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RENFORCEMENT, REVENDICATIONS, ORGANISATION, REPRÉSENTATIVITÉ
Publie le dimanche 10 juin 2007 par Open-Publishing1 commentaire
Liberté 62 n°760 - Le 8 Juin 2007 – p.6 et7 -Social
LES SYNDICATS CGT NORD/PAS-DE-CALAIS DE L’AGROALIMENTAIRE ONT TENU LEUR CONGRÈS
RENFORCEMENT, REVENDICATIONS, ORGANISATION, REPRÉSENTATIVITÉ
Par Pierre Pirierros
UN congrès est toujours un moment intense dans la vie syndicale, aussi celui de l’Union régionale CGT agroalimentaire et forestière a tenu toutes ses promesses, mercredi dernier, à Boiry Sainte Rictrude, à proximité des unités sucrières Téréos.
Raymond Roels, le secrétaire, a dressé un vaste tour d’horizon des préoccupations des salariés dans un secteur déterminant pour la vie économique du Nord/Pas-de-Calais. Plus de 45000 emplois et près de 4000 établissements. On connaît la place importante de l’agriculture et des activités qui la soustendent dans notre région : les interventions des délégués des 32 syndicats et organisations locales furent l’occasion de pointer du doigt les méfaits du patronat, dans le carcan de l’Europe du Capital. Ce congrès se situe entre deux échéances électorales déterminantes, ce qui amène le secrétaire régional à déclarer “nos convictions sont mises à rude épreuve.”
“Arrêter le massacre des emplois”, ce mot d’ordre, fut repris par les syndicalistes, ainsi que le maintien et le développement des acquis, salaires, emplois, retraites, 35 heures, protection sociale. Les récentes élections aux Chambres d’agriculture ont placé la CGT à la première place dans les collèges ouvriers (3A et 3B), avec 39 % des voix dans le Nord et 42,50 dans le Pas-de-Calais et cela dans un contexte précis de pressions patronales et d’intimidation vis-à-vis des syndicalistes et, surtout, des syndicalistes cégétistes. La lutte pour les salaires (smic à 1500 euros, l’embauche à 1600 euros et 300 euros tout de suite) était au centre des travaux de ce huitième congrès. Les témoignages des délégués des entreprises que ce soit dans le Nord ou le Pas-de-Calais sont édifiants. En voici, quelques exemples.
Moy Park : la pénibilité au travail
La déléguée de Moy Park (Hénin-Beaumont) a ouvert le feu des interventions des délégués en axant son exposé sur la pénibilité au travail. La réalité du terrain est intimement liée à la santé au travail et il est hors de question de ne pas se saisir du comité d’entreprise et des CHSCT pour ne pas poser clairement le problème des cadences et des accidents du travail. La CGT, après six ans d’existence est arrivée en tête des élections professionnelles, ce qui est un gage de confiance de la part des travailleurs de cette unité de production et de conditionnement de volailles. “La casse de l’emploi, dit-elle, n’est pas une fatalité, elle est organisée ; des moratoires peuvent voir le jour mais ce qui compte pour les salariés, c’est leur poste de travail”.
Lesaffre : la direction omet de déclarer les accidents
Malik, délégué chez Lesaffre, (production de levures) est lui aussi catégorique, “l’emploi est une donnée récurrente et chez nous la casse de l’emploi est synonyme de dangerosité au travail et de pénibilité. À chaque accident du travail, nous envoyons les rapports du CHSCT à la Cram et à l’Inspection du travail, ce qui ne plaît pas du tout à la direction car elle veut à tout prix masquer la réalité et éviter les sanctions. La pratique courante de la direction est donc la division, (diviser pour mieux règner) et elle s’appuie sur de “petits chefs” qui n’ont qu’un but, suivre les objectifs de productivité ! Lorsque des accidents du travail surviennent chez les intérimaires, c’est une autre histoire et l’intérimaire n’a plus de contrat. C’est arrivé, récemment, à l’emballage où un intérimaire a eu le bras happé et il ne fut plus repris. Les fortes manutentions amènent des alertes de chaque instant, c’est le rôle du syndicat de prévenir de toute cette situation. Après huit heures de travail quotidien, nous sommes totalement “lessivés”... Quant aux retraités, ils arrivent à la fin de leur vie professionnelle complètement cassés. C’est pour cela que nous revendiquons la retraite pleine et entière à 55 ans. C’est dans nos professions que nous connaissons le plus fort taux d’accidents mortels du travail, 52 en 2005. Il faut tout faire pour arrêter ce massacre.”
