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Qu’est-ce que tomber amoureux ? C’est l’état naissant d’un mouvement collectif à deux

Publie le mardi 1er mai 2007 par Open-Publishing
7 commentaires

de Francesco Alberoni

Les similitudes entre mouvements sociaux et coups de foudre, réfutant ainsi le fait que l’amour serait un repli sur la sphère privée alors que les mouvements sociaux sont si propices à tomber amoureux.

En effet, comme les mouvements révolutionnaires, l’amour est une force de transformation de la vie quotidienne, de renouveau, de renaissance, de résurrection qui nous sauve du désespoir et de la solitude.

Il est donc bien ridicule que certains partis qui se croient révolutionnaires prétendent exclure l’amour de leurs rangs, sous prétexte de son supposé égoïsme à deux et son caractère incontrôlable.

Nous devrions faire au contraire une nouvelle alliance entre l’amour et la révolution, redevenir libres ensemble, briser nos liens et notre isolement en affrontant sérieusement les risques de l’institutionnalisation comme fin de l’histoire d’amour ou du soulèvement populaire pour continuer l’aventure collective, pour continuer à nous aimer et à refaire le monde, pour continuer à aimer la vie.

("Innamoramento e amore" 1979)

Messages

  • L’Amour, et le désir, sont manque

    Socrate - Éros est-il amour de rien ou de quelque chose ?

    Agathon - De quelque chose évidemment.

    Socrate - Eh bien, voilà un point auquel tu dois veiller avec soin, en te remettant en mémoire ce dont il est amour [1]. Tout ce que je veux savoir, c’est si Éros éprouve oui ou non le désir de ce dont il est amour.

    Agathon - Assurément, il en éprouve le désir, répondit-il.

    Socrate - Est-ce le fait de posséder ce qu’il désire et ce qu’il aime qui fait qu’il le désire et qu’il l’aime, ou le fait de ne pas me posséder ?

    Agathon - Le fait de ne pas le posséder, cela du moins est vraisemblable, répondit-il.

    Socrate - Examine donc, reprit Socrate, si au lieu d’une vraisemblance il ne s’agit pas d’une nécessité : il y a désir de ce qui manque, et il n’y a pas désir de ce qui ne manque pas ? Il me semble à moi, Agathon, que cela est une nécessité qui crève les yeux ; que t’en semble-t-il ?

    Agathon - C’est bien ce qu’il me semble, répondit-il.

    Socrate - Tu dis vrai. Est-ce qu’un homme qui est grand souhaiterait être grand, est-ce qu’un homme qui est fort souhaiterait être fort ?

    Agathon - C’est impossible, suivant ce que nous venons d’admettre.

    Socrate - Cet homme ne saurait manquer de ces qualités, puisqu’il les possède.

    Agathon - Tu dis vrai.

    Socrate - Supposons en effet, dit Socrate, qu’un homme qui est fort souhaite être fort, qu’un homme qui est rapide souhaite être rapide, qu’un homme qui est en bonne santé souhaite être en bonne santé, car quelqu’un estimerait peut-être que, en ce qui concerne ces qualités et toutes celles qui ressortissent au même genre, les hommes qui sont tels et qui possèdent ces qualités, désirent encore les qualités qu’ils possèdent. C’est pour éviter de tomber dans cette erreur, que je m’exprime comme je le fais. Si tu considères, Agathon, le cas de ces gens-là, il est forcé qu’ils possèdent présentement les qualités qu’ils possèdent, qu’ils le souhaitent ou non. En tout cas, on ne saurait désirer ce que précisément on possède. Mais supposons que quelqu’un nous dise : « Moi, qui suis en bonne santé, je n’en souhaite pas moins être en bonne santé, moi, qui suis riche, je n’en souhaite pas moins être riche ; cela même que je possède, je ne désire pas moins le posséder. » Nous lui ferions cette réponse : « Toi, bonhomme, qui est doté de richesse, de santé et de force, c’est pour l’avenir que tu souhaites en être doté, puisque, présentement en tout cas, bon gré mal gré, tu possèdes tout cela. Ainsi, lorsque tu dis éprouver le désir de ce que tu possèdes à présent, demande-toi si ces mots ne veulent pas tout simplement dire ceci : "Ce que j’ai à présent, je souhaite l’avoir aussi dans l’avenir." » Il en conviendrait, n’est-ce pas ?

