Accueil > Politique, le divorce à l’italienne (video)

Italie . La confiance entre élus et citoyens est au plus bas. La personnalisation de la vie politique ne favorise pas l’émergence d’une alternative.
de Gaël De Santis
"Hommes politiques propres : environnement moins pollué !" À elle seule, la pancarte résume l’humeur du rassemblement : "Dissolvons le Parlement" de Piazza Venezia, à Rome. Elle fait référence à l’impuissance des politiciens napolitains à résoudre la crise des détritus. Mais aussi à l’opération "Mains propres" qui, au début des années quatre-vingt-dix, a permis aux magistrats de mettre en examen une grande partie des parlementaires, pour corruption. En plus petit, cette manifestation, qui appelle à assainir la politique, fait écho au V-Day. Le 8 septembre, l’humoriste génois Beppe Grillo avait convoqué un Vafanculo Day, pour réclamer un "Parlement propre". Un appel suivi par des centaines de milliers d’Italiens. Le succès des manifestations de ce type est tel que médias et hommes politiques dissertent sur l’"antipolitique".
les italiens n’ont plus confiance
Car le fossé se creuse entre les politiques et les citoyens. En janvier, un sondage accordait une cote de confiance de 19 % pour le Parlement, de 25,1 % pour le gouvernement. Des chiffres inédits, qui font l’objet d’interprétations contradictoires. « Je ne crois pas beaucoup à la crise de la politique, avance Maurizio Cotta, spécialiste du système partisan italien. Une autre politique est possible, différente de celle à laquelle nous sommes habitués, avec ses grands partis enracinés dans la société. » Affaiblis et moins dominants que par le passé, les partis puissants ont laissé place, au début des années quatre-vingt-dix, à une personnalisation de la vie politique. Dans cette période, « face au rejet de la partitocratie, il y a eu trois phénomènes : l’opération « Mains propres » - un phénomène extérieur à la politique -, la percée de la Ligue du Nord - c’est-à-dire un mouvement politique de protestation -, et le mouvement référendaire qui a constitué la seule réponse politique », détaille Mariotto Segni, principal acteur de ce mouvement à l’époque. « Nous nous sentions proches des modèles anglo-saxons, présidentialistes, avec des formes de démocratie directe », expose l’ancien parlementaire. Pendant cette période, des référendums d’initiative populaire contrainrent à la modification de la loi électorale dans un sens majoritaire. « Il y avait l’espérance qu’à travers le changement institutionnel entrerait en politique une partie de la société plus technique », explique notre interlocuteur.
la perte de repères politiques
Pourtant, « depuis l’adoption du système électoral majoritaire, aucun gouvernement n’a eu pour base une majorité de 50 % des voix », note Paolo Cirino Pomicino. Député d’une petite formation démocrate-chrétienne, il tire un bilan critique des quinze dernières années. « La destruction des cultures politiques de référence » comme le communisme, le socialisme et la démocratie chrétienne serait cause d’une perte de repères politiques.« Nous sortons d’un conflit de quinze ans entre ceux qui soutiennent une démocratie élitiste dirigée par l’establishment et ceux qui soutiennent une - démocratie participative, comme celle que nous avons vue au XXe siècle, c’est-à-dire la démocratie des partis », analyse-t-il. Pour le député de droite, « au début des années quatre-vingt-dix, on a vu une intrigue politique entre une partie du capitalisme italien lié à la finance et les organes de presse » pour imposer des « partis de propriétaires, dirigés par des leaders plus facilement influençables et intéressés ».
« L’Italie est un pays où les politiques ont perdu le sens de l’intérêt général », se plaint Sergio Rizzo, l’un des auteurs du livre la Caste, 1,2 million d’exemplaires vendus. Cet ouvrage dénonce les travers de la classe politique italienne : voitures de fonction, escortes, frais de représentation, indemnités d’élus mirobolantes. Ce succès de librairie, qui décrédibilise largement les élus, a eu au moins un effet : la prise de conscience des « coûts extraordinaires » de la politique. « Pour la première fois, la Chambre des députés va dépenser cette année moins que la précédente », se réjouit, le journaliste.
Mais cette critique générale de la politique n’est pas sans effet sur la société. Ida Dominijanni, journaliste au Manifesto, voit dans la « révolte contre la politique » une entreprise « d’autoabsolution de la société ». « On fait croire que seule la politique est pourrie, alors que la corruption touche de larges parts de la société civile », avance-t-elle. En fait, pour la journaliste, « l’Italie concentre tous les problèmes des démocraties contemporaines : dérive plébiscitaire, absence de médiation des partis et démocratie médiatique ».
Face à une telle évolution, le centre gauche n’a pas répondu de façon satisfaisante. Au contraire, il a accompagné l’évolution, frustrant nombre de citoyens qui s’étaient investis, au travers des « Girotondi » (rondes), dans le combat pour une classe politique honnête. En 2002, à l’appel de personnalités comme Nanni Moretti, des milliers de citoyens s’étaient réunis pour faire des rondes autour des tribunaux, pour protéger la justice des lois ad personam du chef de gouvernement d’alors, Silvio Berlusconi. Au gouvernement depuis 2006, la gauche n’a rien fait pour résoudre le « conflit d’intérêt » du chef de la droite. Alors, les critiques de la politique sont-elles de l’antipolitique ? « Notre mouvement, ce n’est pas de l’antipolitique. C’est de la politique avec un P majuscule », affirme Gianfranco Mascia, l’un des initiateurs des « Girotondi ».
http://www.humanite.fr/2008-03-21_I...
Marco Masini - Vaffanculo