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Sarkozy dit qu’il est revenu pour débarrasser la France des voyous ?
Publie le samedi 4 juin 2005 par Open-Publishing2 commentaires
Commençons par le haut !
Sarkozy dit qu’il est “revenu pour débarrasser la France des voyous” ?
Commençons par le haut ! Il y a trop de patrons voyous.
Selon le Medef, déjà, un patron sur deux du Cac 40 est mis en examen.
Il y a des milliards d’heures supplémentaires impayées, qui font autant d’emplois en moins et autant de "trous" dans les caisses de Sécu et de retraite...
Commençons par doubler les sections d’inspection du travail et leur donner le moyen de rétablir l’état de droit dans les entreprises !
Défendre le Code du travail, c’est défendre le droit au travail !
Gérard Filoche, le 4 juin 2005
In « Les Carnets d’un inspecteur du travail »
Ed Ramsay 2004 dernier chapitre
Critique détaillée du rapport de Virville
Valable aujourd’hui contre les projets de démolition du Code du travail
...moins de code, moins de droits !
Avec la gauche, les salariés n’ont pas eu tout ce qu’ils voulaient. Avec la droite, ils ont tout ce qu’ils ne veulent pas.
Après une phase où les droits, l’emploi, avaient augmenté significativement entre 1998 et 2000, tout a reculé après le 21 avril 2002. On est passé du projet des 35 h sans perte de salaire aux 45 h sans gain de salaire. On est passé de l’affaiblissement de la retraite à 60 ans, à la mise en oeuvre de la retraite à 65 ans, on est passé d’une relative hausse de la masse salariale à un nouveau recul des salaires. On est passé d’une amélioration relative des droits face aux licenciements à une destructuration du Code du travail. On est passé d’une Sécurité sociale excédentaire et des caisses de chômage en équilibre à des déficits organisés dans les Assedic et dans les dépenses de santé.
La droite se révèle plus agressive, plus fidèle aux exigences du Medef que la gauche n’avait été déterminée et fidèle aux attentes des salariés.
Mais du coup, les tensions sociales s’accroissent, et les syndicats, comme l’inspection du travail, et... le Medef le sentent très bien. Il y a une sorte de "quitte ou double" dans l’air : vie ou mort des retraites par répartition, vie ou mort de la Sécu, vie ou mort du code du travail, vie ou mort de l’inspection ?
Cela a commencé par un fantastique mouvement social en 2003.
L’événement majeur de 2003 en France est... syndical
Le Figaro a présente l’année 2003 comme celle de la "victoire" (sic) du gouvernement Raffarin sur les retraites, mais en précisant que l’année se terminait sur un "goût amer" et une "chute de la popularité" à cause de la "canicule meurtrière" de la "croissance en berne".
Mais justement, n’est-ce pas à cause de ce qui s’était passé sur les retraites que la fin de l’année de MM Chirac-Raffarin était amère ?
2003 : le mouvement social qui s’est produit dans l’année 2003 est l’un des plus grands de l’histoire de France avec 1936, 45, 68, 86, 1995. Il y a eu 11 journées d’action enseignantes, 9 journées nationales interprofessionnelles, quatre journées où il y eut plus de 2 millions de manifestants (le 13 et le 25 mai, les 3 et 10 juin), d’autres où il y en eut des centaines de milliers (1er février, 3 avril, 6 mai, 10 mai...) 140 jours de lutte (du 1er février au 23 juin), cinq à six semaines de gréve enseignante, près de 30 millions de jours de gréve, et 66 % de l’opinion en faveur des grévistes ! 2003 est une année historique record dans l’histoire sociale de notre pays.
Cette mobilisation en défense des retraites et en opposition au plan du gouvernement Raffarin-Fillon n’a pas affecté seulement la fonction et le secteur public, elle a aussi touché les grandes entreprises du privé, même si ce fut à un degré plus limité : elles ont participé massivement aux temps forts, notamment le 13 mai : jusque dans des petites villes et des régions reculées, des initiatives de luttes spectaculaires, étonnantes dans leur intelligence et leur combativité, ont été prises. Des réseaux par Internet pour la première fois à cette échelle dans une lutte nationale ont tissé une toile d’informations, d’argumentations, de solidarité, tout à fait exceptionnelle : des millions de mel ont circulé, court-circuitant les télés officielles, les médias tenus en main. Il y a eu, notamment en province, des cortèges beaucoup plus importants qu’en 1968 et en 1995. La durée et l’âpreté de la lutte ont contribué à radicaliser massivement des millions de personnes dans tout le pays. On a vu des slogans syndicaux et politiques globaux surgir dans les cortèges, non seulement défendre des mots d’ordre alternatifs pour les retraites, mais aussi mettre en cause l’ordre capitaliste, financier, mondialisé et toutes ses conséquences en termes d’inégalité sociale, de gâchis humain, de gaspillage économique.
Un axe intersyndical s’est constitué, majoritaire et profond, autour de la Cgt, de la Cgt-Fo, de la Fsu, de l’Unsa et du Groupe des dix. La Cfdt dont la direction a pris la terrible responsabilité de diviser, à chaud, seule, le front syndical, et de signer avec l’un des gouvernements les plus réactionnaires de ces 50 ans dernières années, a payé au prix fort cette trahison des salariés, elle connaît crise sur crise, départs après départs, sans doute entre 50 et 100 000 de ses adhérents la quittent, alors qu’elle recule en voix, partout, aux élections professionnelles.
La gauche, malgré ses divisions et son dramatique échec du 21 avril 2002, s’est retrouvée sur des positions communes de rejet de la loi Fillon sur les retraites. Le Pcf, les Verts, Lo et la Lcr étaient opposés au plan gouvernemental visant à baisser le niveau des retraites et à allonger la durée des annuités de cotisations. Le Ps, tenant son congrès au c¦ur de ce mouvement social, a choisi d’exiger le rejet de la loi Fillon, son Premier secrétaire s’est engagé solennellement à abroger la loi sur les retraites, et à l’unanimité, toutes ses sensibilités ont appelé à élargir la mobilisation autour des syndicats mobilisés.