    (...) Dans ces conditions, aimer ce dont on n’est pas encore pourvu et qu’on ne possède pas, n’est-ce pas souhaiter que, dans l’avenir, ces choses-là nous soient conservées et restent présentes ?

    Agathon - Assurément, répondit-il.

    Socrate - Aussi l’homme qui est dans ce cas, et quiconque éprouve le désir de quelque chose, désire ce dont il ne dispose pas et ce qui n’est pas présent ; et ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas lui-même, ce dont il manque, tel est le genre de choses vers quoi vont son désir et son amour.

    Platon, Le Banquet, 200a-200e

     

  • l’amour est par essence apolitique (arendt) et c’est tres bien comme ca...rien n’empeche un couple ou un groupe d’etre une sphere privee au passage

    • L’amour est une révolution : plus l’ordre des choses est complexe, articulé et riche, plus terrible en est le bouleversement, plus difficile, dangereux et risqué le processus.

      ZZZZzzzzZZZZZzzzzz

    • je suis pour la dissociation de l’amour et de la politique, je suis farouchement méfiant contre l’irrationnel, bien que , justement j’en connaisse les charmes !

      la laïcité est une disposition intérieure librement choisie : pour que se développe la camaraderie, la fraternité, il faut méticuleusement greffer la raison sur la branche sauvage du sentiment !

      laisser "l’amour" investir le terrain politique, c’est ouvrir la porte à la passion pour un sur-être providentiel qu’on chérira d’autant plus tendrement qu’il deviendra le pire des tyrans !

      roseaupensant.gauchepopulaire.fr

    • TELLEMENT... http://roseaupensant.gauchepopulaire.fr/ ...BIEN-SENTI... ;-)

      [je te cite PARCE QUE je le désire] : "il faut méticuleusement greffer la raison sur la branche sauvage du SENTIment !"

      "que serais-je sans... TOI... BELLACIAO !" ;-)

      RBBR - http://wwwlavie.over-blog.com

    • LE "TOMBER AMOUREUX"

      Contre la solitude, solitude réelle ou solitude dans le couple ou la famille, certains ou certaines cherchent activement un(e) partenaire. D’autres non . Ils ou elles préfèrent la surprise de
      la rencontre amoureuse. Cela laisse encore à penser qu’ils attendent "la surprise", ce qui sans doute modifie l’effet de surprise. Mais peu importe ici. Mon propos est le "tomber amoureux" (et secondairement sa transformation en amour).

      Je vais l’aborder positivement car le « tomber amoureux » a été critiqué notamment par E Fromm au nom du concept spinozien de la passivité. Il est des individus, hommes ou femmes, hétéro ou homo, jeunes ou vieux, qui ne sont jamais vraiement « tombés amoureux » conjointement, ensemble . Il n’ont donc jamais connu cette expérience partagée de transcendance, cette surabondance de joie et de bonheur, ce surcroit de vie autant que de « plus-jouir » (Lacan)
      . Et celles et ceux qui l’ont connu n’ont pas toujours pu ou su le faire vivre, ce qui est autre chose. L’amour n’est pas un long fleuve tranquille.

      Cela va peut-être étonner mais c’est à Freud et non à Misrahi que je recours pour expliquer
      cette avantageuse émotion fusionnelle qui, si elle perdure, va se métamorphoser en amour En effet la référence à la tendresse est présente dans toute l’œuvre freudienne. Mais la tendresse n’est qu’un élément de la « love map » (ou « sexual-maps » selon Money) traduit en « carte du tendre » par Jean-Didier Vincent. Un texte de Freud, en 1912, « Deuxième contribution à la psychologie de la vie amoureuse. » distingue à ce propos nettement deux courants dans la psycho-sexualité, le courant tendre et le courant sensuel et érotique . Si l’amour ne se réduit pas à la sensualité, il ne peut pas non plus totalement l’éliminer. On ne peut tout sublimer.

