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Robien ou la lâcheté d’un politicien ordinaire

Publie le dimanche 18 février 2007 par Open-Publishing
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En grève de la faim depuis cinquante-deux jours, Rolland Veuillet, le conseiller principal d’éducation hospitalisé depuis samedi, doit être entendu.

de Philippe Corcuff

Universitaire, qui a effectué une grève de la faim de solidarité d’une semaine avec Roland Veuillet à Lyon entre le 31 janvier et le 7 février 2007.

Roland Veuillet(1) a été hospitalisé d’urgence samedi 10 février au cours de son 49e jour de grève de la faim, en refusant toujours de s’alimenter…Conseiller principal d’éducation, il s’est opposé, lors de la grève des surveillants et aides éducateurs de janvier 2003, à la demande (illégale) de remplacement des surveillants grévistes par des élèves majeurs. Il a alors été sanctionné et muté disciplinairement de Nîmes à Lyon. Si une cabale a été montée contre Roland par son proviseur et le recteur de l’académie de Montpellier, c’est vraisemblablement aussi parce qu’il avait auparavant tenté de mobiliser contre l’introduction expérimentale d’une participation du Medef à la définition de l’enseignement dans son lycée.

Mais Roland a repoussé l’inacceptable avec une énergie hors du commun. Marathonien, il a parcouru environ 16500 kilomètres depuis trois ans et demi. Il a aussi effectué une première grève de la faim de trente-huit jours, devant le ministère de l’Education nationale en août-octobre 2004. Ce qui n’a pas empêché que l’indifférence bureaucratique des ministres successifs ne perdure.

Pourtant l’avis (consultatif) du Conseil supérieur de la fonction publique (CSFP) du 25 janvier 2005 appelait à une annulation de la sanction. Pourtant le 17 octobre 2006, les conclusions du commissaire du gouvernement devant la cour administrative d’appel invitaient à suivre l’avis du CSFP. Mais le jugement a finalement porté sur la forme (la conformité de la procédure) et non sur le fond (la validité de la sanction)…

Cette affaire imbrique au moins trois dimensions : le refus des projets néolibéraux d’instauration d’un droit de regard patronal sur le contenu de l’enseignement public, la préservation du droit de grève et le sursaut d’une dignité personnelle salie bureaucratiquement.

Elle témoigne d’une résistance singulière exceptionnelle face à un déni de justice, relevant indissociablement de l’individualité blessée et de principes collectifs.

Les discours néolibéraux nous narrent souvent des contes de Noël, où les aspirations à la reconnaissance personnelle seraient sauvées du poids de la bureaucratie par « la main invisible » du marché. Mais, plus souvent qu’on ne le croit, la fameuse main du marché vous enfonce la tête sous l’eau de la standardisation marchande pendant que vous recevez un bon coup de marteau de la part de l’arbitraire bureaucratique. Les politiques néolibérales de privatisation-flexibilisation-mise en concurrence ne sont-elles pas justement des politiques, souvent issues de la haute fonction publique, c’est-à-dire des tréfonds de la bureaucratie ?

Entre le poids grandissant des firmes multinationales, des institutions néolibérales (FMI, Banque mondiale, OMC, etc.), de la technocratie européenne et de l’énarchie nationale, les professionnels de la politique ont presque déserté le terrain de l’action, et préfèrent se réfugier dans l’agitation symbolique. Robien a alors trouvé son hochet médiatique : le retour au b.a.-ba et au calcul mental, sans se soucier de la connaissance précise des réalités de l’enseignement aujourd’hui, ni des effets négatifs quant aux pratiques des enseignants sur le terrain. Seules l’image et la rhétorique comptent ici.

Pourquoi irait-il à l’encontre de l’inertie bureaucratique de son propre ministère afin d’éviter simplement que le grain de sable Roland Veuillet ne soit écrasé par une machinerie impersonnelle ?

Pourquoi un numéro de dossier retiendrait-il son attention, alors qu’il a tant encore à baratiner ? Rendez-vous compte de l’énormité de ce que demande Roland : l’ouverture d’une enquête administrative, c’est-à-dire d’une procédure réglementaire contradictoire !

Comment Robien pourrait-il ainsi risquer de déjuger un recteur, par ailleurs si « innovant » d’un point de vue néolibéral ? Alors sans vraiment s’en rendre compte, sans vouloir s’en rendre compte, avec une arrogante bonne conscience, à coups de communiqués de presse mensongers, notre « ministricule » a insensiblement ajouté l’inhumanité à l’injustice initiale. Et il pourrait prochainement devenir le complice aux mains propres d’un assassinat anonymisé dans la conjugaison des lâchetés bureaucratiques.

Pendant ce temps-là, on n’entend guère la gauche officielle, qui semble avoir quelques trous de mémoire quant à la défense des droits individuels et collectifs censée constituer le cœur de son éthique. Où sont passés les Jaurès, Blum, Mendès-France… ? Demeure la pression collective née de la convergence citoyenne d’individus sensibles à la résistance de la dignité personnelle et à la sauvegarde de principes généraux. Dans l’extrême urgence.

(1) Pour s’informer et soutenir Roland Veuillet, voir son site :

http://roland-veuillet.ouvaton.org/

http://www.liberation.fr/rebonds/234778.FR.php

Messages

  • derobien c’est pas ce mec de l’udf qui mange a tous les rateliers ministeriaux ;celui la meme qui a propose une loi dite d’annualisation du temps de travail (comme a l’epoque de mon ancetre journaliere pendant les moissons ou d’autres travaux plus de douzes heures par jour ,tu manges, apres tu peux crever de faim).Cette loi (cest beaucoup dire)revenue avec Aubry sous l’appelation fallacieuse de35h avec RTT gratuit pour les patrons et heures sup payees au lance-pierres. vive le liberalisme.