Malgré cette force du mouvement social, syndical et politique, qui est l’événement de l’année 2003, le gouvernement Chirac-Raffarin, appuyé par le Medef, a refusé de négocier, et même de rechercher un compromis. Il a imposé sa loi de programmation de la destruction des retraites.
C’est la première fois depuis 1936, 45, 68, 95 qu’un gouvernement ose ainsi résister à la force du mouvement social et s’acharne même à le défaire : s’il y a un fait marquant cette année écoulée, c’est celui-ci.
C’est cela le seul "goût amer" de la fin 2003.
Tentative de liquider le Code du travail :
Mais les menaces ne se limitent pas, hélas, à ces attaques violentes contre les retraites et la sécurité sociale.
Le droit même du travail est en passe d’être détruit.
François Fillon - avec l’appui de Raffarin et Chirac - est passé en force au Parlement le 17 décembre 2003 : alors qu’il rencontrait une opposition violente de 100 % des syndicats, il a imposé par la loi le fait que la priorité au dialogue social avec les syndicats devait passer... avant la loi !
Dans sa pratique, le ministre Fillon est le contraire incarné du dialogue social. C’est en effet un ministre, François qui s’est permis de casser en décembre 2002, un accord pourtant majoritaire dans la restauration, (lésant gravement 750 000 salariés) qui a piétiné après le 9 janvier 2003 un vote majoritaire et une opposition syndicale majoritaire à Edf, qui a signé un accord minoritaire le 15 mai dernier sur les retraites, qui a étendu deux fois, le 26 juin et le 13 décembre, un accord minoritaire sur les intermittents du spectacle, qui a imposé le 5 décembre, un décret sur l’affaiblissement de la médecine du travail contre l’avis majoritaire écrasant de 6 syndicats nationaux (etc.) ... et qui se fait le soudain prosélyte des "accords majoritaires".
Sa loi adoptée en première lecture le 17 décembre reconnaît le principe "d’accord majoritaire" où il suffit d’être 3 syndicats sur 5 pour que l’accord soit valable ! C’est aussi ridicule et aussi stupide, aussi grotesque, aussi inadmissible que si, à l’Assemblée, au lieu de compter le nombre de députés, on comptait le nombre de partis pour décider s’il y a ou non une "majorité" en faveur d’une loi.
C’est se moquer des Français, et des syndicalistes, de la démocratie et des salariés. Il croit que si peu de citoyens, si peu de salariés s’intéresseront aux côtés pervers et sophistiqués de sa loi... que ça ne créera pas de scandale.
En réalité le principe d’"accords majoritaires" est logique, démocratique, souhaitable en toute évidence, en toute urgence. Car comment continuer à accepter qu’un syndicat minoritaire signe des accords d’entreprise, de branches, interprofessionnels, qui n’ont pas l’appui des salariés mais les engagent quand même ? Cela aggrave le système du "paritarisme" dévoyé où le patronat représente abusivement 50 % des mandats et pouvoirs, il lui suffit alors d’obtenir la caution d’un petit syndicat "maison" à 5 ou 10 % pour faire ce qu’il veut. Soit à la tête d’une caisse de protection sociale. Soit dans une branche. Soit dans l’entreprise.
Pourtant la représentativité du patronat est fortement contestable, son poids dans les collèges électoraux devrait être ramené à de justes proportions, et des règles de démocratie élémentaires devraient présider aux négociations et à la vie de toutes les institutions représentatives du personnel, comme des organismes sociaux.
Le Medef n’obtient que 11,3 % des suffrages exprimés aux dernières élections prud’homales avec 73 % d’abstentions dans le collège employeur. Ce Medef qui donne en permanence des leçons de représentativité, n’en a guère.
Il existe bien quelques garde-fous dans le droit actuel : la hiérarchie des sources de lois, l’ordre public social, le droit d’opposition et le principe de faveur.
Ainsi le patronat ne peut (théoriquement) aller contre la loi. Il ne peut déroger au niveau de l’entreprise à ce qui a été signé dans la branche. S’il y a doute, c’est la règle "la plus favorable au salarié qui l’emporte". Enfin, les syndicats opposés à un accord peuvent dans des conditions très restrictives et très difficiles à mettre en oeuvre, user du "droit d’opposition".
François Fillon fait mine de mettre en place un faux principe majoritaire et détruit tous les garde-fous sur la hiérarchie des sources de droit, et le principe de faveur.
Ainsi il légifère pour qu’un accord signé par les seuls Cfdt, Cftc et Cfe-Cgc s’impose puisqu’il n’y aurait que la Cgt et la Cgt-Fo qui se prononceraient contre. Un tour de passe-passe pour faire d’une minorité, une majorité et vice-versa. À trois contre deux ! Alors qu’à la base, dans les élections (prud’homales par exemple,) Cgt et Cgt-Fo sont majoritaires.
Pour en arriver à cela, Fillon s’arque boute sur un "arrêté de 1966", lui-même basé sur une loi d’après-guerre, qui limite à 5 le nombre de syndicats qui bénéficient d’une "présomption irréfragable de représentativité" : cela signifie que seuls ces cinq syndicats n’ont pas à faire la preuve de leur représentativité, ils sont présumés l’avoir dans toutes les entreprises de leur branche... L’employeur doit forcément s’adresser à eux et à eux seuls pour organiser des élections au premier tour pour les délégués du personnel ou le comité d’entreprise... Seuls leurs délégués syndicaux sont légitimes...
Mais depuis 1945 et 1966 bien des choses ont changé dans le mouvement syndical et dans la vie démocratique qui exigent de revoir ces critères de représentativité : ils devraient être basé sur des élections professionnelles faites un même jour dans chaque branche, et aussi sur les élections interprofessionnelles aux prud’hommes et à la Sécurité sociale.
