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Réforme du contentieux administratif ... les précaires seront empêchés de faire valoir leurs droits
Publie le lundi 6 novembre 2006 par Open-PublishingRéforme du contentieux administratif
Déjà invisibles, les précaires seront empêchés de faire valoir leurs droits
02/11/2006 Comment désengorger la juridiction administrative ? En empêchant dy accéder ceux qui en ont le plus besoin !
Un projet de décret prévoit une réforme radicale du contentieux administratif : à la faveur de lintroduction de lobligation de quitter la France (OQTF) pour les étrangers faisant lobjet dun refus de séjour et de linstauration dun recours suspensif contre cette mesure [1] <http://www.gisti.org/doc/actions/20...> , cest tout le contentieux administratif des administrés les plus précaires qui va être entravé à partir du 1er janvier 2007.
Devant un engorgement croissant des juridictions administratives, ce projet de décret prévoit détendre considérablement le champ dapplication des ordonnances décidées par les seuls présidents de formation de jugement, donc sans audience publique et sans examen sur le fond. Cest la logique du rendement, seule exigence qui semble désormais compter pour la juridiction administrative au détriment de la qualité de la justice rendue et de laccès au droit des justiciables.
Il en serait ainsi quand les recours qui lui sont adressés ne comportent que :
des arguments de forme « manifestement non fondés » ;
des arguments « irrecevables » ;
des arguments « inopérants », tels est-il précisé « linvocation dune circulaire dépourvue de caractère réglementaire », autrement dit, linvocation dune circulaire de régularisation ;
des arguments non assortis « des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé » ;
des arguments assortis que « de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ».
Autant dire dans ces conditions que les requêtes rédigées sans le concours dun professionnel du droit auront peu de chance de passer le « tri ».
On reproche aux administrés les plus démunis les « sans » et autres « invisibles » - sans papiers, sans logement, sans travail, handicapés, bénéficiaires des minima sociaux , étudiants, travailleurs pauvres, dencombrer les prétoires administratifs pour faire valoir les droits quon leur dénie par des requêtes mal rédigées, mal motivées ou ne respectant pas les règles formelles. On leur reproche aussi, et surtout, de ne pas maîtriser suffisamment la langue française.
Au lieu de sinterroger sur les raisons qui poussent les plus précaires, face à des décisions toujours plus incompréhensibles, arbitraires et souvent illégales, à se tourner vers le juge, on cherche à restreindre drastiquement leur accès au droit.
Le parti pris du projet de décret est donc dévacuer leurs requêtes en dehors de la formation collégiale et du regard du commissaire du gouvernement, pour confier ce contentieux des « invisibles » aux assistants de justice, et ainsi de leur rendre laccès au juge administratif toujours plus difficile.
La justice administrative y augmentera sans doute sa productivité mais les droits des requérants seront réduits à peau de chagrin.
Les premières victimes de cette nouvelle réforme seront, bien évidemment, les étrangers, relégués dans lirrégularité par le caractère sans cesse plus restrictif des critères fixés par la loi pour accéder à un titre de séjour.
Eriger les tribunaux administratifs en citadelles inaccessibles à ces administrés ne répond pas aux motifs de fond de lexplosion du contentieux administratif des exclus.
Lencombrement de la juridiction administrative trouve ses causes dans linflation législative, la complexité croissante des dispositifs légaux, la faiblesse des relais sociaux, et pour les étrangers, la précarisation des catégories de « plein droit », le caractère sans cesse plus discrétionnaire des critères fixés par la loi (comme les notions « dintégration républicaine dans la société française » ou de « respect des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République), larbitraire des pratiques des guichets ou encore la suppression des mécanismes de prévention du contentieux.
Ces dernières années, chaque réforme du statut des étrangers sest systématiquement accompagnée dun accroissement du contentieux administratif, puis de restrictions à laccès des étrangers aux prétoires administratifs.
Les organisations signataires refusent cette logique et demandent labandon de la réforme du contentieux administratif en cours.
Elles insistent sur leur attachement à la soumission de l’administration au droit et donc au juge, pilier de l’État de droit. Exclure des tribunaux les exclus du droit aura sans nul doute un effet statistique important. Pour autant ni la démocratie, ni les droits fondamentaux n’y gagneront.
Paris, 2 novembre 2006
Cimade
Gisti
Ligue des droits de lhomme
SAF (Syndicat des avocats de France)
Syndicat de la magistrature
[1] <http://www.gisti.org/doc/actions/20...> Article L 512-1 du Ceseda issu de la rédaction de la loi du 24 juillet 2006.