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de ZeDrX
Une réaction étonnante et saine d’Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue
Communiste Révolutionnaire (LCR) dans un entretien avec ses co-religionnaires
Philippe Corcuff et Daniel Bensaïd : il déclare tout bonnement s’être plus ou
moins fourvoyé ou du moins avoir perdu une bonne partie d’intimité et de développement
personnel pendant toutes ses années d’activisme politique !
Je cite : "l’activisme [...] implique une telle exigence de sacrifice que cela
effraie les autres, dont tu finis par te détacher [...] J’ai moi-même donné dans
l’activisme étudiant comme un con. Aujourd’hui je le regrette."
Alors là, moi je dis bravo ! J’applaudis des mains et des pieds ! Enfin un personnage politique national de ma génération qui soulève un problème qui me taraude depuis des années : cotoyant de près ou de loin des militants politiques depuis longtemps, j’ai toujours été effrayé par l’espèce d’inhumanité qui petit à petit les enveloppait.
Ce qui m’a toujours frappé, c’est le paradoxe suivant : la plupart des activistes militent pour des causes justes et essentielles mais opèrent de telle façon qu’ils se rendent parfaitement impopulaires. D’où ensuite un certain mépris élitiste de leur part qui achève de les isoler du corpus social.
C’est que le monde a beaucoup changé, les structures sociales mais aussi les mentalités et les savoirs, sans que certains ne s’en aperçoivent, tout engagés qu’ils sont dans des luttes politiques et des bras-de-fer incessants avec l’ordre établi.
Il m’est arrivé de rencontrer des jeunes de la LCR, justement, qui étaient admirables de motivation et d’envie de changer les choses mais qui, quand je leur expliquais mon métier, ne savaient pas ce qu’était un cadre d’entreprise ou une école d’ingénieur. Qui ne comprenaient pas quand je leur expliquais que les syndicats étaient inexistants dans la multinationale qui m’emploie. Et qui comprenaient encore moins quand je tentais de leur expliquer que je ne voulais pas que le secteur public fasse grève pour moi mais que je voulais me prendre en charge moi-même et faire évoluer les choses de l’intérieur, en dehors de toute perspective de lutte des classes.
Evidemment, ils étaient jeunes. Encore inexpérimentés. Ignorants la complexité du monde social qui heureusement ne se résume pas à un lumpenprolétariat écrasé par un patronat avide. Mais je percevais là-dedans un manque de recul, de réflexion sur soi et sur ses engagements.
Un autre exemple me vient en tête : un couple de ma connaissance, enseignants et également militants à la LCR. Gentils comme tout, dévoués, ouverts sur les autres. Mais terriblement seuls et isolés en fait. J’ai surpris une fois une bribe de conversation : ils sont deux, attablés - ils préparent une manif pour le lendemain, dans un lieu improbable qu’ils ont du mal à situer - elle explique qu’ils ont rendez-vous dans un parking souterrain, ils vont faire leur truc et ils savent même pas pourquoi - lui ne dit rien mais rit doucement, un rien désabusé. On dirait des moines-soldats qui sont en train de perdre le sens moral de leur mission.
Et la liste est longue de gens admirables au coeur sur la main qui finissent par jeter l’éponge. Humanisme broyé par la machine collective du parti, de l’association, du clan. Cette situation est valable quelque soit la couleur politique du militant d’ailleurs. Mais la spécificité de la gauche radicale est que ce mode de fonctionnement se heurte de plein fouet à la profonde humanité des valeurs défendues, conduisant à une sorte de schizophrénie qui voit la main gauche se tendre vers l’autre tandis que la main droite serre la kalachnikov qui doit buter le bourgeois.
Finalement, paradoxalement, les chantres de la liberté individuelle et de l’épanouissement et de la quête de soi sont les tenants de la société marchande et du capitalisme sauvage. Ou les religieux. Ces gens qui ont opprimé et continuent d’opprimer de larges secteurs de la population un peu partout dans le monde.
Donc merci Olivier pour ton message fort : moi aussi je suis individualiste, ce qui ne signifie pas que je sois indifférent aux autres, bien au contraire. Mais tant que l’affirmation de ma personnalité et de ma façon d’être provoquera les hurlements de la meute intolérante - au milieu de laquelle je me glisse parfois - qui prétend me guider moi et les autres vers le Juste et la Liberté, je continuerai à les mépriser et à poursuivre ma route seul. Comme beaucoup d’autres hélas.
La solitude seule permet l’introspection et la réflexion sur soi. La présence continuelle du groupe et de la communauté est aliénante. Il est bon de se retirer régulièrement, de penser pour soi, par soi, de se couper de l’agitation du monde. Puis de revenir pour partager ou pas ses nouvelles richesses. Plutôt qu’un monolithe menaçant et collectiviste, je préfère voir la solidarité sociale et humaine comme une interconnexion de cellules individuelles épanouies et ayant acquis du sens.
Plutôt qu’un "autre monde est possible", je préfère "5 milliards de mondes sont possibles" !
Peace.
http://zedrx.blogspot.com/2004/08/quand-besancenot-doute.html
Messages
1. > Quand Besancenot doute, 13 août 2004, 11:23
Excellent article qui dit, je pense, l’essentiel. Maintenant, je suis devenu un "vieux" méfiant. Qu’elle est la part de sincérité (de la part de BESANCENOT) dans de tels propos... et je sais de quoi je parle. S’il est sincère, alors OK, c’est bien, peut-être assistons nous à une "muration positive des jeunes militants" et j’applaudi des deux mains. Mais il peut s’agir aussi d’une opération purement "marketing" pour redorer le blason aprés la grande claque des dernières élections. Je phanfasme ? Pas tant que ça... avec la classe politique, tout est possible. Demeurons vigilants.
Nelson
1. > Quand Besancenot doute, 14 août 2004, 20:13
Olivier est comme ça.
2. > Quand Besancenot doute, 16 août 2004, 12:03
je boisdu petit lait
le petit facteur commence a prendre a peine conscience du trotskime
jb
1. > Quand Besancenot doute, 16 août 2004, 16:08
tiens le petit facteur besogneux fait on méa culpa
enfin une chose intélligente qui sort de sa bouche sans provoquer l’hilarité générale