François Fillon continue d’écarter des syndicats nouveaux qui sont apparus (Unsa, Fsu, Groupe des dix, Sud...) et qui représentent davantage de salariés, par exemple, que la Cftc et la Cfe-Cgc qui appartiennent aux "cinq".
Sur quels critères les "cinq" ont-ils été choisis il y a 59 et 48 ans ? Sur cinq critères toujours présents dans le Code du travail, dont l’un est "comportement du syndicat dans la résistance" à l’occupation nazie. François Fillon qui a mis en place une commission dite "de Virville" pour "moderniser" prétendument le Code du travail, n’envisage là, aucune modernisation de ces critères.
Pourtant François Fillon doit faire face à un recours, en Conseil d’état, de l’Unsa qui, forte d’avoir atteint 5 % aux élections de décembre 2002, revendique aussi la "présomption irréfragable de représentativité" : si le Conseil d’état la lui accordait, que deviendrait le futur-ex système Fillon, 5 contre 3 avec six syndicats partagés entre eux ?
Comment peut-on mettre prétendre en oeuvre un principe "d’accords majoritaires" sans faire entrer en jeu tous les syndicats et tous les syndiqués concernés, sans tenir compte des résultats aux élections prud’homales, de branche, de sécurité sociale, d’entreprise ?
Le Medef réclamait que le "silence" d’une convention vaille autorisation de déroger. François Fillon a donc introduit dans sa loi en première lecture le 17 décembre, que les conventions collectives existantes pourront être modifiées de façon dérogatoire "dés lors que ces dernières ne l’interdisent pas explicitement".
Le nouveau principe majoritaire ne s’appliquera que s’il y a un "accord majoritaire" qui le prévoit. C’est la poule et l’¦uf : il faut un accord majoritaire dans les branches pour que s’y installe un principe d’accords majoritaires, le premier étant faussé, à 3 contre 2, les autres le seraient aussi...
Mais les accords dérogatoires pourront aussi exister en l’absence de délégué syndical, par simple signature des délégués du personnel, ou encore par celle d’un "mandaté".
Défaire en bas ce qui a été signé en haut ?
Et cela ouvrirait la porte à des "accords d’entreprise" qui pourraient contourner des accords de branche et même la loi...
François Fillon, d’ailleurs, est le grand praticien des lois "suspensives" "expérimentales" auxquelles il est possible de "déroger" par accord : il a ainsi fait voter, fin 2002 et début 2003, des lois sur le droit du licenciement, sur le nombre et le taux des heures supplémentaires.
Il a donné aux branches le doit d’allonger le contingent annuel d’heures supplémentaires : ainsi la poissonnerie l’a allongé à 230 h.
Il a donné aux branches la possibilité de choisir le taux des heures supplémentaires : ainsi sont-elles majoritairement restées, et ce, jusqu’en 2006, à 10 % entre la 36 ° et la 40° heure.
Il a donné aux partenaires sociaux un délai de 18 mois pour "négocier" un nouveau droit du licenciement afin de remplacer les articles suspendus de la "loi de modernisation sociale" de janvier 2002.
Il a repoussé au premier janvier 2006 la disposition permettant aux entreprises de moins de 20 salariés de n’imputer les heures supplémentaires qu’à partir de la 37° heure et non de la 36°. Ce qui rajoute de facto une heure par semaine, soit 52 heures au contingent annuel déjà autorisé (mais dépassable par accord dérogatoire) de 180 h.
C’est-à-dire, que Fillon fait tout pour encourager le fait que ce soit "en-bas" dans l’arène de l’entreprise, au cas par cas, sous l’égide de l’employeur, avec des salariés juridiquement subordonnés, soumis au chantage à l’emploi, avec des règles de majorité truquée, que puissent être remis en cause les lois émanant de l’Assemblée nationale élue par le peuple souverain.
Selon la loi Fillon, les "accords d’entreprise" seront valides lorsqu’ils seront "signés par des syndicats majoritaires". Et le droit d’opposition sera facilité. Comment sera identifiée la majorité ? Par "la majorité des suffrages valablement exprimés aux dernières élections du Ce". Cela écarte le système existant, ingrat et rare dit du "droit d’opposition" qui imposait que se dégage, dans un délai de huit jours après l’accord, une "majorité des inscrits" avant qu’il ne soit remis en causepar un juge...
Mais même une majorité des "votants" (et non plus des "inscrits") ne sera pas évidente du premier coup vu qu'il peut y avoir six, huit, voire dix syndicats, et qu'une position "charnière" peut devenir aussi forte que la majorité dans un tel système.
Vu, également, que la faiblesse des syndicats peut donner un poids aux "élus de deuxième tour" non syndiqués, (ils atteignent 23 % des suffrages en 2002) et que cela rend difficile dans cette hypothèse aux syndicats d'atteindre la majorité, donc cela rend impossible tout accord...
Vu aussi que des "mandatés" ne sont pas et ne bénéficient pas des droits et de la formation d'un authentique délégué syndical.
Fillon introduit, en plus, des périodes expérimentales de 3 à 4 ans, des seuils de 35 % de votants... toutes conditions qui éloignent de la simplification, de la clarté, de la transparence de la représentativité et de la règle démocratique. Tout cela prendra du temps, et la sophistication des procédures contribuera à la désarticulation souhaitée du "dialogue social" : c'est la mort du dialogue patronat-syndicat au niveau national interprofessionnel, de branche, car à quoi servira ce type de négociation si elle peut être remise en cause dans les (grandes) entreprises du secteur ?
C'est une véritable bombe anti-syndicale et anti-sociale :
Ce n'est pas un hasard si 100 % des syndicats sont hostiles à cette dernière loi Fillon : ils mesurent tous ce qu'ils ont à y perdre, qu'ils soient ou non, dans le "groupe des cinq" automatiquement représentatifs.
