Accueil > Saint-Nazaire, peines exemplaires pour boucs émissaires
Saint-Nazaire, peines exemplaires pour boucs émissaires
Publie le mardi 3 février 2009 par Open-Publishing1 commentaire
Affrontements : deux manifestants en prison

Quatre jours après la manifestation, un film réalisé jeudi par les forces de l’ordre a été diffusé partiellement lors de l’audience d’hier après-midi.
Aux heurts violents de jeudi, la justice a répondu par de lourdes peines. Prison ferme pour quatre participants, surpris d’être « les seuls jugés. »
Quatre jours après la bataille rangée dans les rues de la ville, quatre hommes ont été rattrapés par les événements du 29 janvier. Et deux d’entre eux dorment depuis hier soir en prison. Ils ont accepté d’être jugés en comparution immédiate, une procédure d’urgence choisie par le Parquet pour apporter une réponse immédiate à des faits « graves ». Le procureur, Joël Denis, a même utilisé le terme de « scènes de guerre civile ».
Les quatre hommes, debout dans le box des prévenus, n’ont pourtant rien de révolutionnaires prêts à tout pour renverser le gouvernement. Le premier, 32 ans, est tuyauteur intérimaire, « travailleur, consciencieux, il attend un CDI », relate le président Le Dressay, lisant une attestation. Le second, 35 ans, a un parcours chaotique, parsemé de condamnations liées à l’alcool. « Désinséré, il est pourtant un bon père », rapporte son dossier.
Il était là « pour prendre des photos »
Le troisième, garçon longiligne d’un 1,90 m, 27 ans, habite non loin de la sous-préfecture. Sans emploi, comme le précédent, il n’était pas des manifestants au début. Mais il avait bu. Il est sorti « en curieux » et puis une bombe puissante a éclaté près de lui. « J’étais touché au tympan. Alors j’ai répondu en lançant quelques cailloux. » Tous les trois ont reconnu des jets de pierres. Suffisant pour les condamner. Le quatrième, est un salarié allemand vivant depuis quatre ans à Saint-Nazaire.
Lui dit être resté seulement pour « prendre des photos » et n’a « rien lancé. J’ai même dit à d’autres d’arrêter. » Les policiers l’avaient interpellé sans difficulté, mais l’homme s’était débattu, d’où les poursuites allongées des faits de rébellion.
Voilà donc quatre prévenus, presque muets, en décalage avec la dureté des échanges de jeudi dernier. Profitant d’un silence, un homme dans la salle a raconté avoir lui aussi « fait des photos d’une intervention musclée et s’être fait subtiliser l’appareil par un CRS qui lui avait demandé d’effacer les images. » Mais ils étaient de l’attroupement comme encore 1 000 à 2000 personnes vers 17 h 30.
« Ils voulaient casser du policier »
Le procureur Joël Denis a justifié la réponse judiciaire en rappelant que « si manifester est un droit, il est interdit de commettre des violences sur les forces de l’ordre. » Or celles-ci, indique le rapport de police avaient commencé dès 15 h 45, par des jets de bouteilles sur les hommes postés dans la cour de la sous-préfecture. Au fil de minutes, la tension est montée jusqu’aux premiers tirs de grenades lacrymogènes. « L’attroupement était devenu illicite dès les sommations », explique le procureur. Après les premières grenades, il fallait partir. C’est au contraire là que le ton est monté. « Ils voulaient casser du policier. »
Les sommations, justement, sont contestées par Erwann Lemoigne, avocat de deux prévenus. « La procédure n’a pas été suivie à la lettre. Donc l’infraction d’attroupement pas établie. » Il balaye aussi « l’argument du film vidéo présenté par les policiers dans lequel on ne voit pas ces hommes. » Pour Sabine Riaud, avocate des deux autres manifestants, « cette comparution sert d’exemple : tout est joué d’avance même si ces quatre-là ne sont pas les instigateurs ». Le tribunal a quelque peu allégé les réquisitions en condamnant les quatre manifestants à trois et quatre mois de prison, peine surtout assortie d’une mise en détention immédiate pour deux d’entre-eux.
Frédéric SALLE.
Messages
1. Prison ferme après la manif houleuse , 3 février 2009, 16:15
Le tribunal a retracé les heurts de l’après-manifestation de jeudi, à Saint-Nazaire. Quatre personnes ont été condamnées.
Quatre heures d’échauffourées, des jets de pavés, de bouteilles, de cailloux, de clémentines et de grenades lacrymogènes (photo) avaient émaillé la fin de la journée nationale d’action, jeudi, à Saint-Nazaire.
Quatre jours plus tard, le tribunal correctionnel, a puni par de lourdes sanctions, hier, quatre hommes ayant pris part aux violences. Soutenus par une trentaine de personnes du monde associatif, les manifestants de jeudi n’ont rien de militants revendicatifs. L’un est tuyauteur et travaille en intérim ; un autre, de nationalité allemande, travaille aussi en intérim pour la Navale ; les deux autres sont sans emploi.
Comment se sont-ils retrouvés au coeur des débordements après un défilé qui avait réuni 18 000 personnes et s’était déroulé sans le moindre incident ? « Entraîné par l’ambiance, le ras-le-bol général », a dit le premier, reconnaissant quelques pierres lancées en direction des forces de l’ordre. Un autre ramassait des cailloux quand il a été interpellé, un troisième n’avait pas pris part à la manif mais il était là « en voisin ».
Le quatrième, l’Allemand, a dit être resté « pour faire des photos » et a nié catégoriquement avoir lancé quoi que soit. « L’attroupement était devenu illicite, ils voulaient casser du policier », a argumenté le procureur. Terme rejeté par les avocats de la défense, présentant « des boucs émissaires ».
Le tribunal a sanctionné les quatre hommes de trois et quatre mois de prison ferme. Deux d’entre eux ont fait l’objet d’un placement immédiat en détention.
Frédéric SALLE.
– Ouest France du mardi 03 février 2009