée de violence. Tant qu’il ne règlera pas définitivement le problème du Sahara, qu’il ne respectera pas pleinement les libertés individuelles et publiques, qu’il ne reconnaîtra pas les droits identitaires de la majorité berbère, qu’il ne désacralisera pas la personne du roi, qu’il n’ introduira pas ces changements dans la constitution marocaine, qu’il ne luttera pas contre la corruption et la pauvreté... il sera aberrant de parler d’un engagement solennel du nouveau roi et de la presse marocaine dans la voie du changement. Entretemps, les médias au royaume chérifien continueront à afficher leur caractère plus royaliste que le roi-même.

http://diasporasaharaui.blogspot.com