Le Medef fait mine de se plaindre, mais n'y voit qu'avantage et c'est pourquoi l'Ump s'apprête à faire passer en force par la loi cette destructuration qui diminue... le rôle de la loi dans le droit du travail. Tout cela au nom du "dialogue social".
Pire : le "rapport de Virville" :
Le rapport "de Virville", commandé par François Fillon a fait la "une" des journaux autour du fameux projet de "contrat de mission" ou "de projet" qui visait à saper les bases du contrat à durée indéterminée...
Il est vrai que ce "super Cdd" réclamé par le Medef depuis de longues années était une véritable provocation : il visait à étendre la précarité, à fragiliser les cadres, à saper l'idée légitime de "droit à l'emploi" et à des emplois stables et reconnus. Qui peut vivre avec le couteau de l'Anpe sur la gorge tous les trois ou cinq ans ?
Mais, du coup, les 58 autres mesures proposées par de Virville, sur commande de François Fillon sont passées inaperçues. Or, elles sont pires que le "contrat dit mission" !
Il faut examiner ce que contient ce rapport car, s'il entrait en vigueur dans la loi, ce serait, vraiment, la fin du Code du travail et de l'inspection du travail tels que nous les connaissons encore :
Par exemple:
1°) Proposition n°3 : de Virville propose d'opérer des "refontes constructives du Code du travail" par voie d'ordonnances ("dans certaines limites, sans que cela soit à "droit constant"). C'est-à-dire que le Parlement serait dessaisi de la remise en cause des lois du travail qu'il a voté. Le Code du travail, qui est composé par des lois de la République, adoptées par le législateur, serait modifié par des commissions ad hoc, par paquets, sans que les droits des salariés soient garantis comme constants, et cela serait avalisé par des "ordonnances".
Or le Code du travail est le fruit de décennies de luttes et de rapports de force, qui l'ont modifié et façonné au millimètre. Il n'est sans doute pas toujours cohérent, satisfaisant, mais il est le fruit détaillé, précis, de choix faits en fonction des revendications des salariés, des exigences des patrons, et par des compromis passés sous l'égide de députés démocratiquement élus. Le remodeler, le remanier, la faire « nettoyer » sous prétexte de « simplification » ou de « modernisation », par des "techniciens" désignés, en dehors de tout accord issu du terrain, revient à casser cette spécificité précieuse de ce Code du travail.
Dans le Code du travail, il y a toujours une "niche" quelque part qui protége un droit précis : ce serait bien sûr à ces protections que les technocrates désignés, sous la pression diligente du Medef, s'attaqueraient.
2°) Proposition n°5 : "L'insertion, dans chaque réforme législative d'envergure d'un article autorisant le gouvernement, par voie d'ordonnance, à tirer les conséquences techniques de cette réforme sur les dispositions qui se trouveraient indirectement affectées par elle mais que le Parlement n'aurait pas eu le temps de modifier"
Jugeant sans doute le législateur incapable, estimant que celui-ci ne sait pas adapter les textes, de Virville érige le pouvoir des technocrates ("patronaux" n'en doutons pas) en super-législateur, en nettoyeur d'erreurs de députés, en superviseurs non élus du droit dans l'entreprise.
Sans doute l'entreprise doit-elle échapper à la loi, à ses décrets d'application, aux circulaires, et à tous les mécanismes ordinaires de la hiérarchie des sources de droit, pour qu'on soit obligé de prôner de telles mesures d'exception en sa faveur ? Sans modestie, de Virville propose de "pérenniser" sa commission pour ce genre de tâche : elle serait "une instance ad hoc de "veille juridique" composée d'experts, placée auprès du Premier ministre"...
3°) Proposition n°7 : "Inciter les juridictions de première instance et d'appel à recourir à la procédure de saisine de la Cour de cassation pour avis pour les litiges portant sur le droit du travail".
Ainsi, on renverse l'ordre des juges. Au moment où le ministre de la Justice Perben met en place des "juges de paix" (contestés), de Virville donne la priorité à la Cour de cassation... Que voulez-vous, le droit du travail est si "extraordinaire", hors norme, que « cela le vaut bien » !
Les” petits” juges prud'hommes ou de première instance sont estimés incompétents pour trancher des revendications légitimes des salariés, il faut donc les inciter à ne pas trancher, tant qu'ils ne savent pas l'opinion de la dernière des Cours de recours... Entre temps, le justiciable, généralement, licencié, lésé, expulsé, harcelé, attendra des mois et des années d'avoir la réponse des grands juges, avant d'avoir gain de cause devant ses juges directs !
4°) Proposition n°8 : "Instituer un délai de forclusion de deux mois au-delà duquel tout recours en annulation contre un accord collectif de travail deviendrait impossible". Allons donc, M Fillon autorise des "accords d'entreprise" qui auront le droit de remettre en cause les accords de branche et M. de Virville verrouille ces accords pour qu'ils ne puissent pas être contestés.
Deux mois, ce n'est rien quand il n'y a pas de syndicat, pas de partie diligente, etc.
Vous noterez que là, il n'est pas question de demander l'avis préalable du juge, de saisir une cour, de vérifier la légitimité de l'accord ! Non : à ce stade, fi des précautions, il s'agit seulement de le verrouiller !
5°) Proposition n°9 : "Généraliser la règle de prescription de cinq ans applicable aux demandes des salariés et assimilés" et "pour les actions indemnitaires, un délai de prescription de dix ans".
Aujourd'hui, quand un patron n'a pas informé un salarié de ses droits à repos compensateurs, il n'y a pas de prescription, le salarié peut réclamer tous ses droits sans limites (et il existe des repos compensateurs depuis 1982 dans le Code du travail). De Virville veut que même le salarié lésé et pas informé, escroqué par son employeur perde la possibilité de récupérer son dû.
