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Sabiha AHMINE : au delà du "Busing", pour un plan contre les discriminations
Publie le mercredi 4 juin 2008 par Open-Publishing
La secrétaire d’Etat à la ville sera à Oullins dans le Rhône, jeudi 5 juin 2008. Officiellement, elle va rendre visite à l’école primaire « La Saulaie » qui pratique à titre expérimental le "Busing". Défini comme un des points forts du « Plan Espoir banlieue » de Sarkozy du 8 février dernier, le "Busing" consiste à « déplacer les élèves scolarisés dans un établissement caractérisé par un fort échec scolaire dans d’autres écoles de la même ville afin de leur donner la possibilité de découvrir un autre environnement social et scolaire ». Avant de dire que le Busing réduit les ghettos scolaires, nous disons prudence et analyse.
Le Busing : un processus d’hybridation largement partagé
Concrètement, il s’agit d’extraire les élèves de classes réputées plombées pour les intégrer, grâce à des cars de ramassage, dans d’autres établissements de leur commune, plus cotés ! Etant un mécanisme hybride de déségrégation artificielle, ou d’éparpillement des « mauvaises graines », le Busing est censé doper la mixité sociale. Il se propose comme plus radical qu’un remodelage de la carte scolaire. Le principe a beaucoup séduit ces dernières années, à droite comme à gauche, et notamment les socialistes Jack Lang ou même la candidate socialiste aux présidentielles de 2007, Ségolène Royale, qui trouve elle aussi des vertus à ce concept.
En citant le succès des expériences de Bergerac (26 000 habitants) et d’Oullins (26 000 habitants également), elle décrit le « Busing », comme un des leviers de la mixité sociale : « Certaines écoles délaissées par tous ont été carrément fermées et ce sont les écoles du centre ville qui ont été mixées. Selon elle c’est une réussite. Mais ce qui réussit quelque part (...) ne peut systématiquement être transposé d’un quartier à un autre », rappelle t-on avec prudence. Jusqu’ici, l’idée était toutefois restée au fond des tiroirs ministériels ; seules une poignée de communes le testent. En réalité, il faut rester vigilant. On risque de passé d’un joli coup médiatique sur la mixité sociale, à une suppression progressive de la carte scolaire, pour revenir enfin à l’école privé…
Historique du Busing : une démarche de discrimination positive en panne aux USA
Créer et mis en oeuvre aux Etats-Unis dès les années 1960 comme une mesure phare de discrimination positive « Affirmative action », le Busing est largement délaissé depuis quinze ans. Son introduction récente dans la politique éducative française peut devenir un leurre, si les leçons de son échec au USA ne sont pas rapidement tirées.
A titre de rappel historique, « L’affirmative action », appelée aussi « système des quotas », est d’origine un volontarisme sociale étatique envers des catégories de population.
Présentée pour la première fois dans l’histoire aux USA par le président JF Kennedy, en 1961, et dont les principes ont été définis en 1965 par Johnson, ce dispositif oblige les entreprises privées et l’administration, à « réparer » les dommages engendrés par des siècles de discrimination en faisant un effort délibéré pour embaucher et promouvoir des employés noirs à tous les niveaux de responsabilité.
Selon le principe, les Noirs doivent constituer dans tous les emplois et dans toutes les sociétés un pourcentage égal à celui qu’ils occupent dans la population.Dans les années 1970, les opposants à « l’Affirmative action », ont plaidé l’inconstitutionnalité du système. Depuis les années 1980, la « nouvelle droite » au pouvoir ne croit plus que les solutions aux problèmes sociaux passent par le volontarisme du gouvernement (et à la charge du contribuable…), et dénonce une « mentalité d’assistés » ; elle considère en fait « l’égalité raciale obtenue ». 75 % des entreprises travaillant avec l’Etat sont dispensés de respecter les normes à l’égard des minorités.
Aujourd’hui aux Etats-Unis, le bilan du "Busing" est ainsi sans appel : des parents aisés se réfugient dans le privé ou déménagent de plus en plus loin des ghettos ; les professeurs s’orientent vers les établissement les plus rémunérateurs, les mieux côtés ; les familles pauvres « noires et autres exclues » déchantent… C’est le retour à la case de départ.
Pour un Plan national contre les inégalités et les discriminations
Si en France la « discrimination positive » est plus adaptée aux territoires qu’aux personnes, elle demeure le parent pauvre de la politique de la ville qui, elle aussi, souffre à son tour d’une pénurie chronique de moyens. L’idée du Busing est, en apparence, généreuse, pleine de bon sens, mais elle est totalement contredite par les faits. En effet, d’après le dispositif annoncé, seuls les enfants de CM1 et CM2 des écoles primaires d’une cinquantaine de quartiers classés en zones urbaines sensibles (ZUS), seront concernés.Donc nous somme loin d’une mobilisation globale visant à déjouer la ghettoïsation scolaire. Les annonces du gouvernement concernant la fin de la Carte scolaire et celles visant la suppression de 20 000 poste s’enseignants, confirme l’aspect contradictoire et schizophrénique de ce projet. Comme le note la LDH, le Mrap et la FCPE, si le Busing conduit à priver un quartier de son école, cela peut engendrer une violence symbolique inacceptable. Nous sommes d’accord avec Fadela Amara lorqu’elle présente le Busing comme « le seul moyen pour les filles et les garçons d’échapper à l’enfermement de la cité et d’acquérir les bases de leur émancipation ». Mais privé de ses classes, de son école qui se vide, le quartier ne risque pas non plus de voir revenir des classes moyennes. Un cercle vicieux.
C’est pourquoi, nous restons convaincu que c’est par une nouvelle solidarité urbaine et par la dispersion, non plus des élèves, mais des HLM dans les quartiers riches des villes, que nous pourrons atteindre cette émancipation. Bien sûr, cela exige des moyens et une volonté politique plus forte.
Pour accompagner ce dispositif, nous proposons un véritable Plan national contre les inégalités, contre les discriminations et pour la mixité. Cela avec des moyens et des obligations de résultats. Apparemment ce n’est pas le souci du gouvernement, dont le seul objectif est la réduction de la dépense sociale, avec des cadeaux en milliards aux riches.