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L’éclatement de la Géorgie : résultat possible de la rivalité entre
Américains et Russes pour contrôler la région et les pétroles de la
Caspienne.
La Russie va-t-elle jouer la carte de l’éclatement de l’état géorgien ?
Ce pourrait être une réponse au coup d’état perpétré à Tbilissi avec
l’appui des Etats-Unis, plus connu sous les appellations médiatiques de
"révolution de velours" et "révolution de la rose".
Les minorités se sentant menacées par les nationalistes désormais au
pouvoir sont allées exprimer à Moscou leur demande de protection. Les
Ossètes du
sud auraient demandé leur rattachement pur et simple à la Fédération de
Russie.
Selon des sources du MID (Ministère des Affaires Etrangères) rapportées
par les Izvestia, les autonomies d’Abkhazie et d’Ossétie du sud, parties
intégrantes de la république de Géorgie, pourraient recevoir le statut de
protectorats de la Fédération de Russie. De plus, selon les Izvestia, une
partie des populations de ces régions pourraient prendre part aux
élections russes du 7 décembre, ce qui en ferait des citoyens russes DE
FACTO.
Il
ne resterait plus qu’à "prendre des mesures pour les défendre". Le cas de
l’Adjarie est différent. Cette région peuplée de Géorgiens musulmans
serait bénéficiaire d’une garantie de la Turquie et de la Russie, et la
Russie
pourrait donc exercer sa fonction de "garante". (?)
Le président de l’Adjarie, Aslan Abachidze, tout en réaffirmant
l’attachement à la Géorgie, annonce qu’en cas d’exacerbation des tensions
avec le pouvoir instauré à Tbilissi, la défense (armée) pourrait être
assurée par le personnel adjare (70%) de la base militaire russe située
dans cette région.
Dans une interview aux Izvestia, le leader nationaliste géorgien Mikhaïl
Saakachvili candidat aux présidentielles géorgiennes du 4 janvier se
veut rassurant quant à l’avenir des bonnes relations avec la Russie mais
confirme
que "les Etats-Unis constituent la garantie fondamentale de la sécurité"
(de la Géorgie).
Des affrontements armés ne sont donc pas exclus. Mais il est probable que
l’on fasse monter les enchères de tous les côtés en prévision des
discussions qui vont avoir lieu entre toutes les parties intéressées dans
ce nouveau conflit, Etats-Unis compris.
Le président (démis de force) Edouard Chevarnadze dénonce "la trahison" de
ses anciens protecteurs, l’Occident et les Etats-Unis.
Dans une interview au journal britannique "Daily Telegraph", Edouard
Chevardnadze, analysant les événements de novembre à Tbilissi, a déclaré,
entre autres, que l’offense la plus cuisante était pour lui la "trahison
de l’Occident". A son avis, il n’aurait pas pu être évincé du poste de
président sans le soutien des Etats-Unis. Il ne cache pas qu’il est fâché
contre ses amis occidentaux qui lui ont promis tout récemment leur soutien
total. Dans ce contexte, il a évoqué tout particulièrement dans son
interview le rôle de l’ambassadeur américain en Géorgie, Richard Miles.
Edouard Chevardnadze considère cet homme comme l’un des principaux
instigateurs et organisateurs de la campagne antiprésidentielle qui s’est
achevée par la victoire le 23 novembre des forces de l’opposition.
Georgie
Le nouveau pouvoir face à de nouveaux défis
La traditionnelle allocution hebdomadaire d’Edouard Chevardnadzé n’a pas
été prononcée lundi. La Géorgie s’est réveillée sans lui, avec un nouveau
pouvoir qui fait face à de nouveaux défis : rester uni, maintenir la
stabilité du pays, éviter une nouvelle crise séparatiste. Le président
Edouard Chevardnadzé, après avoir dominé la vie politique géorgienne
depuis les années 1970, a été forcé à la démission par une opposition
radicale
soutenue par une vague de contestation populaire sans précédent. Il a jeté
l’éponge dimanche soir pour rentrer "à la maison". La nouvelle présidente
par intérim Nino Bourdjanadzé, et les deux autres leaders du mouvement de
contestation Mikhaïl Saakachvili et Zourab Jvania, s’attelaient maintenant
au plus urgent : organiser de nouvelles élections qui devront êtres
"démocratiques" et stabiliser le pouvoir. Selon la Constitution, après la
démission du chef de l’Etat, un nouveau scrutin présidentiel doit se tenir
dans les 45 jours. "Je crois nécessaire de tenir une élection aussi vite
que possible", a déclaré la présidente par intérim Nino Bourdjanadzé.