Pour les dix ans, on se frotte les yeux : verrouillage pour "toute action indemnitaire à dix ans".
Quid des maladies professionnelles, des suites des accidents du travail ? Amiante, cancers professionnels, troubles-musculo-squelettiques ?
6°) Proposition n°10 : "Reconnaître par la loi, la faculté de la Cour de cassation de moduler les effets de ses décisions dans le temps".
Le droit du travail relèverait de plus en plus de la procédure d'exception : les décisions du juge suprême ne s'appliqueraient plus que de façon différée, le justiciable pourrait avoir raison, mais n'avoir pas de droit, les autres justiciables sauraient qu'ils sont dans le droit mais ne pourraient en profiter !
À quoi sert ce délai ? À "sécuriser" les autres employeurs pour qu'ils ne soient touchés par la décision du juge. Là, les citoyens employeurs bénéficient d'une clémence, d'une tendresse, d'une protection exceptionnelle : les citoyens salariés n'y ont pas droit.
Ainsi lorsque la Cour de cassation condamne le 21 janvier 2004, la Sovab, filiale de Renault dirigée par de Virville, parce qu'elle fait abus d'intérimaire, il pourrait y avoir des délais avant que cette sanction - parfaitement établie en droit, mais « première dans les annales de la Cour - ne s'applique ?
7°) Proposition n°11 : "La loi devrait rendre obligatoire la saisine par le juge des instances de "commissions paritaires d'interprétation des accords". De mieux en mieux ! Là où le juge pouvait trancher, la loi lui demanderait de ne plus le faire et de le renvoyer obligatoirement à des commissions paritaires où les patrons, se refuseraient bien évidemment à trancher. Tout ce qui renvoie de force a des "commissions paritaires" est cocasse face à un patronat qui ne veut pas négocier, qui ne cède rien au niveau des branches... qui fait la chaise vide à la Sécu pour mieux torpiller le paritarisme.
8°) Propositions 14 et 15 : "Rendre obligatoire par la loi la formalisation par écrit du contrat de travail sans pour autant exiger l'écrit en condition de validité du contrat". Ça, c'est encore fort de café.
Pour les autres contrats écrits (Cdd, intérim, saisonniers, atypiques), le Code prévoit que l'écriture du contrat est la condition de sa validité.
L'Europe exige depuis longtemps des contrats écrits, même en Cdi. La France s'y est refusée jusqu'à présent en prétextant qu'il y avait trop de paperasse, et que le bulletin de paie suffisait (quand il existe des bulletins de paie).
Que propose exactement de Virville ? C'est vicieux. Il propose un contrat qui serait réduit à 5 éléments dit "c¦ur du contrat" : nature du contrat, qualification, rémunération, secteur géographique, et durée du travail.
Mais ces cinq dispositions "contractuelles", "composants de base" s'imposeraient à tout accord collectif et ce n'est qu'en dehors de ces cinq domaines que le changement de règles collectives s'imposerait au contrat de travail.
C'est bien pire que les dérogations que Fillon veut rendre possibles au niveau de l'entreprise par rapport aux accords de branche. Ce serait là des dérogations "contractuelles" individuelles qui s'imposeraient à l'accord d'entreprise !
9°) Proposition n°16 : « Soumettre la procédure de modification unilatérale du contrat de travail à la pression de l'employeur non seulement pour des raisons économiques, mais pour toute raison, pour tout motif, fait aussi partie des projets de Virville.
La loi confirmerait un mécanisme similaire ce que Balladur-Giraud avaient sournoisement introduit en 1993 dans la loi quinquennale, mais en étendant le champ d'application. Tout employeur qui veut changer unilatéralement un contrat quelle que soit la nature, le motif, l'ampleur de la modification, n'aura qu'à envoyer une lettre comminatoire (en expliquant la modification et en donnant un délai), et si le salarié ne répond pas dans le délai fixé, il sera réputé avoir refusé, il pourra alors être licencié. Les salariés doivent se préparer à courber l'échine, soyez mûrs pour "l'employabilité" interne... ou externe à l'Anpe.
10°) Proposition n°18 : de Virville propose d'aligner les "Cdd dits d'usage" sur les autres Cdd (la jurisprudence tend déjà à le faire...) mais il propose en même temps... d'allonger la durée de recours à ce type de contrats. Cela frappera un grand nombre de professions dont l'écrit et l'audiovisuel.
11°) Proposition n°21 : Un comble, encore : de Virville propose de revoir les frontières entre "salariat" et "travail indépendant", de "permettre aux usagers du droit du travail de choisir dans quel régime juridique ils souhaitent inscrire leur relation". Ainsi, c'est l'ouverture du droit de n'être pas salarié, au gré des "usagers" (nom générique donné pour la circonstance aux patrons et aux salariés). En choisissant d'être "travailleurs indépendants" ils se débarrasseront des obligations du Code du travail !
Ce sont des drôles d"usagers" qui auraient la possibilité de s'affranchir des règles en... usage ! Vieille reprise de la loi Madelin, de toutes les tentatives pour légaliser le marchandage, et pour supprimer le délit de "prêt illicite de main d'¦uvre".
Les vieux libéraux du type de Virville rêvent de "mettre fin à l'impérialisme" du contrat de travail. D'en revenir aux loueurs de bras. De multiplier les pseudo "travailleurs indépendants", en un mot de réduire le salariat : le fait que celui-ci représente une force de 88 % de la population active, les terrorise décidément !
12°) Proposition n°23 : D'ailleurs de Virville explique crûment l'escroquerie qu'il voudrait légaliser : "la loi pourrait préciser que l'exécution d'un contrat de prestation de services ne constitue pas une opération de prêt de main d'¦uvre" !
La fausse sous-traitance serait absoute d'avance !
13°) Proposition n°24 : Créer dans les entreprises un "conseil d'entreprise" fusionnant les fonctions de DP, de CE et des délégués syndicaux ! propose de Virville.
