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Salaires : le chantage à l’emploi fait école

Publie le lundi 23 août 2004 par Open-Publishing
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de Jacqueline Sellem

À Châlons-en-Champagne, une entreprise met ses salariés en demeure de travailler 4 heures de plus payées 1 heure sous peine d’être licenciés.

" Comme nous vous l’avons indiqué lors de la réunion du personnel du 22 juillet dernier, la société Ronzat rencontre d’importantes difficultés financières (.). Dans ce contexte, nous avons décidé de ramener la durée collective du travail à 39 heures par semaine pour l’ensemble des salariés. Cette augmentation de la durée collective du travail va produire des effets sur la structure des rémunérations. " Datée du 29 juillet, cette lettre, envoyée recommandé avec demande d’accusé de réception, que les salariés - une trentaine, dans cette petite entreprise de Châlons-en-Champagne, spécialisée dans le revêtement intérieur des bâtiments - ont reçue à la veille de leur départ en congé, était assortie d’une proposition d’augmentation de leur temps de travail de 4 heures payées 1 heure. Et elle était accompagnée d’un coupon-réponse constitué de cases à cocher, à retourner dans un délai d’un mois. " À défaut de réponse dans ce délai, le changement de structure de la rémunération sera réputé accepté ", était-il précisé.

La lettre indiquait aussi : " En cas de refus, et à défaut de possibilité de reclassement, nous serons contraints d’envisager la rupture de votre contrat de travail dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique. " La boucle est bouclée, après les exemples de Siemens, en Allemagne, et de Bosch, à Vénissieux en France, le chantage à l’emploi devient un argument que certains patrons se montrent prêts à utiliser sans scrupule. Et le gouvernement Raffarin qui, sur les injonctions du MEDEF, cherche toutes les occasions possibles pour mettre en cause les 35 heures, diminuer le coût du travail et court-circuiter l’action des syndicats, s’est bien gardé jusqu’à maintenant de mettre le holà à de tels comportements. Pour Jean-Pierre Langlet, le secrétaire général de la CGT dans la Marne, à qui se sont adressés, sous couvert de l’anonymat, des salariés de Ronzat, le patron se sent d’autant plus les mains libres dans ce cas qu’aucun syndicat n’est présent dans l’entreprise. Le responsable départemental de la CGT qui a rendu public ce nouveau cas de chantage ne manque pas de souligner l’illégalité de la procédure. " Elle va à l’encontre de la convention collective et de l’accord de branche qui précise que la durée du travail doit être de 35 heures ", s’insurge-t-il en ajoutant que " même si la loi Fillon de 2003 a élargi le contingent d’heures supplémentaires, celles-ci ne sont pas faites, comme le rappellent des arrêts de la cour de cassation, pour augmenter la durée légale du travail. "

À Châlons-en-Champagne, la balle est aujourd’hui dans le camp des pouvoirs publics puisque, au nom de l’union départementale CGT, Jean-Pierre Langlet s’est adressé au préfet pour lui demander " de faire cesser ce chantage à l’emploi et d’organiser, s’il le faut, une table ronde afin d’examiner d’autres solutions pour assurer la pérennité de l’entreprise ". Mais pour mettre en échec ce chantage, il sera certainement nécessaire que, dans les jours qui viennent, la solidarité et la détermination s’élargissent et se manifestent autour des salariés de Ronzat. Pour l’heure, selon l’AFP, la préfecture de la Marne a annoncé qu’elle organiserait début septembre une réunion du comité départemental de l’emploi afin d’étudier le dossier.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-08-23/2004-08-23-399176

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