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Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy
Publie le samedi 20 janvier 2007 par Open-Publishing20 commentaires

de Pierre-Louis Basse
Cher Nicolas Sarkozy, c’est un joli message que vous avez tenu à nous envoyer depuis la porte de Versailles. Je dis "nous" pour désigner ma famille, voyez-vous, une famille qui se situe plutôt à gauche, depuis plusieurs décennies. Il faut dire que la politique ne déteste pas ce genre de tournants. Je comprends cela. On s’échauffe un peu, on s’emballe, l’air du temps vous pousse à prendre quelques risques verbaux - aidés en cela par des intellectuels touchés eux aussi par votre charisme - et hop ! le temps d’un meeting, c’est toute l’histoire de notre pays que vous parvenez à ramasser dans votre manche. Bien joué président. Très fort.
Hier, Doc Gynéco, le vide et la frime, Pascal Sevran, et ce soir, Jaurès... Hugo... Mandel... La tête me tourne. C’est fou n’est-ce pas, ce que la société du spectacle peut avoir comme talents. Tous ces noms. Ces visages marqués au coin de la générosité. Le don de soi.
Jusqu’à ce jeune homme de 17 ans, Guy Môquet (Le Monde du 16 janvier), fusillé évanoui, le 22 octobre 1941, avec 26 autres de ses camarades, tandis qu’un soleil d’hiver cinglait le camp de Choisel à Châteaubriant. Je n’en crois pas mes yeux.
Franchement, je trouve que TF1 a été trop court dimanche soir. A force de culpabiliser, d’imaginer qu’ils en font trop pour vous dans la campagne, ils ont manqué l’essentiel. "J’ai changé", dites-vous, avec de vrais trémolos dans la voix. Ça n’est plus un changement, cher Nicolas Sarkozy, c’est une révolution. Certes, une révolution "de palais". Mais une révolution tout de même !
Votre discours, je l’ai entièrement relu. C’est important la relecture. En creux, il y a tout de même ces petites habitudes. Ces tics qui reviennent, tapis dans l’ombre et rabattent légèrement le caquet du lyrisme. D’abord, l’empathie et la mémoire : "Ma France... Ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas... Celle des travailleurs qui ont cru à Jaurès et à Blum..." Ne manquaient plus à l’appel que Louise Michel, Gabriel Péri ou Georges Politzer. Mon dieu, que fait la gauche ? Sur le coup, j’ai cru à une lecture publique de l’Aragon du Roman inachevé. Presque du Jean Ferrat dans le texte.
Grâce à vous, cher Nicolas Sarkozy, une fin de l’histoire est revisitée. Tous ces grands chênes, debout, derrière vous seul ! Une République des justes. Et puis j’ai fini par réagir. On se pince. Vous savez, comme lorsque nous sortons d’un étrange sommeil. Cette sieste assassine qui nous fait perdre le nord. Plus loin en effet, j’ai bien lu : "Cette gauche immobile qui ne respecte plus le travail... Cette République virtuelle qui veut donner un diplôme à tout le monde..."
Alors, j’ai fini par remonter à ma propre surface. J’avoue que j’ai rêvé le temps d’un verbatim...
Je me suis brusquement rappelé ce que me confiait mon grand-père, évadé de Châteaubriant avec Auguste Delaune, un mois après la fusillade, repris, déporté à Mauthausen, et copain de votre nouveau héros, le jeune Guy Môquet : "En 1936, me disait Pierre, tu sais, la droite française, dont une partie non négligeable épousera la collaboration - les fameux capitulards -, traitait le ministre Léo Lagrange, créateur des colonies de vacances, de ministre de la paresse..."
Et là, voyez-vous, tout est remonté. Tout, je vous assure. Un courant revenu de loin. J’avoue. Je me suis laissé porter par la vague de ma mémoire de gauche. Les premiers congés payés ; La Baule pour les prolos, un salaire digne pour le travail des femmes, et, plus tard, les accords de Grenelle au printemps 1968 ; le smic, revalorisé, dès 1981, l’abolition de la peine de mort. Une sorte d’inventaire. Tout cela, cher Nicolas Sarkozy, obtenu grâce à des luttes. Des avancées, comme on disait à la maison, jamais offertes. Toujours conquises. Je dois dire aussi, sans vouloir vous offusquer, m’être brutalement rappelé votre difficulté en direct, à commenter la mort du dictateur chilien, Augusto Pinochet. Votre silence m’est apparu assourdissant. Les crimes de droite, impulsés directement par l’administration américaine de l’époque, ne vaudraient-ils pas ceux de gauche ?
