Accueil > Première grève de saisonniers OMI
par Nicholas Bell, Forum Civique Européen, F-04300 Limans ; 
nicholas.bell@gmx.net
Chaque jour, des milliers de voitures filent à toute vitesse sur 
l’autoroute reliant Salon de Provence à Arles, traversant la plaine de 
la Crau. A quelques centaines de mètres, pas loin de la sortie 
« St-Martin-de-Crau », derrière des haies de peupliers, se cache une 
réalité à peine imaginable.
Le Mas de Poscros fait partie de l’empire de Monsieur Laurent Comte, le 
plus grand producteur de pêches en France, qui avec ses 1700 hectares 
fournit 11% du marché national. Comme chaque empire, celui de M. Comte 
a besoin d’esclaves.
A Poscros il s’agit d’environ 120 saisonniers agricoles maghrébins qui 
vivent entassés dans les vieux bâtiments du mas, sans eau potable, avec 
seulement deux douches et des toilettes infectes qui fuient. Ils 
doivent tout acheter, les draps et couvertures, les assiettes, le gaz 
pour faire la cuisine. et même leurs outils pour le travail.
Onze heures de sueur et de poussière par jour, dont sept payées, trois 
comptées comme heures supplémentaires à régler plus tard et une heure 
« gratis ». On ne leur fournit pas d’échelles ni d’escabeaux pour la 
récolte et ils doivent grimper dans les arbres ou monter sur des 
caisses, ce qui provoque souvent des accidents. Chaque ouvrier récolte 
au moins 300 caisses de 20 kg par jour. Ca fait six tonnes de pêches 
par jour par personne. Pour cela, chacun reçoit à peine 40 euros. 
Officiellement le salaire est d’environ sept euros de l’heure, mais le 
patron déduit 62 euros par personne par mois pour le « logement ».
Pendant que la plupart font la récolte, d’autres traitent les arbres 
juste à côté avec des sulfateuses pleines de pesticides. Les ouvriers 
craignent que certains de ces produits ne soient interdits, car les 
étiquettes des emballages sont systématiquement enlevées. Il y a de 
nombreux cas de maladies ou de malaises. Ceux qui font ces traitements 
doivent travailler sans cabine sur le tracteur, ni masque ou vêtement 
de protection. Ils sont contraints de s’abriter sous des tissus de 
fortune rapidement trempés. Toute réclamation à ce sujet est suivie de 
menaces de rupture de contrat.
Ces travailleurs « jouissent » d’un statut légal, le fameux contrat OMI, 
octroyé par l’Office des Migrations Internationales, un organisme sous 
contrôle de l’Etat français. Depuis maintenant 30 ans, des milliers de 
Marocains, Tunisiens et Polonais, viennent chaque année pendant six à 
huit mois, effectuer des travaux qu’aucun Français n’accepterait. M. 
Comte est le plus important employeur de saisonniers OMI dans le 
département des Bouches-du-Rhône : 240 Marocains et Tunisiens repartis 
entre Poscros et la SEDAC, également sur la commune de 
St-Martin-de-Crau, qui longe la N 568 qui mène à Fos.
Mais voilà, cette face cachée de nos pêches et abricots a été 
brutalement mise en lumière grâce à une grève déclenchée le 12 juillet 
dernier par la totalité de ces 240 saisonniers. Excédés par le refus du 
patron, renouvelé lors d’une rencontre avec lui la veille, de respecter 
ses promesses et de payer les 300 à 400 heures supplémentaires impayées 
depuis 2004, ils ont spontanément décidé de cesser le travail, 
fortement soutenus ensuite par la Confédération Générale du Travail 
(CGT).
Dimanche 17 juillet, nous avons participé au rassemblement organisé sur 
la SEDAC et avons pu rencontrer de nombreux travailleurs et visiter les 
deux stations fruitières.
Il était très impressionnant de constater la détermination et la rage 
de ces Marocains et Tunisiens, dont certains travaillent en France avec 
des contrats OMI depuis dix ou quinze ans, souvent chez ce même patron, 
M. Comte. Toute la colère retenue si longtemps et le sentiment 
d’impuissance face aux injustices, à l’intimidation et au mépris qui 
forment les fondements même de ce modèle d’exploitation agricole (il 
est bien révélateur que le terme de « ferme » a cédé la place à celui 
« d’exploitation ».) ont été exprimés publiquement pour la première fois. 
Car c’est la première grève de saisonniers OMI de l’histoire, et cela 
s’est passé chez le plus grand des patrons.