      Le temps opère passage de la passivité du "tomber amoureux" à l’amour actif ("se tenir dans l’amour"selon Fromm). Si l’émotion relève de formes explosives de l’affectivité , les sentiments participent eux de phénomènes affectifs plus tempérés, plus stables (J Maisonneuve) . Mais les premiers états affectifs perdurent, et la passion s’inscrit alors dans la durée . L’émoi initial
      est entretenu, par des rites notamment (Neuburger), portant sur les deux désirs amoureux (R Barthes) /le pothos/, désir de l’amant absent et /l’himeros/ désir plus ardent pour l’amant présent.

      Revenons alors à l’émoi initial . /"Par quels indices ténus, subliminaux, les deux partenaires sentent-ils la correspondance ?"/ La magique rencontre amoureuse se traduit par la rencontre de deux « cartes du tendre ». C Chiliand précise que /« la sexualité de chacun a des particularités idiosyncrasiques, que nous appelons « cartes du tendre » . Elles incluent les particularités de
      l’excitation sexuelle, de sa montée et de sa résolution finale, le choix du partenaire et la formation du couple/ » La rencontre amoureuse opère l’ajustement, si difficile bien souvent, des deux
      ordres de la psycho-sexualité de chacun(e), homo ou hétéro, celui du désir érotique et celui de la tendresse. Car, comme l’écrit Pasini "/pour certains la tendresse est la "rampe de lancement de l’érotisme" pour d’autres elle ressemble à un doux somnifère. Elle entre alors en conflit avec l’érotisme qui implique non seulement jeu et communication, mais aussi surprise et transgression"./

      La rencontre amoureuse favorise donc au travers du plaisir sexuel "une synthèse du corps et de l’esprit" (R Misrahi) d’une part par une confluence paradoxale tendresse/animalité et d’autre part par fusion réconciliatrice ou même parfois régénératrice . Une confluence paradoxale car la sensualité ne peut se manifester qu’à l’égard de personnes /rabaissées /dit Freud et les cliniciens qui le suivirent . Ainsi tel homme est puissant avec des prostituées et impuissant avec des femmes estimées . Fusion réconciliatrice de "la mère et de la putain", de l’estime et de la vulgarité et même relativement régénératrice car les problèmes « sexuels » éventuels liés à la dissociation de la tendresse et de la sensualité peuvent disparaitre.

      Alors rédemption de la rencontre amoureuse ? Si "la passion amoureuse implique un investissement corporel et fantasmatique total dans un sensualité libéré de la peur, de la posséssivité, des scrupules perfectionnistes et de la volonté de dominer/" alors il ne faut pas attendre de la rencontre amoureuse un miracle. Mais G Tordjman met-il peut-être la barre un peu haut ? Reste que la rencontre amoureuse n’efface pas tout le passé et ne peint pas nécessairement "en rose" l’avenir . Ce que les psychanalistes entendent trop souvent,
      notamment P Babin, c’est la blessure "/de femmes bafouées, de femmes violées, de violences sexuelles faite par les hommes sur les femmes"/ Mais il ne s’agit plus là d’amour, mais d’invitation au combat pour l’égalité des sexes.

      Christian DELARUE


      Erich Fromm "L’art d’aimer"

      Colette Chiliand "Le sexe mène le monde" Calman Lévy

      Robert Neuburger "Nouveaux couples" O Jacob

      Robert Misrahi "Qui est l’autre ?" A Colin

      Docteur Gilbert Tordjman "Le couple : réalités et problèmes" Hachette

      "Eloge de l’intimité" Willy Pasini Payot

      "La fabrique du sexe" Pierre Babin Textuel

    • Sujet universel très intéressant, et si bien développé ici, avec des références ! On ne s’en lasse pas !