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Roumanie : les grévistes de l’usine Dacia-Renault menacés de délocalisation

Publie le mercredi 26 mars 2008 par Open-Publishing
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Roumanie : les grévistes de l’usine Dacia-Renault menacés de délocalisation

Traduit par Mehdi Chebana

Publié dans la presse Evenimentul zilei : 24 mars 2008

Mise en ligne : mardi 25 mars 2008

Les salariés de l’usine Dacia-Renault de Mioveni, située à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Bucarest, ont entamé lundi matin une grève générale pour réclamer une augmentation des salaires et des primes. Un mouvement que les dirigeants de Dacia tentent d’étouffer en brandissant, à mots couverts, la menace d’une délocalisation dans des usines indiennes, russes ou marocaines du groupe Renault.

Par Daniel Badea, Adelina Vlad et Mihaela Dinc

Plusieurs milliers de salariés de l’usine Dacia-Renault de Mioveni ont entamé une grève générale à durée indéterminée lundi matin. Ils réclament une hausse de salaires de 550 lei [environ 150 euros] et une majoration des primes qu’ils reçoivent tout au long de l’année. Les grévistes justifient leur mouvement par les résultats spectaculaires enregistrés par la société Dacia [1]. Les ventes de l’usine ont augmenté de 62% en janvier et en février, correspondant à 10% des ventes totales du groupe Renault.

La direction de Dacia répond que les augmentations de salaires ne pourront se faire qu’à hauteur de 144 lei [soit près de 40 euros], lançant un avertissement à peine voilé aux syndicalistes. « Ces doléances pourraient mettre en péril la croissance au beau fixe de la compagnie et l’avenir de Dacia, surtout si l’on prend en compte le fait que, d’ici 2010, les usines Renault qui verront le jour au Maroc, en Inde et en Russie seront en mesure de produire la Logan », a déclaré le directeur général de l’usine François Furmount dans une lettre ouverte.

Pour leur premier jour de grève, les ouvriers sont restés à leur poste de travail, sans pour autant mettre en marche les machines. Ion Iordache, le syndicaliste le plus radical de l’usine, a déclaré que dans les jours à venir, de grands rassemblements seraient organisés à Mioveni et à Pite ?ti [située à 15 kilomètres plus au sud].

« Jusqu’ici, pas un des représentants français n’est venu discuter avec nous », a-t-il déclaré. « Peut-être sont-ils chez eux à célébrer la Pâque catholique, pendant que nous, en Roumanie, on crève de faim. L’un de nos collègues qui travaille ici depuis 20 ans reçoit un salaire de seulement 900 lei [240 euros] alors que la vie est de plus en plus chère chez nous. Si notre mouvement échoue, il symbolisera la défaite du peuple face aux multi-nationales », a ajouté Ion Iordache.

A leur sortie de l’usine lundi, les grévistes se sont montrés intrigués par le fait que les ouvriers d’une usine Renault située en Turquie, un pays qui n’est pas membre de l’Union européenne, reçoivent un salaire moyen de 900 euros. soit trois fois plus que les salaires pratiqués à Mioveni.

« Nous proposons des salaires qui collent à la réalité »

Le patronat a mis sur la table une contre-offre jugée insatisfaisante par les syndicats : une augmentation de 12% du salaire de base et une prime de 1.020 lei [environ 270 euros] liés aux bons résultats enregistrés par la compagnie en 2007. Les Français ont alors demandé aux salariés de garder les pieds sur terre.

« Les salaires que nous proposons sont réalistes et collent aux évolutions de l’économie roumaine », a déclaré Liviu Ion directeur de la communication de Dacia Automobiles Pite ?ti S.A. « Les salariés doivent maintenant prendre conscience que les bénéfices ont été réinvestis et que pas un sou n’a regagné le chemin de la France. Une augmentation de 550 lei [environ 150 euros] du salaire moyen correspond à une hausse de 74% du salaire minimum, ce qui est énorme. »

L’une des raisons pour lesquelles les grands ténors de l’industrie automobile investissent en Roumanie est justement le fait que la main d’œuvre y est bon marché.

Chaque jour de grève coûtera 10 millions d’euros à l’usine

La grève des salariés de Dacia entraînera des pertes aussi bien pour les actionnaires de l’usine que pour les salariés eux-mêmes. Chaque jour de grève coûtera près de 10 millions d’euros à la compagnie ; une estimation qui prend en compte les 1.300 voitures qui ne sont pas produites quotidiennement, les dépenses d’énergie, de combustibles et de matériel, l’entretien des outillages mais aussi l’impossibilité d’honorer certains contrats dont l’impact est difficile à mesurer pour le moment.

De leur côté, les grévistes se verront déduire de leur salaire les tickets repas pour chaque jour non ouvré, soit une perte de 70 lei (18 euros]. Les repas chauds organisés gracieusement par l’usine seront également suspendus. Mais, pour eux, le pire n’est pas là : « participer à une grève ne garantit pas d’avantages supplémentaires par rapport à ceux obtenus dans le cadre des négociations », avertit François Furmount. « Au contraire, le mouvement pourrait entraîner la diminution de l’offre actuelle. Les salariés feraient bien de garder en mémoire ce qui s’était passé après le mouvement de grève de 2003 [2]. »

L’usine Ford de Craiova à son tour menacée ?

La société américaine Ford, qui vient tout juste de s’implanter à Craiova [sud-ouest du pays], pourrait être la cible d’un mouvement similaire. Pour le moment, les salariés de la multinationale touchent un salaire mensuel d’environ 200 euros. La semaine dernière, ils n’ont pas hésité à poser la question d’une augmentation salariale à l’occasion de la reprise officielle de l’usine Automobiles Craiova par Ford. Le président de Ford Europe, John Fleming, assure que les dirigeants de l’usine discuteront avec les représentants syndicaux afin de renégocier les contrats des salariés, sans pour autant parler d’augmentation de salaires.

[1] Racheté en 1999 par le groupe Renault, le premier constructeur automobile roumain a établi un record de ventes en 2007, avec plus de 230.000 unités commercialisées en Roumanie et à l’étranger, soit une hausse de 17,4% par rapport à 2006.

[2] À l’issue de cette grève spontanée de quelques heures, que les syndicats n’avaient pas soutenue, les sanctions avaient été amères pour les salariés : pénalités, annulation des primes au rendement et même licenciements.

Le Courrier des Balkans (balkans.courriers.info) - Le Courrier des Balkans, Centre Marius Sidobre, 26 rue Emile-Raspail, F-94110 Arcueil -

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