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Quand le maire convie les habitants à la messe et subventionne le curé

Publie le mercredi 10 octobre 2007 par Open-Publishing

Trouvé sur un journal web d’informations d’un canton ornais http://www.pic-vert-moqueur.info

Soyons précis, tous les maires ne font pas de prosélytisme, tous les maires n’invitent pas leurs ouailles –pardon, leurs concitoyenNEs- à la messe à l’occasion des réjouissances municipales (repas annuel, inaugurations, …) mais beaucoup subventionnent le curé avec le fruit des impôts locaux. Que nous soyons juifs, musulmanNEs, protestantEs, hindouistes, agnostiques, indécrottables athéEs voire anticléricaux primaires, nous voilà touTEs catholiques romains par la force des choses.

Nos édiles ignorent-ils la loi de 1905 sur la laïcité et la séparation de l’église et de l’Etat ?

La loi qui renvoie la religion aux pratiques privées ne date pourtant pas d’hier : 1905 ! [1].

L’article 2 proclame :
« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence (…) seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. »

Mais il existe bien des façons de subventionner un culte en toute discrétion : louer un superbe presbytère au curé au prix de location d’une cage à hamster nain, prêter gracieusement pendant plusieurs jours la salle des fêtes aux communiantEs stagiaires du canton quand on la loue contre monnaie sonnante et trébuchante aux résidantEs du village, ce ne sont que quelques exemples.

Indemnités de gardiennage ou salaire au noir ?

Et puis, il y a les indemnités de gardiennage de l’église communale.

Dans le canton, toutes les églises sont communales. Les travaux, souvent très coûteux, mais aussi la plupart du temps l’entretien, le ménage, tout est payé par certaines communes, ce qui est fort aimable à elles quand cette église et tout son contenu sont mis à disposition gratuitement « des établissements publics du culte » [2] alors même que ces derniers sont censés avoir les obligations de toutE honnête locataire.

Admettons. Après tout, les vieilles églises font partie du patrimoine et nos impôts servent bien à financer des travaux dans des châteaux privés classés dont l’accès sera à jamais fermé aux contribuables, du moins jusqu’à la prochaine révolution …

Mais l’ « indemnité de gardiennage de l’église » est une toute autre chose. Cette « indemnité de gardiennage » que certaines communes versent annuellement au curé [3] s’apparente fort à un salaire –à peine !- déguisé.

L’invention de cette « indemnité de gardiennage » est quasiment aussi vieille que la loi sur la séparation de l’église et de l’Etat.

Très forts, les édiles catholiques romains se sont servis de cette loi qui reconnaît aux communes le droit d’« engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi » pour rétribuer le curé.

Deux arrêts du conseil d’État ont avalisé l’indemnité de gardiennage, en novembre 1911 et décembre 1912 mais à la condition qu’elle ne constitue pas une subvention indirecte au culte (prohibée par la loi) mais soit inspirée par le souci de la conservation du patrimoine communal : « Il s’agit de dépenses relatives à des objets qui sont la propriété des communes, tenues seulement de les laisser à la disposition des fidèles, et non de dépenses relatives à l’exercice du culte. » [4]

La générosité de certains conseils municipaux envers le « gardien » de leur église fut si extraordinaire que l’État fut obligé de réglementer : tous les ans, le bureau des cultes du ministère de l’Intérieur informe les préfets du montant maximum de l’indemnité, compte tenu de la revalorisation non moins annuelle.

Cette année, le maximum « pour un gardien résidant dans la commune où se trouve l’édifice du culte » est de 460,85 €. Et de 116,19 € « pour un gardien ne résidant pas dans la commune, visitant l’église à des périodes rapprochées.

Ces sommes constituent des plafonds » ...(Lettre du ministre de l’Intérieur aux Préfets, 24 janvier 2007.).