Les remarques, les précisions à partir du vécu rebondissent sur les revendications pour l’amélioration des conditions de travail et l’arrêt des cadences infernales.
Heineken : La suite du plan social
Christophe, délégué, chez Heineken (Mons-en-Baroeul), revient, lui, sur le plan social qu’ont subi les salariés de ce grand nom de la brasserie. “Nous sommes sur le couperet de ce plan social depuis 2005, la direction veut faire toujours plus de bénéfices mais dans le même temps, elle baisse les effectifs. Ce qui conduit à des amplitudes de travail très intenses avec, à la clé, le chantage permanent à l’emploi. La charge de travail augmente de semaine en semaine et les accidents du travail ne sont pas, dans cette situation, un fait du hasard. Nous avons connu huit accidents du travail depuis le début du mois de janvier alors que les autres années nous en avions trois ou quatre par an. Ce sont bien ces conditions de travail désastreuses liées à la charge trop importante de travail qui sont à l’origine de ces accidents. Et le moindre prétexte de revendication est un risque de licenciement, dans un cycle suivant : toujours plus de bénéfices pour l’entreprise avec plus de travail et moins de personnel. Le stress y est permanent. Les cadres sont dans cette configuration et certains commencent à quitter l’entreprise. Ils ne se reconnaissent plus dans l’exercice de leur qualification. Les machines n’ont subi aucune amélioration alors que le personnel subit la loi du plus fort. Les pauses “toilettes” sont scrupuleusement minutées. C’est un climat de massacre de l’emploi et un massacre que l’on vit au jour le jour.
Delacre : Des pressions de toutes sortes
“Pressions, doutes, suspicions, régression sociale, la déléguée de Delacre à Nieppe, indique toutes ces notions pour présenter son entreprise ; une entreprise où les contredames ont été remplacées par des superviseuses au zèle extrême. Ce qui donne une ambiance sociale des plus détestables. Rien que pour l’année 2006, nous avons connu 308 accidents, des accidents bénins, certes, mais qui montrent bien l’allure du travail, les fortes cadences, les pressions de toutes sortes. Des faits graves sont à signaler comme la non déclaration par la direction de tous ces accidents du travail pour éviter les pénalités qui s’en suivent. Il n’y a pas de fatalité à tout cela. La direction emploie le chantage de la perte des marchés et veut augmenter la rentabilité sur les postes de travail et les chaînes de production. La sécurité et la santé au travail sont des revendications extrêmement précises et circonstanciées et le chantage du travail de nuit est employé comme un argument de répression. Le médecin du travail qui connaît bien la santé du personnel subit, elle, aussi, des pressions constantes de la part de la direction.
Dépressions, stress, sont des termes qui reviennent sans cesse et cela au jour le jour. Nous sommes 460 actuellement. Plus de 50 personnes sont en arrêt et la direction met toutes sortes d’embûches pour ne pas reconnaître la maladie professionnelle. Les conditions de travail sont désastreuses.”
Ferme de la Gontière : L’arrivée de salariées de Pologne
cong-agro-1-html-43bbc956.jpgÉric est le délégué CGT dans cette entreprise spécialisée (à Comines) dans le conditionnement des champignons avec une forte implantation dans ce marché. Derrière l’image de marque se cache, en réalité, des rapports difficiles entre les salariés et la hiérarchie. Le propriétaire n’est autre qu’un Dalle, dont la famille a usé et abusé des travailleurs dans le textile et le papier. Les accidents du travail se chiffrent à 80 pour l’année 2005 et les syndicalistes ont des difficultés à faire leur travail au sein des CHSCT. Et Éric de dénoncer toute l’ambiance qui y règne. “Récemment, la direction a fait venir des salariées de Pologne, avec l’accord de l’Inspection du travail mais avec des conditions de salaires différentes et les chiffres d’embauche seront revues à la hausse d’ici septembre prochain. L’astuce de la direction consiste à “offrir” des vélos pour ce personnel afin de se déplacer plus facilement... et envisage de les “faire loger” à l’intérieur même de l’entreprise dans des maisons de fortune afin de mieux les exploiter. L’amplitude de travail quotidienne va de 5 heures à 15 heures avec une pause à 7 heures. Les conditions de travail sont une préoccupation constante. Nous intervenons régulièrement auprès de l’Inspection du travail. Notre rôle est la défense du personnel, de tout le personnel. La direction, elle, veut faire diversion en utilisant une main d’oeuvre venue de Pologne. On sait dans quel but.”
