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ROME : l’Europe sans les Européens

Publie le dimanche 31 octobre 2004 par Open-Publishing


de GIANNI ROSSI BARILLI

Il est inutile de lire tout le traité constitutionnel européen pour se faire
une idée de la distance abyssale qui sépare l’Europe de papier de l’Europe réelle,
au moins si l’on est d’accord sur le définition (de l’auteur de politique fiction
Philip K.Dick) selon laquelle "la réalité est ce qui se refuse à disparaître
même quand on a fini d’y croire". Pour mesurer la distance, en fait, il suffit
de penser au contexte physique dans lequel se sont déroulées les cérémonies de
la signature du traité.

Une bonne part du centre de Rome a été transformée en une énorme "zone rouge" archi-blindée et désertée, dans un panorama désolé d’automobiles bleu hyper arrogantes et quelques touristes disséminés, pris sur le fait par la police alors qu’ils essayaient d’enfreindre les "dispositifs de sécurité". De fait, les Romains ont été soigneusement tenus à distance comme représentants des plus de 450 millions de citoyens européens, autant dire qu’il n’y a pas d’illusion excessive à se faire sur les potentialités démocratiques des nouvelles règles continentales. Il est vrai que les ailes de foule exultante qui applaudit aux célébrations du pouvoir ne sont pas en soi une garantie de participation démocratique (ce serait plutôt de régime plébiscitaire) mais faire disparaître complètement de la scène pour des raisons "de sécurité" tout être humain n’ayant pas d’autorisation ne l’est pas non plus.

En revanche, ceux qui n’ont justement pas voulu rater l’évènement ont pu apprécier en direct télévisuel la signature qu’on a chargé une société privée de filmer à la place de la TV publique, sous la supervision de Franco Zeffirelli en tant que cinéaste de confiance de Berlusconi. Cela revient à dire que la nouvelle Europe naît aussi symboliquement privatisée, en plus d’être en circuit clos.

Et pourtant, il y a quelque chose à fêter même en dehors des rhétoriques présidentielles de circonstance. Parce que, volontairement ou non (on peut discuter là-dessus), la Constitution européenne confirme, sinon l’existence, au moins la nécessité d’une Europe des citoyens. Et elle la confirme surtout pour ceux qui ne sont absolument pas satisfaits des processus agrégatifs sur des bases financières et sécuritaires que les puissants européens ont jusqu’à présent voulus et gérés. Désormais la dimension, pour le moins continentale des maux et des remèdes de nos démocraties ne peut plus être éludée par personne. A commencer par les gauches socialistes et politiques qui semblent y avoir cru beaucoup moins que leurs adversaires. L’Europe est faite. Maintenant faisons les Européens.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/30-Ottobre-2004/art22.html