Sachant qu’un curé, crise des vocations aidant, peut avoir la charge de vingt églises communales ou plus, le cumul des indemnités de gardiennage constitue un joli treizième mois. Mais là n’est pas notre propos.

La fable du « gardiennage »

Interrogés au débotté lors d’une réunion du conseil de la communauté de commune, peu de conseillers municipaux prennent au sérieux la fable du gardiennage : « le curé vient faire 3 à 4 messes par an » disent ceux dans l’église de la commune desquels le curé ne met les pieds que pour y célébrer 3 à 4 messes par an. Il semble évident pour ceux-là que la commune rétribue l’abbé pour ces 3 à 4 messes.

D’autres, parfois les mêmes, pensent que le versement de cette indemnité est quasiment imposée par la loi !

A l’Hermitière, où l’église est ouverte une demi-douzaine de jours par an, journées du patrimoine et concert annuel compris, le « débat » sur l’indemnité n’a pas pris plus de 30 secondes, vote compris : « Voici l’indemnité proposée par l’État pour 2007, a dit le maire, 116,19€ pour un gardien n’habitant pas la commune, pas d’opposition ? pas d’abstention ? » [5] Pas de mention de « périodes rapprochées ».

Dommage, une discussion sur les notions de « gardiennage » et surtout de « périodes rapprochées » (peut-on considérer que 2 à 3 apparitions du curé par an sont des « périodes rapprochées » ?) aurait pu enrichir la pensée philosophique sur le temps et sa relativité.

Les communes de St-Agnan et St-Hilaire sur Erre ne versent plus rien : il n’y a plus de curé affecté à ces « paroisses ».

Au Theil-sur-Huisne, la commune verse 460,85 € : le curé habite en face de l’église, au presbytère. C’est la seule commune du canton qui compte un curé résidant.

A Bellou-le-Trichard, la commune verse 76 €, à Mâle 116,19 €, à La Rouge la commune verserait un peu plus que le maximum autorisé (137 €) pour un gardien non résidant selon des conseillers qui en rigolent, et à Gémages, le conseil qui trouve le maximum réglementaire de l’indemnité trop faible vient de voter [6] 220 € (contre 190 € l’an dernier).

A Ceton, où le curé à ses habitudes (il y a résidé un paquet d’années) et où l’institution catholique romaine règlerait en bonne locataire les factures d’entretien de l’église (chauffage, électricité), l’indemnité de gardiennage resterait dans la « norme », selon le maire et un conseiller municipal mais il a été impossible d’obtenir l’information sur la somme versée malgré plusieurs relances : le maire prétend ne pas en connaître le montant et les secrétaires ont reçu la consigne de ne pas divulguer cette information [7].

Peut-être pratique-t-on à Ceton une « norme » à la façon de St-Germain-de-la-Coudre.
Là, l’église est fermée depuis plus d’un an, peut-être deux.
Adieu indemnités de gardiennage ? Pas du tout !
Au contraire, la commune verse 560 € !

Explication : il y a très longtemps, le curé résidait à St-Germain de la Coudre et à l’époque, le budget alloué au gardiennage était laissé à la libre appréciation des conseillers municipaux. Et leur appréciation était élogieuse. Quand le curé est parti pour Ceton, l’indemnité de gardiennage a été maintenue, quoique la somme n’ait pas été augmentée depuis. Au titre des « avantages acquis »

Que dites-vous ? « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » ?


[1sauf en Alsace et en Moselle pour des raisons historiques

[2Bon à savoir : article 13 de la loi de 1905 modifiée en 1998 : « La cessation de cette jouissance, et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (…)
2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d’être célébré pendant plus de six mois consécutifs. »

[3dans certaines communes hors de ce canton, elle est versée à une personne qui s’occupe réellement de l’église

[4Conseil d’État statuant au contentieux, N° 34574 35331, 13 décembre 1912

[5Conseil municipal du 7 septembre 2007

[6le 14 septembre 2007

[7Ces documents sont pourtant publics, en théorie