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Réponse à l’AFP...J.M. Rouillant

Publie le mardi 4 octobre 2005 par Open-Publishing

Contrairement à ce que rapporte une dépêche de l’AFP du mois d’août, je n’ai jamais déclaré devant le TAP que mon engagement dans la lutte armée européenne avait été une erreur.

Au contraire, je revendique dans sa globalité l’héritage politique de l’organisation Action Directe et à travers elle, celle du Front Anti-impérialiste commun aux forces de la guérilla européenne. Du premier jour jusqu’à mon arrestation en février 1987 et depuis 20 ans dans le monde carcéral, je suis fier d’avoir lutté aux côtés de centaines de camarades. Certains sont morts, d’autres ont été brisés, leur souvenir ne m’a quitté et je ne pourrais jamais les trahir.

Je suis profondément attaché aux valeurs et orientations que nous avons défendues durant une décennie de résistance armée. Et en particulier lors des deux ultimes années de notre combat clandestin, lorsque nous avons mené les campagnes contre les agressions impérialistes dans les pays dépendants. Comme lors des opérations contre la restructuration indispensable à la mise en ½uvre du nouveau modèle néolibéral et de précarité généralisée.

Certes nous avons échoué. C’est une évidence. Mais cette défaite comme la défaite des principales forces communistes et progressistes à la fin des années 80, n’implique aucunement le manque de validité de nos choix ni de notre combat pour la transformation des rapports sociaux. Il est vrai aussi que dans ces attaques comme dans toute action pratique des erreurs ont été commises. Et nous revendiquons également le droit de commettre des erreurs. Cependant leur étude ne peut se mener devant des tribunaux mais seulement dans un travail historique sérieux à la seule fin de retransmettre une expérience basée sur un vécu réel et non sur les balivernes de la contre-propagande.

Il est indéniable qu’en 20 ans, les conditions historiques ayant été le terrain de notre engagement ont été bouleversées. De notre temps, la seconde guerre froide entre les forces impérialistes et les pays soviétiques constituait la contradiction principale. Elle imprimait ses rythmes aux réalités de classes et aux mouvements de libération des peuples opprimés.

Mais depuis les années 90, de nouvelles conditions sont apparues. Les guerres impérialistes se multiplient et ravagent des populations entières au Moyen Orient ou en Afrique mais aussi en Europe dans les Balkans comme dans le Caucase. Ailleurs la misère et l’exploitation intensive ont fait régresser les conditions des travailleurs et des plus faibles. La nature barbare des profits semble sans limite. Et pour l’instant, le mouvement révolutionnaire dans les métropoles n’a pas pu ni su dégager les orientations d’une nouvelle offensive correspondant aux dynamiques de globalisation et de puissante hiérarchisation qui en découle. Pourtant c’est dans le centre que la résistance devra assumer un rôle essentiel dans son lien avec les forces populaires des pays du Sud et elle ne se satisfera pas d’une solidarité platonique.

Je suis militant communiste et comme tel je pense que par principe la violence révolutionnaire est essentielle lors des principales phases du processus de libération. Avec la militarisation des centres de pouvoir et leurs consolidations sécuritaires, elle acquiert à l’évidence des caractères stratégiques liés à chacune des étapes décisives comme au but final de notre lutte.

Je ne parle pas à l’imparfait car la lutte armée n’est pas du passé. Elle est la pratique bien réelle de milliers de combattants révolutionnaires sur plusieurs continents. Au quatre coins du globe, la résistance existe. Des hommes et des femmes empoignent les armes de la libération. La guérilla en Colombie ou celle des populations arabes contre le colonialisme sioniste et les agressions américaines en sont les démonstrations les plus éclatantes. Et j’appartiens à ce camp sans l’ombre d’une ambiguïté.

Par la force, jusqu’à la torture de l’isolement total, ou par le mensonge, le système tente de nous imposer le repentir. En vain, car nous nous revendiquons toujours du camp de ceux qui souffrent et de ceux qui luttent. Nous ne trahirons rien par peur de la prison. Et nous assumerons jusqu’au bout nos responsabilités passées comme notre rôle actuel de prisonniers communistes.

J.M.Rouillant