Parallèlement, il faut faire fonctionner les structures étatiques.
Le
Parlement élu lors du scrutin du 2 novembre est considéré comme illégitime
par le nouveau pouvoir, puisque ce sont les accusations de fraudes
massives qui ont servi de moteur à la contestation. Il faut obtenir de la
Cour
suprême une invalidation du scrutin, pour travailler avec l¹ancien
parlement jusqu¹à de nouvelles élections. Quant au gouvernement, M.
Saakachvili a
assuré que, conformément à la Constitution, il ne serait pas limogé. Mais
on s’attend à ce que plusieurs ministres démissionnent d¹eux-mêmes, de même
que des gouverneurs de régions (deux l’ont fait lundi matin) ou des maires
de
grandes villes. De nouveaux problèmes attendent la présidente par intérim.
Le puissant leader de la région autonome d’Adjarie, Aslan Abachidzé,
proche de la Russie, entretient de très mauvaises relations avec le nouveau
pouvoir. Il a décrété dimanche l’état d’urgence dans sa région et a
suspendu lundi les vols entre Tbilissi et Batoumi, chef-lieu de l’Adjarie.
"L’Adjarie a tourné le dos à la Géorgie. Elle va être le mal de tête du
nouveau
pouvoir.
La région va devenir le polygone des luttes d’influence entre la
Russie et les Etats-Unis", écrivait lundi le journal géorgien Tavari
Gazeti.
Le quotidien estime qu’en perdant Chevardnadzé, "la Russie a perdu la
Géorgie", alors qu’à l’inverse, la "révolution de velours" a été
encouragée
par Washington, car "Chevardnadzé, en se rapprochant ces dernières années
de Moscou devenait dangereux". Mme Bourdjanadzé a souligné que pour elle
l¹objectif était "d’être membre à part entière de la famille européenne,
membre de l’alliance euro-atlantique", de "garder le partenariat
stratégique avec les Etats-Unis et d¹améliorer les relations avec la
Russie".
L’ex-opposition va devoir ensuite répondre aux énormes attentes de la
population, combattre la corruption qui a envahi tous les centres de
pouvoir, et redresser une économie en crise depuis dix ans. Bourdjanadzé,
Jvania et Saakachvili sont tous d’anciens alliés de Chevardnadzé, ont déjà
participé au pouvoir, sans n’avoir rien pu faire contre la corruption.
Enfin les nouveaux leaders, certains modérés et d¹autres radicaux, devront
rester unis. "Ce n’était pas une révolution de velours. Ce n’est qu’une
lutte de
clans de la nomenklatura", estimait lundi le journal Mtelikvira.
L’Adjarie et les visées politiques de son président
Par François Grémy
Contrairement à l’Abkhazie et à l’Ossétie du sud qui ont traversé des
années de guerre, l’Adjarie s¹est engagée en douceur dans un processus de
régionalisation. Le Président adjare y règne en maître.
Le régionalisme adjare
Aslan Abachidzé, Président de l’Adjarie et de l’Union pour le renouveau
démocratique (URD) disposerait du soutien moral d’une majorité des
habitants de l’Adjarie C’est en tout cas ce qu¹affirment la journaliste Ela
Chapidzé
du quotidien Resonance ainsi que le directeur du centre d’informations et
de réformes économiques de Tbilissi, Giorgi Charachidzé. Une constatation
qui
se vérifie sur place ; l’opinion publique d’une manière générale apprécie
cet homme qui a su à la fois exploiter et cultiver le sentiment régionaliste
des Adjares. En bon politique, Abachidzé a, semble t-il, réussi à canaliser
l’énergie de ce peuple pour se présenter comme le défenseur de cette
petite oasis des bords de la mer Noire. Cette "souveraineté" officiellement
revendiquée a été assimilée par le peuple adjare qui accepte que cet homme
fort, souvent admiré pour son charisme, représente leur région.
