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SARKOLAND ! Bonjour ! Les vrais français parlent aux vrais français !
Publie le jeudi 22 février 2007 par Open-PublishingLe Progrès de l’Ain, 21 février 2007 :
L’ANGOISSE D’UN PèRE FACE à L’EXPULSION - La famille kosovare d’Oyonnax
attend l’avion du retour. Nous avons rencontré Nasser Gashi et son fils
Veton au centre de rétention administrative de Lyon-Saint-Exupéry.
Témoignage poignant
C’est un petit bâtiment isolé, à l’écart de l’aéroport. Autour, des
grilles hérissées, des barbelés, des caméras. Au loin, les avions
semblent guetter les passagers du dernier retour. Ces sans-papiers qui
attendent leur expulsion au centre de rétention administrative de
Lyon-Saint-Exupéry.
« Nous sommes venus voir la famille Gashi » annonce à l’interphone Pascal
Baudet, enseignant à l’école Jean-Moulin/La victoire d’Oyonnax et membre
de Réseau éducation sans frontières (RESF). Sanije a fait le
déplacement, pour la traduction.
Cette jeune Kosovare a été rapatriée avec sa famille « en 99, au début de
la guerre. La France s’est occupée de tout. J’ai eu de la chance ». Pour
Nasser Gashi, sa compagne et leurs deux enfants, les avions volent dans
l’autre sens.
Après avoir montré nos papiers, vidé nos poches et traversé le portique
de sécurité, nous patientons au « parloir ». En fait, un réduit miteux
meublé de quelques sièges décatis. Nasser Gashi arrive, grand beau
gosse, fatigué mais digne. Avec lui, son fils Veton, six ans, bonne
bouille de gamin rieur sous le voile de tristesse. « Mirdippa ne peut pas
venir » s’excuse le père. « Elle garde le petit qui dort ». Depuis qu’il
est arrivé ici, Loriane, dix-huit mois, « ne connaît plus le jour et la
nuit » explique Veton dans un français tout à fait correct.
« ON éTAIT HEUREUX » - « Vous avez vingt minutes » chronomètre la policière.
Trop court pour évoquer le périple de Nasser Gashi, depuis la fuite en
Allemagne en 92, jusqu’à l’installation de la famille au foyer de
Geilles à Oyonnax en 2005. Lui-même ne tient pas à s’étendre sur les
raisons qui l’ont poussé ailleurs.
On comprend à demi-mot que les nationalistes albanais l’accusent d’avoir
trahi et ont mis un « contrat » sur sa tête.
On comprend surtout que cet homme a peur, pour lui, pour sa famille.
« Quand je suis revenu au Kosovo, je ne voulais pas que les autres
sachent. Mais certains m’ont reconnu. J’ai été frappé. Ma mère a reçu
des menaces. "Si on chope ton fils, tu verras" ».
« Là-bas », Nasser Gashi sera déraciné dans son propre pays. « Je n’ai pas
de maison, rien du tout. Si jamais ça arrive, on ira dans la famille de
ma femme. Elle pourra nous loger, mais pas tout le temps ».
« Si jamais ça arrive ». Il veut encore croire à la France. Il y croyait
si fort qu’il n’a même jamais songé à se cacher. Il a entrepris toutes
les démarches administratives, travaillé comme carreleur, scolarisé
Veton, sans jamais se faire remarquer. « J’ai toujours cherché à
expliquer notre histoire. Beaucoup de gens ont compris. Au début, je ne
connaissais que des Kosovars. Quand le petit a été à l’école, on a parlé
avec d’autres familles. C’était un peu difficile d’être dans un foyer.
Mais j’avais ma famille, on était heureux ». Aujourd’hui ? A quatre dans
une cellule, les nerfs finissent par lâcher.
« Ma femme pleure tout le temps. Les gamins font la même chose ».
Du centre de rétention, Nasser Gashi lance cet appel de détresse. « Je
demande �� la République française de sauver ma famille. Je demande juste
un papier. Si vous m’acceptez, croyez-moi, vous ne serez pas déçus ».
Marc Dazy
« POURQUOI JE NE PEUX PLUS ALLER à L’éCOLE ? » - Que fait de sa journée un
enfant de six ans cloîtré dans une cellule avec ses parents et son frère
de dix-huit mois ? D’abord jouer, jouer pour éloigner les fantômes.
« L’école lui manque. Il a besoin d’y retourner » dit Pascal Maudet à propos
de Veton. « Il demande du "travail", son coloriage magique. Il joue aussi
beaucoup aux petites autos ».
Cruelle ironie, il adore la voiture de police ! Sinon, Veton parle un
excellent français et pose des questions qui détournent les regards des
adultes. « Moi, je suis tout seul ici. Mon frère m’embête. Il ne connaît
plus le jour et la nuit. Pourquoi je ne peux plus aller à l’école ? Je
veux revoir les autres. Je veux rester où j’étais ».