En se mettant en grève, ces 240 hommes savaient qu’ils prenaient un 
grand risque. Venir travailler en France dans un cadre légal, donc sans 
prendre le risque d’une traversée en patera vers l’Espagne, est un « 
privilège » très convoité au Maroc et en Tunisie, vu l’écart des 
réalités économiques et salariales. Mais tout ouvrier OMI qui, à ce 
jour, a levé la tête et réclamé tout simplement les droits « garantis » 
par son contrat et l’Etat français, ou qui a contesté les mauvais 
traitements subis, a dû renoncer à tout espoir de revenir en France 
l’année suivante. Le fait que ces contrats soient nominatifs accorde au 
patron les mêmes pouvoirs d’intimidation et de pression qu’il aurait pu 
exercer auprès d’un clandestin, mais dans un cadre « légal ».
Ces pressions dépassent souvent l’ouvrier lui-même, car les menaces 
d’exclusion du « marché OMI » peuvent s’étendre à des membres de sa 
famille ou à des habitants de son village d’origine. Par exemple, 
Naima, une des premières personnes à porter plainte contre les abus 
qu’elle a subis pendant dix ans d’emploi sous contrat OMI, a dû 
constater qu’une dizaine de membres de sa famille avaient par la suite 
perdu leur emploi chez son patron.
C’est pourquoi il a été très important que ces grévistes aient reçu un 
très large soutien de la CGT et des autres organisations membres du 
Collectif de Défense des Travailleurs Etrangers dans l’Agriculture 
provençale (CODETRAS)[1]. Confronté à la première grève dans ses 
entreprises, Laurent Comte a tout de suite menacé de déposer le bilan. 
Mais une semaine plus tard, il a dû céder sur plusieurs points lors 
d’une rencontre organisée par le Préfet à Marseille le 18 juillet. Le 
lendemain matin, les ouvriers reprenaient le travail.
L’entreprise s’est engagée à payer les arriérés jusqu’en août. Pour 
leur part, les services de l’Etat ont promis de remplacer dans les huit 
jours les logements les plus insalubres (pour environ 90 ouvriers) et 
d’installer des sanitaires corrects (j’imagine que l’Etat adressera la 
facture à M. Comte.). Selon l’accord signé, tous les outils, échelles, 
vêtements de protection, etc. seront fournis dans un délai d’une 
semaine. Les personnes responsables pour les traitements 
phytosanitaires n’ont pas repris le travail et ne le feront qu’après 
confirmation par l’Inspection du Travail que les protections adéquates 
ont été prévues. Dernier point très important : le Préfet s’est engagé à 
n’accepter aucun « primo-contrat » OMI dans le département en 2006 tant 
que tous les grévistes n’ont pas retrouvé un emploi, chez Comte ou dans 
une autre entreprise.
Il va falloir rester très vigilant pour assurer que tous ces 
points soient respectés. Et puis, les exploitations fonctionnant dans 
les mêmes conditions ne manquent pas. Jusqu’à présent, les autorités 
françaises ont toujours répété que de tels abus étaient des 
exceptions[2]. Cette grève et les témoignages d’ouvriers d’autres 
entreprises venus au rassemblement de solidarité prouvent que ce n’est 
pas le cas. D’ailleurs, depuis la reprise de travail à la SEDAC, 
d’autres saisonniers OMI se sont mis en grève.
Derrière toute cette histoire, ce qui est en jeu est ce modèle 
d’agriculture hyper-productiviste et dévoreuse d’hommes et de 
pesticides, une agriculture qui ne peut fonctionner que grâce à la mise 
en servage de migrants venant des pays pauvres à la périphérie de notre 
riche continent.
[1] Le CODETRAS regroupe l’ASTI de Berre, l’Association de Coopération 
Nafadji Pays d’Arles, ATTAC Martiques, la CFDT, la CGT, la CIMADE, la 
Confédération Paysanne, la CREOPS, Droit Paysan Aureille, 
l’Espace-Accueil aux Etrangers, le Forum Civique Européen, la FSU 13, 
la LDH du Pays d’Arles et le MRAP 13.
Pour tout contact :
CODETRAS, BP 87, 13303 Marseille Cedex 3, 04 95 04 30 98, 
codetras@espace.asso.fr
[2] Pour plus d’informations sur la complicité des autorités, voir 
l’article de Patrick Herman, « Trafics de main-d’ouvre couverts par 
l’Etat » dans Le Monde Diplomatique de juin 2005.
Article sur la récente grève de saisonniers agricoles marocains et 
tunisiens sous contrat OMI dans les Bouches-du-Rhône en France. Il sera 
publié dans le prochain numéro d’Archipel, le mensuel du Forum Civique Européen. http://www.forumcivique.org/