Sans doute pour limiter le nombre d'élus et de salariés protégés, le nombre d'heures de délégations, le nombre de réunions, il n'y a pas de "petites économies" quand on est antisyndical ! D'autant que dans les expériences déjà connues de "Dpu", (délégation du personnel unique), mise en place par la loi Giraud-Balladur (dite quinquennale) de 1993, ou l'élection se fait déjà tous les deux ans (et non plus chaque année), cela donne des résultats éloquents : moins de réunions, moins de questions, moins de droits, moins d'informations, moins d'élus, moins d'élections, moins de liens entre élus et salariés, etc.
14°) Proposition n°25 : la "possibilité de supprimer le comité de groupe" par accord. Tiens, pourquoi pas ? Moins, il y aura d'instance de contrôle, mieux ce sera, n'est-ce pas, MM. de Virville et Fillon ?
15°) Proposition n°27 : « Imposer la règle d'un an d'ancienneté pour tout mandat de représentant du personnel. Ça fera moins d'électeurs et moins d'élus en ces temps de précarité. Pourquoi ne pas mettre "trois ans" ? Comme ça les salariés en contrats de mission ne pourront ni être candidats ni voter !
16°) Proposition n°28 : "Le retour au critère du lien de subordination pour déterminer l'effectif à prendre en compte pour l'élection des représentants du personnel". Pardi ! Si on facilite le choix d'être “travailleur indépendant", on évacue le lien de subordination juridique, donc, on évacue le nombre d'électeurs dans l'entreprise, et aussi, le nombre d'élus (fixé selon les seuils d'effectifs !). Il a de la suite dans les idées antisyndicales, ce M. de Virville !
17°) Proposition n°29 : "Encourager les votes par Intranet dans les entreprises" : vu les surveillances existantes, on sera encore plus loin de l'isoloir ! Le mel cessant parallèlement d'être une correspondance privée...
18°) Proposition n°30 : "Le mandat des élus devrait être porté de deux à quatre ans". De Virville prétend que c'est pour sécuriser les élus (Aurait-il du souci pour eux ?). En fait, les élus des petites entreprises ont un mandat réel de durée moyenne équivalente à un an et demi... Depuis que les élections ont été portées de un à deux ans, (par E. Balladur) il y a moins d'élus, ceux-ci sont davantage "coupés" des salariés, les Dp sont moins connus dans les entreprises, les turn-over, découragements, démissions, licenciements, font qu'il y a des postes d'élus vacants en plus grand nombre. Qu'est-ce que ce sera avec des mandats de quatre ans ?
19°) Proposition n°32 : "La possibilité de fournir un rapport unique annuel au Ce". Déjà que les différents documents spécifiques ad hoc, par thèmes distincts ne sont guère fournis aux Ce, un "gros” rapport annuel, le sera encore plus difficilement. À moins que M. de Virville ne propose d'alléger le contenu de ce rapport annuel : ca ne saurait surprendre, s'il ne l'a pas dit dans ce rapport, il le dira dans le suivant !
20°) Proposition n°34 : « Préciser par la loi, qu'en cas de succès d'une négociation d'entreprise, l'accord qui en résulte ne fait pas l'objet d'une consultation". Si c'est signé, pas de consultation des salariés ! Des fois qu'il arrive, comme à Edf le 9 janvier 2003 que ce soit signé et que les salariés démentent en votant majoritairement contre ! De moins en moins de démocratie !
21°) Proposition n°35 : « Autoriser le chef d'entreprise à adapter le délai de convocation du Ce". Pardi ! On peut même l'autoriser à le convoquer par fax, comme Marks & Spencer, en 2001, en lui adjoignant le rapport annuel unique, incluant la liste des licenciés... et raccourcir le délai pour les licencier afin de les "sécuriser" : dés réception de l'information, ils seraient dehors... Comme ça, ils ne resteraient pas dans le doute pendant des mois ! Est-ce qu'on leur paiera le taxi pour rentrer aussitôt chez eux avec le fax sous le bras comme cela se fit dans l'entreprise SKF ?
22°) Proposition n°36 : « L'inscription automatique par le chef d'entreprise à l'ordre du jour des questions sur lesquelles le CE doit être consulté". Le diable est dans les détails, le patronat et M. de Virville ne sont pas des gens "flexibles" mais rigides, la flexibilité, c'est pour les salariés et les syndicats, qui doivent se plier "automatiquement" à leur ordre du jour, même si à cet ordre du jour-là ils sont licenciés sans avoir eu le temps de lire les documents envoyés par fax !
23°) Proposition n°37 : "Le juge des référés pourra être saisi" dés qu'il y aura désaccord au CE sur "les modalités d'une expertise" demandé par ledit CE. Encore une barrière au droit d'information des syndicats et des élus ! Cela vise à rendre plus difficile les demandes d'experts par ce, elles ne sont pourtant guére fréquentes (moins de 10 % des Ce s'en servent et il n'y a des Ce que dans une minorité des 3 % d'entreprises qui ont de plus de 50 salariés)
24°) Proposition n°38 : ‘Réunir les deux budgets du CE : fonctionnement et oeuvres sociales". On pourrait les baisser plus facilement ?
25°) Proposition n°40 : Réduire le droit pénal du travail : "ne conserver dans le droit du travail que les sanctions pénales réprimant les comportements les plus graves".
Là c'est encore le comble.
Toutes les infractions, et petits délits, ne seraient plus sanctionnés. Les employeurs n'auraient pas la chance des jeunes pour lesquels M. Sarkozy a inventé des petites infractions comme "demeurer dans le hall d'un immeuble".
Là l'employeur pourrait ne plus afficher l'adresse de l'inspection du travail, ne plus organiser d'élections de délégués du personnel, ne plus payer les heures supplémentaires, avoir des bulletins de paie incorrects, etc.