Vous aurez noté ma bienveillance à ne pas souligner vos propos malheureux sur cette banlieue où je vis et qui méritait d’autres égards que le simple vocable de "Kärcher". Cette banlieue d’où partirent, cher président, tant de jeunes résistants - armée des ombres de la première heure - dans les brumes de la porte de la Chapelle, Aubervilliers ou St-Ouen. Impossible, n’est-ce pas, dans un tel cortège, d’oublier ces figures étrangères au visage glabre et noir de barbe mal rasée, que déjà l’on stigmatisait sur ces affiches rouges placardées sur les murs de Paris... Missac Manouchian, le tourneur arménien des usines Citroën, Rino Della Negra, le footballeur du Red Star, Joseph Boczov, Stanislas Kubacki, Marcel Rayman... tous fusillés le 21 février 1944 au mont Valérien.
"Le courage, écrivez-vous, consiste à surmonter sa peur..." Oserais-je vous rappeler qu’en plusieurs décennies Neuilly, votre premier grand bastion politique, a presque ignoré le logement social ? C’est ce qu’il y a de terrible dans les familles politiques, cher Nicolas Sarkozy : elles résistent au temps. Et au spectacle. J’aime assez cette phrase de François Mauriac, au soir de sa vie, lorsqu’il évoque la répartition des rôles dans le soulèvement contre l’envahisseur. Une période dont vous avez fait la matrice de votre discours, porte de Versailles : "La classe ouvrière française, dans ses profondeurs, est seule à être restée fidèle à la patrie profanée." Il serait temps que la gauche s’en souvienne.
Pierre-Louis Basse, écrivain, auteur de Guy Môquet. Une enfance fusillée Stock 2000.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-856902,0.html
Messages
1. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 08:05
Ca c’est bien envoyé, et avec talent ! Chapeau !
Steph
1. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 21 janvier 2007, 21:58
merci Pierre-Louis Basse
en plus il continue cet animal de Sarko
chez FOG sur la 5 il cite Jaurès
"c"est en allant vers la mer que le fleuve est fidèle à sa source"
merci PLB de nous rappeler la source
2. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 09:00
Merci M.Basse pour cette indispensable "piqûre de rappel"...
Brunz
3. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 09:37
bravo et merci. Cette récupération est ignoble ! marie75
4. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 10:40
Voilà ce qui s’appelle un article décapant... l’Histoire. Bravo et félicitations de remettre les pendules à l’heure de ceux qui ont la mémoire trop courte.
Tzigane
5. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 11:56
ça fait chaud au coeur ,
roland
6. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 13:12
Bravo M. Basse.
J’ai le plaisir de vous écouter tous les lundi sur Europe 1.
Cela fait du bien de voir un journaliste engagé à Gauche et refusant le dogme Sarkozien.
Comme vous j’ai été choqué par les propos tenus par M. Sarkozy.
Choqué est le bon mot.
Je m’explique.
Je suis étudiant en Master d’histoire ancienne sur l’Université de Bourgogne. Je l’avoue je me place à mon petit, tout petit niveau dans la ligné des J.P. Vernant et P. Vidal-Naquet.
De P. Vidal Naquet j’ai appris qu’il ne fallait pas laisser la mémoire à des mauvaises gens.
Ces Eichemann de papiers comme ils les appelaient dans son ouvrage sur les "Juifs, la mémoire et le présent".
Alors oui je suis choqué d’entendre quelqu’un comme M. Sarkozy, citer Jaurès à tour de bras.
Comment un homme, qui se réclame de l’ultra libéralisme, de l’anti-Socialisme, d’une France "Travail, famille et Patrie", peut citer Jaurès.
Comment un homme qui a dans son comité de soutien des anciens d’Occident, peut citer Zola Dreyfusard.
Comment un aristocrate peut prendre comme exemple des jeunes Communistes et Socialistes morts pour lutter contre le fascisme ?
C’est une attaque honteuse contre la mémoire. Faurisson a fait des adeptes.
La mémoire est importante pour nous peuple de Gauche.
J’ai profondément été déçu par le manque de réaction de la candidate Socialiste. Jaurès réveille toi ils sont devenus fous !!!!!
Ne laissons pas à la Droite nos symboles. Nous avons déjà perdu le drapeau tricolore, la Marseillaise à ceux qui haïssent la République. A nous de reprendre les symaboles de la Révolution, soyons fièrs nous gens de Gauche de Robespierre, Saint-Just, Louise Michel, Jaurès, Marx,Lénine ou Rosa Luxembourg.
Je disais que j’étais choqué à double titre. En effet en tant que militant aux Jeunesse Communistes, je n’accepte pas de voir la mémoire de nos vétérans récupérée par un personnage aux idées dangereuses.
Réagissons, révoltons nous reprenons nos symboles et que 2007 soit Rouge.
Nicolas JC/UEC 21
7. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 14:12
Comme quoi, on peut être un passionné de sports (il est en effet un journaliste sportif sur Europe 1) et dire de belles choses ! Merci monsieur Basse.
Henri.
8. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 14:40
bravo et merci pour ce rappel,hamed.
9. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 15:06
Enfin un rayon de soleil est apparu dans cette brume politique merci encore. Mais le combat pour la " vérité" est important et difficile de nos jours surtout dans ce monde médiatique à la botte du capital. Une lueur de "vérité" face au détournement de l’histoire il faut garder en nous toute la mémoire du passé celle qui a fait la fierté des peuples libres. MIG.
10. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 15:41
Merci Pierre-Louis Basse pour votre rappel historique au discours convenu de Sarkozy. Ce même Sarkozy qui ratisse aussi large avait besoin de la réponse que vous formulez avec beaucoup de talent. Journaliste sportif, vous avez le courage de vos opinions, pour cela je vous réitère toute ma gratitude et ma complicité militante pour un monde meilleur !
Alain GUILLO - Editeur engagé
11. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 18:26
Vérifiez mais il me semble qu’il est allé jusqu’à Moulin.
Oui la "classe ouvrière" - "La France d’en-bas" a été la plus courageuse - qu’elle le soit à nouveau - les temps mauvais finiront - Leur exemple nous conduira -
12. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 18:38
Pétain , 17 juin 1940
http://hist-geo.ac-rouen.fr/doc/txt/discours_petain.htm
« Cest le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt a rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’Honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écouter que leur foi dans le destin de la Patrie. »
Que dit Sarkosy à part de faire taire notre angoisse , de renoncer à le critiquer et à "n’écouter que (notre) foi dans le destin de la Patrie" ?
Donc comme le rappelle cet article, continuons à voir l’ennemie où il est , devant nous ; Sarkosy.
jyd
13. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 20 janvier 2007, 19:09
Cher Pierre Louis,
je lirais votre livre, merci pour ces quelques rappels pour le moins important, et ces mises au point.... eclairantes
Brebis Galeuse
webmaster de : les loups
auteur : les loups le sarkozysme expliqué aux enfants
1. HONTE A VOUS, MONSIEUR SARKOSY, 20 janvier 2007, 20:16
C’est d’un cynisme ordurier éhonté que s’accaparer les noms de Hugo, Jaurès, Guy Mocquet...
Oui, ces hommes, Monsieur Sarkosy, sont l’honneur de la France des justes mais certainement pas de la VOTRE, celle des équarisseurs de la classe ouvière, du CAC40, ni encore moins de votre fond de commerce sordide. A propos, que faisait donc votre papa en Hongrie durant l’occupation nazie, de la résistance ?
Tzigane
2. HONTE A VOUS, MONSIEUR SARKOSY, 21 janvier 2007, 00:05
Bravo pour avoir rappellé le souvenir de cs héros et avoir dénoncé leur "récupération" par ce chacal.
Mais ils doivent être bien inquiets... Pour chercher à ratisser aussi large.
GL
14. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 21 janvier 2007, 02:41
Je n’avais pas osé, jusqu’à cette nuit, , Mr Basse,vous remercier pour votre artilcle, parce que mon fiston m’avait dit que les commentaires ne valaient sur ce site que s’ils étaient "argumentés". Mais que pourrais-je dire de plus que ce que vous avez magistralement écrit ?
Je reconnais là le style du MONSIEUR que j’ai entendu sur Europe faire parler ses jeunes concitoyens de SA banlieue.
Bigoudène
P. Scr : Mon fiston est le webmaster de ce site.
1. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 21 janvier 2007, 12:20
Merci pour cet article, il est vrai que ce pan de notre histoire est laissé de côté par la gauche et le PCF en particulier qui avait été baptisé à l’époque "le parti des fusillés" et le rôle qu’il a tenu dans la résistance.
Comment oublier pierre Georges allias colonel fabien qui à 17 ans fût celui qui abatti, dans le Paris occupé, le 1er officier nazi, et tous ces jeunes communistes qui laisserent leurs vies pour que notre dignité soit respectée, pendant que les donneurs de leçon restaient bien planqués sinon collaborés avec l’occupant. Cette jeunesse qu’ albert Ouzoullias qualifié de bataillons de la jeunesse dans son livre mémoire du même nom (les bataillon de la jeunesse).Cette jeunesse écrasée par le "Kartcher" nazi.
l’étranger
15. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 22 janvier 2007, 12:12
Malheureusement Sarko est parti pour gagner haut la main cette élection et la prochaine aussi...grace à la gauche qui lui déroulé le tapis ! s’il s’accapare les symboles, c’est que les autres n’ont pas été fidéles à ces symboles !
16. Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, 22 janvier 2007, 17:30
cet article est tout simplement bouleversant et remet les choses en place.
moi assi j’ai été choqué d’entendre ce monsieur Sarkozy citer guy môquet. un jeune homme qui a donné sa vie pour la liberté contre l’envahisseur. j’ai maintenant 62 ans, dans ma famille on avait grand respect pour cet homme. une photo de lui "pronait" dans l’appartement. Il est vrai que mon père a été militant, syndicaliste cgt délégué syndical, membre du pcf secretaire de section et secretaire departemental. et mon enfance a été "bercée" des mots et gestes - solidarité-justice-liberté-egalité-fraternité. je suis fils de gueule noire et je n’ai que de bons et beaux souvenirs de générosité et solidarité de la classe ouvrière.