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Sabiha ahmine : 48ème anniversaire des massacres du 17 octobre 1961 à lyon
Publie le mardi 3 novembre 2009 par Open-PublishingA l’occasion de la commémoration citoyenne à Lyon du 48ème anniversaire « des massacres 17 octobre 1961 », la conseillère régionale de Lyon Sabiha AHMINE a fait une intervention sur le Pont de la Guilotière en hommage à toutes les victimes sans discrimination. Voici des extraits.
Nous sommes rassemblés ici aujourd’hui, au coeur de la ville de Lyon, en cette commémoration citoyenne du 48ème anniversaire « des massacres 17 octobre 1961 », pour rendre un hommage républicain à toutes les victimes de cette journée noire, cette tache noire dans notre histoire commune, mais aussi pour la vérité et pour la reconnaissance.
En ce temps de débat identitaire, cette reconnaissance est, en elle-même, la défense de nos valeurs républicaines contre l’oubli et contre le mépris. En effet, si la date du 17 octobre 1961 est dramatiquement gravée dans la mémoire commune des peuples algériens et français, c’est parce qu’elle évoque une page noire de notre mémoire, celle du sort tragique d’une des manifestations pacifiques pour l’égalité, la fraternité, la dignité et la liberté.
En 1961, la guerre d’Algérie qui est un pur produit d’un système colonial agonisant qui a refusé l’égalité républicaine et citoyenne aux algériens, était dans sa 7e année. L’indépendance de l’Algérie, promise par les puissances occidentales dont la France depuis 1943, était éminente.
Alors que tous les progressistes s’attendaient à une issue positive du conflit, les antirépublicains et autres extrémistes pratiquaient une politique de terreur, de divisions, de haine, de violence et de rejet de l’autre.
En octobre, des dizaines de milliers de Français et d’algériens de la « métropole » participaient à une manifestation pacifique contre le couvre-feu raciste, décrété quelques jours plus tôt par le préfet de police « le célèbre Papon ». A travers cette manifestation, qui était aussi un appel pour la paix en Algérie, ils voulaient défendre leur dignité d’être humain et leur droit légitime à l’autodétermination.
Ce 17 octobre 1961 il pleuvait. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants, qui vivaient dans la misère et l’exploitation, dans des bidonvilles autour de la capitale ou entassés dans une pièce à quatre ou cinq, sans aucun droit à la citoyenneté, étaient nombreux à manifester. Ils avaient mis leurs plus beaux habits, car leurs intentions étaient pacifiques.
La répression policière fut terrible et brutale….
Il y eu de nombreux morts. Combien ? On ne le saura jamais exactement… Comme l’indiquent certaines sources, plusieurs centaines sans aucun doute. Certains furent précipités et noyés dans la Seine, d’autres jamais identifiés, disparus jamais retrouvés.
Des milliers furent parqués, entassés au palais des sports, la plupart blessés et ensanglantés.
Le Gouvernement, la préfecture cachent la vérité et signalent seulement deux morts. Les faits dramatiques sitôt connus, des syndicats comme la CGT, mais également des partis politiques, le PCF, le PSU et d’autres mouvements comme le Secours populaire ont tenté d’organiser la riposte et la solidarité. ET face aux attentats meurtriers de l’OAS (organisation armée secrète) organisés à Paris et dans les grandes villes, le gouvernement interdit alors les manifestations anticolonialistes et anti-fascistes. C’est ainsi que le 7 février 1962 la police toujours dirigée par Papon réprime une autre manifestation pour la paix au métro Charonne : 9 manifestant seront tués.
Mais l’histoire n’a pas dit son dernier mot. C’est ainsi que le 19 mars 1962, un mois après les manifestations du Métro Charonne et 5 mois après les événements du 17 octobre, les accords d’Evian sont signés entre la France et le GPRA.
Ainsi, en dépit des charlatans de la guerre et leur extrémisme, et après tant de souffrances, les lumières de la paix, de la conciliation et la concorde sont enfin parvenues pour les deux pays et les deux peuples.
En tant qu’ancienne présidente du CHRD, rappeler le 17 octobre aujourd’hui, c’est dire combien le combat pacifique de tous ces hommes et ces femmes, sans discrimination de pays, sans divisions et sans repli, a été déterminant dans l’instauration de la concorde, le dialogue, la conciliation et le respect entre les deux rives. Et combien leur lutte a contribué à la concrétisation de notre identité républicaine commune, fondée sur la défense de nos valeurs sacrées de la liberté, de l’égalité et la fraternité.
Aujourd’hui, 48 ans après, il est encore temps d’effacer cet oubli, cette tache noire de notre histoire, en valorisant la reconnaissance de cette commémoration citoyenne et républicaine à tous les niveaux. En incitant à valoriser cette même mémoire commune, sans divisions, nous voulons inciter notre jeunesse à mieux défendre nos acquis républicains, à mieux vivre sa citoyenneté métissée, et à ne pas sombrer dans le repli et le nihilisme. C’est dans ce sens que nous avons fait en sorte, qu’entre 2001 et 2007, la ville de Lyon puisse commémorer officiellement, avec la société civile et l’ensemble des démocrates de notre pays, les événements du 17 octobre 1961. Aujourd’hui le sens de notre devoir de mémoire, le sens de cet hommage citoyen et républicain, est un engagement clair de notre part pour défendre la mémoire et la dignité de ces dizaines de milliers de travailleurs algériens et leurs familles qui manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu raciste qui leur était imposé. Leur seule faute était de défendre leur droit à l’égalité, à l’indépendance et le droit des peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes. Tous les historiens reconnaissent que l’action des forces de l’ordre que dirigeait M. Papon fut d’une extrême violence.
Aujourd’hui, c’est au nom des valeurs de la République que nous exigeons reconnaissance et justice pour les familles de ces disparus qui furent tués par des policiers relevant de l’autorité publique de l’État français.
Il est urgent de faire de la reconnaissance et du partage de l’ensemble des mémoires de toutes les populations vivant sur notre sol, une des prérogatives de notre combat contre les discriminations. En effet, notre combat contre les discriminations et pour la diversité, n’aura aucun sens sans un rappel rigoureux de toute cette mémoire.