Au fait où commencent "les comportements les plus graves" selon M de Virville ? A "mort d'homme avec faute inexcusable de l'employeur" ou "trafic de main d'¦uvre avec récidive ? Qu'il sache que pour ces deux motifs, il n'y a pas plus de 20 employeurs par an qui sont condamnés, qu'il sache que 3 Pv sur 4 de l'inspection du travail sont classés sans suite ! Qu'il sache que dans l'activité des tribunaux répressifs, le droit du travail ne représente que moins de 2 %.
Qu'il sache que sur 1 million d'infractions au droit du travail constatées par an, il n'y a que 5000 condamnations ! (Alors qu'un employeur sur deux est un délinquant !)
S'il n'y a plus de possibilité de verbaliser l'employeur, c'est la fin de l'inspection du travail. À quoi servirait d'aller faire des "observations" dans les entreprises ? Elles finiraient dans la corbeille à papier.
26°) Proposition n°44 : "Prévoir que les accords pré-existants à une loi, resteront valides pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur d'une loi nouvelle". incroyable, non ?
Imaginez que la gauche revienne au pouvoir et veuille abroger toutes les mesures Fillon-de Virville de destruction du Code du travail ? Les accords passés au nom des lois Fillon resteraient valables encore deux ans après le vote des nouvelles lois !
Suggestion : proposer que cela reste valable cinq ans, d'un quinquennat à l'autre !
27°) Proposition n° 45 : Mettre en place un instrument d'audience pour les syndicats tous les cinq ans par un vote dans les branches qui servirait aussi à désigner les conseillers prud'hommes : mais que deviendrait l'élection nationale tous les cinq ans pour les prud'hommes ! M. de Virville veut aussi remplacer les élections prud'hommes par des élections de branche...
Alors qu'au contraire, il faudrait des élections de branches tous les deux ans, comme pour les Ce, mais organisées sur un même jour. Et des élections prud'hommes et aux caisses de Sécurité sociale tous les cinq ans, en même temps avec un jour férié le jour du vote !
28°) Proposition n°47 : "Étendre aux salariés mandatés" le droit de prendre contact avec le personnel... Et si, plutôt, on étendait aux salariés mandatés tous les droits déjà acquis par les délégués syndicaux ? Ça simplifierait, ca moderniserait, non ?
29°) Proposition n°48 : Permettre aux accords de groupe de déroger aux accords de branche tout comme les accords d'entreprise vont pouvoir le faire ?
Pourquoi se gêner ?Quitte à déréguler, Virville en rajoute sur Fillon !
30°) Proposition n°50 : Un appel aux partenaires sociaux pour favoriser le regroupement des branches à moins de cent branches. Bonne idée, mais un "appel" va rester lettre morte, et de toute façon le patronat a de moins en moins envie et besoin de négocier : de Virville et Fillon imposent tout ce dont rêve le Medef pourquoi le baron Seilliére répondrait-il à cet appel ?
Voilà, ce n'est qu'une idée globale et rapide de ce qu'ose proposer de Virville et sa commission. Car, si on entre dans les détails, par ricochet, c'est bien pire encore. Certains n'y ont pas cru, n'ont pas pris la précaution de lire le rapport ni de le dénoncer en entier. Mais Ne sous-estimons pas ce rapport, il n'est que la partie visible de l'iceberg, le Medef en veut davantage encore.
Ils veulent vraiment mettre bas le Code du travail, Comme le disait sur Bloomberg TV, en face, de moi, vendredi 16 janvier 2004, un patron de GFI, de l'Uimm, "les prud'hommes, on s'en fout, le code du travail est vieux, incohérent, inutile..."
Le rapport qui tue notre droit social :
Mon collègue, inspecteur du travail, lui-aussi, Sylvian Chicote a repris l'étude de l'ensemble de ces propositions du rapport de Virville commandé par le gouvernement de MM Chirac-Raffarin et Fillon. Jamais on a osé présenter aux travailleurs, aux syndicats, aux citoyens français une régression d'une telle ampleur.
La vie de millions de travailleurs sera totalement changée si un tel projet venait à voir vraiment le jour. Mais ce qui est déjà choquant, c’est qu’il ait pu être mis sur la table par le ministre Fillon et présenté comme un élément de la grande loi sur l’emploi annoncée le 31 décembre 2003 par Jacques Chirac et son gouvernement.
Qu’on le comprenne bien, l’objectif du gouvernement, avec ce support au projet de loi sur l’emploi annoncée par Chirac, est d’aggraver en profondeur l’exploitation capitaliste. Il s’agit pour y parvenir de jouer sur les trois leviers classiques : augmenter le temps pendant lequel sont exploités les travailleurs, augmenter en même temps de l’intensité du travail avec la flexibilité et la précarité, rendre les salaires les plus bas possible.
Pour cela M. de Virville propose d’organiser
1.- La mise en cause des statuts collectifs des salariés
2.- La généralisation de la précarité
3.- La déstabilisation des droits individuels
4.- L’augmentation du temps de travail et la flexibilité aggravée
et d’instaurer
5.- Les pleins pouvoirs pour les actionnaires en affaiblissant le Parlement
6.- Les pleins pouvoirs pour les actionnaires en affaiblissant les travailleurs
7.- Les pleins pouvoirs pour les actionnaires en affaiblissant les juges
Il s’agit en fait d’une offensive générale, globale, contre les droits, contre l’emploi, comme la France n’en a pas connu depuis le régime de Vichy. Dans la continuité de l’entreprise de destruction des droits sociaux entreprise depuis le 21 avril 2002 mais avec une visée systématique et qui se veut durable, au-delà des changements de majorités politiques.
