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Rapatriements

Publie le samedi 22 juillet 2006 par Open-Publishing
1 commentaire

Réflexions sur le French Paradox

(Ou comment être fan de « Jamais sans ma fille » et souhaiter l’expulsion des enfants sans papiers).

par Keyvan Sayar

Il y a quelques mois à Dublin dans une nuit froide de l’hiver irlandais, nous étions une petite centaine réunis à l’extérieur de la prison où dormait Pamela Enitan Izevbekhai. Nous étions venus soutenir une criminelle, la réconforter, puis aussi passer un message à la société, au monde. Le crime honteux et horrible qui lui valait d’être incarcérée c’était d’avoir voulu sauver ses filles d’une mutilation génitale forcée ; l’excision, une pratique jugée barbare et inhumaine en occident, étant encore monnaie courante dans de nombreux pays d’Afrique, et notamment dans le sien (au Nigéria). Elizabeth, une des trois filles de Pamela, était morte des suites d’une excision. Comme cela arrive souvent, la petite fille de 18 mois avait été « opérée » au couteau et avait perdu trop de sang pour pouvoir survivre. Pamela, prête à tout pour sauver ses deux autres filles, quitta son pays et demanda l’asile en Irlande. C’est suite au rejet de sa demande qu’elle fut incarcérée à Dublin. Dans les médias comme dans les pubs les avis étaient partagés. Certains voyaient en Pamela une femme courageuse et exemplaire qui méritait de rester, d’autres soulignaient que si on autorisait celle-ci à rester des milliers voire des millions d’autres femmes demanderaient l’asile en Irlande. Pour ces derniers il fallait se montrer pragmatique et ne pas faire de sentimentalisme.

Aujourd’hui quand je lis les histoires d’expulsions (notamment d’enfants) dans la presse française c’est à Pamela que je pense, à tant de gens, tant de juges qui se sont dit « c’est vrai que c’est grave, c’est vrai que c’est tragique, mais ce n’est pas notre affaire ». Le sentimentalisme est pourtant accepté et pratiqué quand il s’agit de « nous ». Le journal télévisé de la RTBF du 18 Juillet parlant des évènements au Liban a consacré un long sujet aux 29 Belges qui devaient quitter le pays. Les bombardements du Liban faisaient bien sûr l’objet d’un petit sujet mais ce qui intéressait le plus la rédaction c’était le sort d’une poignée de gens. Même chose pour Le journal de France 2 du même jour qui s’est concentré sur les ressortissants français prenant un ferry pour Chypre où ils seraient mis à l’abri. Le ministère français des affaires étrangères y avait envoyé entre autres des psychologues pour enfants (pour prendre soin de « nos » petites têtes blondes). Quand il s’agit de « nous », des « nôtres », tout ce qui est faisable doit être fait. L’opinion publique - semble-t-il - ne pourrait pas supporter qu’il en soit autrement.

Quand c’est Betty Mahmoody, une Américaine bien « comme nous » qui se fait prendre au piège de la barbarie avec sa fille, alors c’est un scandale. Madame Mahmoody est devenue une héroïne en parvenant à s’échapper d’Iran avec sa fille (où elles étaient séquestrées par son mari). Elle a raconté sa tragique histoire dans un livre qui s’est vendu à des millions d’exemplaires. Il a même fait l’objet d’une adaptation au cinéma qui a connu elle aussi un certain succès. Le bien fondé de la guerre en Irak a seulement commencé à être mis en doute par les médias américains à partir du moment où leurs soldats ont commencé à rentrer au pays dans de petites boîtes en bois. Pas au moment où on a revélé que des armes à l’uranium appauvri avaient été utilisées, pas au moments où on a montré que des milliers de civils étaient tués, pas au moment où on a perçu l’hostilité des Irakiens envers les troupes de la coalition. De même en France, le pays entier s’est mobilisé pendant des mois pour demander la libération de trois journalistes pris en otage en Irak (MM Chesnot, Malbrunot et plus tard MmeAubenas)... mais personne ne s’est mobilisé de façon équivalente pour demander que l’on cesse de terroriser et tuer des millions de civils innocents. N’y avait-il pas pourtant parmi tous ces civils irakiens au moins quelques innocents ? Ne serait-ce que trois ? Des gens qui auraient pu faire un beau métier avec l’ambition d’informer les gens ? Des gens qui voulaient aider les autres et faire le bien autour d’eux ? Pour faire notre omelette fallait-il que l’on casse leurs œufs ?

Comment se fait-il que la mort d’un occidental nous peine plus que la mort d’un non-occidental ? A moins qu’il ne s’agisse de quelqu’un que l’on connaissait, à qui l’on était attaché, pourquoi pleure-t-on plus pour Julie que pour Fatima ? Ne trouve-t-on pas des gens « bien » partout ? N’y a-t-il pas partout des gens avec des cœurs, des rêves, des gens qui aspirent à une vie meilleure ? L’amour est-il moins fort entre des gens qui parlent swahili qu’entre des gens qui se disent « I love you baby » ? Peut-on faire une hiérarchie des nations à partir de laquelle on décidera qui a et qui n’a pas le droit de vivre ? Peut-on construire une société de liberté et d’égalité en droit, se battre pendant des décennies pour faire exister ces valeurs, les promouvoir dans le monde puis ensuite reprocher à des étrangers d’espérer, eux aussi, avoir accès à ces droits ? Quelqu’un qui ne supporterait pas la dictature et la misère peut-il reprocher à quelqu’un d’autre d’avoir tenté de les fuir ?

C’est pourtant ce que nous faisons. Parce que notre confort coûte déjà assez cher. Parce que nous pensons que ne sommes pas responsables de ces gens, qu’ils n’ont qu’à se débrouiller. C’est peut-être complètement fou et utopique de vouloir abolir les frontières mais n’est-il pas également fou de croire que les gens qui vivent dans la misère ou la terreur vont juste rester calmement assis sur leurs derrières en attendant que ça se passe. Le désarroi radicalise la pensée, alimente les extrémismes. Nous sommes tous co-responsables de notre petite planète bleue, il convient donc, ne serait-ce qu’à ce titre, de se traiter les uns les autres avec davantage de respect.

http://www.rezolibre.com/ezine/cat_...

Messages

  • Tellement vrai ; et tellement odieux , ...... cette difference de traitements

    faut -il que les medias DE MASSE , et donc aussi les journalistes , ..nous prennent toujours pour des abrutis sans cervelle et sans coeur
    cela fait tellement longtemps que je le pense , sans l’ avoir ecrit

    merci de nous transmettre de tels messages

    cela reconforte un peu , dans ce monde ignoble

    je ne ferais que SOUHAITER que tous ceux qui le peuvent , inondent de ces messages les medias, les radios, les forums, les elus
    les journalistes, les intellectuels,les artistes, les professeurs, ou sont ils ?
    ceux qui vendent des millions de livres ou sont ils ?
    ceux qui vendent des milliers de disques , dvd etc ou sont ils ?
    Nos deputes ou sont ils ?

    TOUS CEUX qui ne s elevent pas contre ces atrocites devraient etre boycottes

    POUR ENFIN FAIRE BOUGER LES CHOSES

    QUE DEUX MILLE PERSONNES SELON POLICE À PARIS, sans doute bien PLUS, mais C EST PEU , POUR SE REVOLTER
    DES MILLIONS POUR KLAXONNER POUR LE FOOT, AVOMIR , MAIS COURAGE À TOUS

    CE SITE BELLACIAO, ME DONNE BEAUCOUP DE FORCES