On se dirige vers la porte. « Est-ce que je peux sortir avec toi ? » On
balbutie un vague truc et on s’éloigne. Pas très fier.
M.D.
REPERES
186 - Le nombre reconductions à la frontière prononcées l’an dernier
par la préfecture de l’Ain.
32 - Le nombre de jours maximum de rétention administrative. De deux
jours après l’interpellation, la durée peut être portée à quinze. La
famille Gashi en est là. Le juge des libertés peut ensuite prononcer
une nouvelle quinzaine, ou libérer le « retenu ». Il le sera de toute
façon après cette période. La plupart du temps, il est assigné à
résidence en attendant que
s’organise l’expulsion. Ce qui peut prendre un certain temps.
Recours - La famille Gashi a doublement joué de malchance. Paradoxe,
elle aurait pu être régularisée en raison de la scolarisation de Veton,
si elle n’avait déposé une demande de droit d’asile avant la circulaire
Sarkozy de juin 2006. Par ailleurs, le Conseil d’état a annulé
l’ancienne procédure dite de « l’APRF » (Arrêté Préfectoral de Reconduite
à la Frontière) au profit de la nouvelle « OQT » (Obligation de Quitter
le Territoire). Effet à compter du 16 février. Le jugement
administratif qui valide l’APRF à l’encontre de la famille Gashi date
du 15 ! « Un recours devant la cour d’appel doit être envisagé très
rapidement » estime RESF.
LE SOUTIEN DU DéPUTé-MAIRE DE VéNISSIEUX - André Gérin, a écrit au préfet
pour qu’il puisse examiner de nouveau le dossier de M. et Mme Gashi et de
leurs deux enfants. « Au vu de la situation familiale et du contexte du
Kosovo » précise le député-maire.
« Je souhaite que vous teniez compte des efforts faits par cette famille
pour s’intégrer, d’autant que M.Gashi a obtenu une promesse d’embauche
dans le cadre d’une régularisation. L’attribution d’un titre de séjour
pour raisons humanitaires permettrait au jeune Veton de poursuivre sa
scolarité et à cette famille d’éviter une expulsion aux conséquences
dramatiques ».
GEORGES GUMPEL : « UN TRAGIQUE RAPPROCHEMENT » - L’enfant juif caché, membre
de l’Association de la Maison d’Izieu, écrit au préfet pour réclamer la
libération de la famille Gashi
Monsieur le Préfet,
Nous venons de recevoir l’un et l’autre, l’invitation de la Maison
d’Izieu, Mémorial des enfants juifs exterminés pour assister lundi à la
projection en avant-première du film consacré à la mémoire de Sabine
Zlatin : « La Dame d’Izieu ». Le carton d’invitation comporte la célèbre
photo du groupe d’enfants présents à Izieu au cours de l’été 1943,
souriants Nous connaissons la suite.
Aujourd’hui, Monsieur le Préfet, soixante ans apr��s, la politique
d’exclusions, de reconduites à la frontière menée par le gouvernement
actuel nous replonge dans ce cauchemar. Naturellement, en ce qui
concerne les Enfants d’Izieu, nous savons que les nazis sont les auteurs
de leur arrestation, de leur déportation. Nous savons tous que la
destination finale de ces reconduites à la frontière ne procède pas des
mêmes objectifs que ceux visés en 1940/1944, qu’elle ne mène pas aux
chambres à gaz nazies. Mais nous savons aussi que la plupart des 11.000
enfants juifs de France qui ont été déportés, gazés à leur arrivée dans
les camps d’extermination, ont été arrêtés par la police française en
application des mesures mises en place par le gouvernement français de
Vichy. Ce lundi 12 février dernier, des policiers en civil, sur
instructions de vos services, ont arrêté au petit matin à Oyonnax la
famille de M. Gashi avec leur enfant Lorian, âgé d’un an et demi.
Son
frère Veton âgé de six ans a été, lui, cueilli par ces mêmes policiers
lorsqu’il sortait de l’école, attendait le car du ramassage scolaire Ils
sont tous les quatre internés aujourd’hui au centre de rétention de
Satolas, menacés d’une expulsion imminente vers le Kosovo.
Comment peut-on regarder cette photo de ces enfants d’Izieu dont
certains avaient le même âge que Veton aujourd’hui sans frémir ? Comment
ne pas faire ce tragique rapprochement, comment oublier ? (...) Au nom
de ces enfants qui sourient sur l’invitation, je vous demande
-instamment- de rendre la liberté à la famille Gashi et à leurs jeunes
enfants comme vous en avez le pouvoir.
Georges Gumpel