Par ailleurs, la politique menée par le gouvernement adjare conforte la
position d’Abachidzé. En effet, il est parvenu à garantir à la population
un versement régulier des salaires dans le secteur public, ce qui n’est pas
toujours le cas dans le reste de la Géorgie. De plus, il a su développer
la construction de stations balnéaires et d’infrastructures en tous genres.
La notoriété d’Abachidzé, qui ne se limite pas à l’Adjarie, lui a permis
de convaincre cinq autres présidents de partis géorgiens de constituer une
alliance appelée l’Alliance de Batoumi [1] visant à faire front au SMK
(Union des citoyens), parti de Chevarnadzé[2] lors des élections
législatives du mois d’octobre dernier. Mais le parti d¹Abachidzé n’a
remporté que 23% des voix contre 44% pour le SMK.
Visées politiques
Il est intéressant de comprendre pourquoi finalement cet homme qui règne
en souverain dans la république autonome d’Adjarie souhaite prendre part à
la
politique nationale de la Géorgie. Lors d’une conférence de presse à
Batoumi le 5 juillet 1999, Abachidzé a déclaré qu¹il avait souhaité
présenter sa
candidature aux élections législatives uniquement pour exercer une
pression politique sur les autorités centrales de Tbilissi. Son principal
objectif
serait d’obtenir du pouvoir géorgien davantage d’autonomie pour l’Adjarie
et surtout la création d’une zone économique franche pour le port de
Batoumi.
Cependant, deux indices laissent penser que ses aspirations politiques
relèvent d’un tout autre ordre. Pourquoi aurait-il investi de grosses
smmes pour acquérir des moyens de communication en Géorgie s’il n’avait que
des
ambitions régionales ? Bien que l’une des chaînes de télévision (Iveria)
dont il s’est porté acquéreur ait fait faillite et que l’autre (Caucasioni)
ne
touche qu’une faible audience, ces investissements démontrent bien une
volonté d’élargir son champ d’action.
De plus, selon l’entourage proche d’Aslan Abachidzé, le gouvernement
adjare entretiendrait des relations étroites avec les représentants
d’Abkhazie et
d’Ossétie du sud. Déjà, à trois reprises, des délégations adjares se sont
rendues en Abkhazie et en Ossétie du sud pour entamer un processus de
défense coordonné entre les trois républiques autonomes. Abachidzé, par
son autorité et son poids sur la scène politique, se voudrait le médiateur
entre les régions et le pouvoir central de Tbilissi. Ainsi, deux
perspectives se
présenteront à lui s’il arrive à résoudre les discordances, apparemment
immuables, entre Tbilissi et les deux autres régions (l’Abkhazie et
l’Ossétie).
. Il pourra exiger une plus grande autonomie pour les trois régions et
donc forcer Tbilissi à accepter cette fameuse zone franche pour le port de
Batoumi.
· La seconde perspective paraît plus large. Il est probable en effet qu’il
présente sa candidature à l’élection présidentielle prévue pour l’automne
prochain bien qu’il se défende lui-même de vouloir succéder à Edouard
Chevarnadzé. Actuellement Abachidzé n’a semble-t-il aucune chance de
battre Chevarnadzé qui jouit toujours d’une grande popularité -la corruption
constante en Géorgie n’affecte pas son image. En revanche à plus long
terme, en cas de règlement du problème abkhaze et ossète, les données
pourraient
être modifiées. En effet, s’il bénéficiait de l’appui des Abkhazes, des
réfugiés géorgiens d’Abkhazie et des Ossètes, il pourrait espérer faire
jeu égal avec Chevarnadzé.
[1] L’Alliance de Batoumi se compose de l’Union pour le renouveau
démocratique (pdt. M.Abachidzé), du Parti du 21ème siècle (Vakhtang
Botchorishvili), du Parti socialiste (M.Rcheulishvili), du Parti
travailliste (Shalva Natelashvili), du Parti populaire (Mamuka Giorgadze)
et de l’Union des conservateurs (Akaki Asatani)
[2] Edouard Chevarnadzé a été élu triomphalement par le Soviet Suprême en
octobre 1992 et a été réélu au suffrage universel le 5 novembre 1995 avec
71% des voix pour un mandat de 5 ans.