Dessaint : 27 dossiers aux Prud’hommes
L’enseigne est visible de l’autoroute A1, dans le sens Lille-Paris, sur la zone Artoipole, à Arras, mais là s’arrête l’image de marque de cette société de pâtisserie et de légumes (crêpes sucrées et salées et salades composées individuelles). Bien que jeune syndicat, la CGT vient de remporter les élections professionnelles au comité d’entreprise., ce qui déplaît fortement à une direction qui vient de céder la société à un groupe de taille plus importante. Ce qui n’empêche nullement les syndicalistes cégétistes de faire leur travail. Il faut dire qu’actuellement, 27 dossiers de salariés de Dessaint sont aux Prud’hommes. L’agrandissement de l’unité n’est pas sans rapport avec la dégradation des conditions de travail.
Malteries Modernes : Fermeture après 150 ans d’existence
Dany Duhamel, secrétaire de la CGT des Malteries modernes, revient sur la fermeture des Malteries Modernes à Marquette, après 150 années d’existence, dans un climat délétère, il va sans dire. Le marché difficile de la levure et du malt fut un prétexte à un bradage complet de l’entreprise. Les salariés (moins d’une centaine) ont entamé avec la CGT un grand combat contre la fermeture et le plan social. Ils étaient soutenus par l’Union régionale des syndicats de l’agroalimentaire dont le secrétaire Raymond Roels. Chaque plan social comporte un volet formation et c’est là dessus que se base la direction pour dire que c’était un bon plan social. La réalité est toute autre, car avec une pyramide des âges élevée, il est difficile de retrouver du travail, notamment, dans un secteur géographique où le tertiaire est prédominant. Quant au statut de “personnel protégé” de Dany Duhamel, il n’en est rien, l’Inspection du travail a refusé son licenciement, mais, affaire classique, la direction a fait appel au ministère du travail et à la justice pour casser l’avis de l’Inspection du travail. Pour l’heure, le secrétaire de la CGT, est donc, en voie de licenciement.
Herta : Des augmentations de salaires a minima
Herta à Saint-Pol-sur-Ternoise est une unité importante avec un effectif de 800 personnes. Claude Laurent est le secrétaire de la CGT et ne cesse de dénoncer avec tous les salariés la course aux bénéfices alors que le coefficient correcteur des salaires ne leur est en rien profitable, bien au contraire. Récemment, au CCE, la direction a évoqué la place importante de la participation donnée aux salariés alors, d’un seul coup, elle décide de baisser le taux ; le salaire moyen tourne autour de 1000 euros, ce qui est, ni plus, ni moins, qu’une baisse significative du revenu. Et Claude Laurent de situer le contexte difficile du travail syndical. “La direction, dit-il, fait tout pour nous diviser et exerce des pressions constantes sur les délégués afin qu’ils rentrent dans son giron. Nous avons maintenu, tout de même, un poste au CHSCT. Quant aux augmentations des salaires, la direction les ignore tout en plaçant la discussion dans le cadre des conventions collectives et des 2 % d’augmentation légale pour 2007. Ce qui implique une règle générale de tirer les salaires vers le bas, avec une participation en forte diminution et une grille unique à établir d’ici 2010. Les conditions de travail, les horaires, sont des revendications récurrentes. La direction d’Herta, elle, voudrait appliquer le travail sept jours sur sept avec les 4X9 et les “VSD”. L’ambiance sociale est difficile, toujours par la pression exercée sur la CGT alors que la CGC et FO “roulent” pour la direction. La direction a même osé offrir aux salariées une rose pour la fête des mères, paternalisme quand tu nous tiens... La question qui se pose à nous, syndicalistes cégétistes, est de bien peser les conditions du combat pour l’emploi. Quant à la sécurité, autre revendication récurrente, elle est au centre de l’action syndicale. Nous savons que les sacrifices ne sont pas les mêmes pour tous.”
Blé Or : La boulangerie industrielle se porte bien
La boulangerie industrielle est un secteur qui a le vent en poupe, comme chez Holder, (enseignes Paul) et la CGT de stigmatiser une politique destructrice de l’emploi. La direction essaye d’imposer sa loi alors qu’elle refuse de déclarer les accidents du travail pour ne pas être pénalisée. Voilà le contexte, chez Blé Or,(au MIN à Lomme) où la CGT reste majoritaire.
Messages
1. RENFORCEMENT, REVENDICATIONS, ORGANISATION, REPRÉSENTATIVITÉ, 10 juin 2007, 10:08
Immense respect pour cet article...
Permettez un peu d’humour pour se détendre : si on minutait mon p’tit pipi, c’est aux urgences qu’il faudrait m’envoyer pour me faire évacuer par sondage. Et ça, ça leur coûterait beaucoup plus cher que quelques minutes de travail. Comment leur expliquer ?