On l’a vu, il veut supprimer totalement le code du travail pour un maximum de travailleurs. C’est l’une des propositions les plus grave du rapport, sans doute la plus pernicieuse. Les travailleurs qui vendent actuellement leur force de travail s’appellent des salariés et le code du travail constitue leur statut minimum collectif. Le rapport propose d’exclure le maximum de travailleurs de ce statut en les appelant désormais travailleurs indépendants. On change l’étiquette du flacon et donc le contenu juridique, tout en conservant et en aggravant l’exploitation. Un « travailleur indépendant » pourrait travailler 50 heures par semaine pour 800 euros et être licencié sans aucune garantie. Des pratiques de ce genre existent déjà (faux artisans du bâtiment, gérants de magasins....), elles sont le plus souvent condamnées par les tribunaux. La loi Madelin abrogée par la loi Aubry avait déjà tenté cela. La loi Dutreil facilite à nouveau ces man¦uvres. Les propositions 21 et 22 permettent d’aller encore plus loin. Une telle réforme viendrait à point nommé pour l’exploitation des travailleurs d’Europe de l’Est qui vont bientôt pouvoir circuler librement.
Il veut priver d’autres travailleurs de leurs garanties collectives de branches ou d’entreprise. Avec la proposition 23 qui facilite le marchandage (la "fausse sous-traitance") on vide les grandes entreprises, où des droits ont été conquis, de leurs personnels et on les affecte dans des PME avec des droits et des salaires inférieurs. Des secteurs comme le Btp travaillent déjà comme cela, les majors employant directement peu d’ouvriers relativement à leur chiffre d’affaire. Cela permettrait d’externaliser davantage que ne le font aujourd’hui nombre de fonctions des grandes entreprises. Ces pratiques seraient encouragées et garanties par l’exclusion de l’effectif de l’entreprise de ces travailleurs (A et B) pour les élections professionnelles alors que la jurisprudence actuelle tend à les intégrer (proposition 28).
Le contrat de projet (proposition 19) est la proposition la plus connue du rapport.
Actuellement le recours à l’intérim est encadré, il faut par exemple justifier d’un réel surcroît d’activité, on ne peut pourvoir des postes permanents avec des précaires, le recours est limité à 18 mois... Les textes sont, certes, massivement violés dans des branches comme l’industrie automobile mais en cas de recours devant les tribunaux les salariés obtiennent souvent gain de cause. Renault en a fait l’expérience en étant condamné par la Cour de Cassation le 21 janvier 2004 (mais il y avait déjà eu d’autres affaires comme Servair). Il s’agit de légaliser les pratiques patronales actuellement illégales et d’étendre encore la précarité. Il suffirait d’écrire que le travailleur est embauché un ou deux ans pour le lancement d’un nouveau modèle et le tour serait joué. Avec une telle proposition personne n’est plus à l’abri. La lutte contre l’emploi précaire de vient davantage l’affaire de tous.
Extension des CDD « d’usage » : de Virville avance à pas de loup avec sa proposition 18.Ces CDD d ’« usage » sont actuellement réservés à certains secteurs comme l’hôtellerie ou l’audiovisuel (et seulement pour certains métiers). Le rapporteur propose hypocritement d’augmenter (un peu) les garanties des travailleurs ainsi employés mais tout en insinuant qu’on pourrait dès lors étendre les secteurs d’activité pouvant y recourir.
Faciliter encore davantage les licenciements :
– de Virville propose aussi des licenciements « négociés » La proposition 17 avance des pistes pour faciliter les pressions exercées sur les travailleurs pour obtenir leur départ « volontaire ». Défiscalisation des sommes versées à l’occasion d’une transaction, et, moyennant un versement à l’Assedic, octroi des allocations de chômage. Voilà de quoi convaincre ceux qui résistent : « prend l’oseille et tire toi ». Avantages pour l’employeur : aucune procédure, aucun motif à donner, aucun risque de procès.
– par la limitation des moyens d’information des CE (propositions 34,36 et 37)
Il s’agirait d’accélérer les procédures en permettant au chef d’entreprise d’imposer son ordre du jour même si le comité estime nécessaire de reporter d’un mois par exemple l’examen d’un projet.
En même temps il pourrait cacher le plus longtemps possible aux salariés les projets de restructuration (fusions, absorption, Opa) .Serait ainsi légalisée la pratique consistant à mettre les CE devant le fait accompli. Diminuant d’autant les possibilités de contre-propositions et d’action des travailleurs. Cela sous le prétexte d’éviter aux élus de commettre des délits d’initiés (sic).
De plus le recours à l’expert par le CE serait entravé par des modalités devant être autorisées par le patron, ce qui limiterait l’information donc la compréhension des données économiques et par conséquent les capacités de contre-propositions.
La déstabilisation des droits individuels (propositions 14, 15, et 16)
Le rapport s’attaque aussi aux garanties nées du contrat de travail individuel, dernier étage dans les relations de travail avant le niveau zéro de la décision unilatérale du patron. Seuls cinq points seraient des garanties contractuelles obligatoires, les autres clauses seraient de simples informations pouvant être modifiées à tout moment par le patron. Mais les points obligatoirement garantis sont très limités :
– La qualification est contractuelle, mais pas l’emploi tenu : en maintenant la qualification on peut donc affecter un salarié n’importe où le placardiser
– La zone géographique serait contractuelle mais pas le lieu précis : si la zone est la région parisienne, on peut être baladé de Pontoise à Marne La Vallée.
– Les éléments de la rémunération sont garantis mais pas tout le salaire : ces éléments ne sont pas précisés, mais on peut craindre pour les primes de toutes sortes, les heures supplémentaires...
– La durée du travail est contractuelle, mais au sens « du volume de la prestation » et donc les horaires peuvent être changés à tout bout de champ.
Sur ces deux derniers points, la jurisprudence actuelle n’est pas favorable aux salariés, de Virville se hâte donc de leur donner force de loi. Par contre on remarque que chaque fois que la jurisprudence est favorable aux salariés le rapporteur propose un choix contraire.
Ces points garantis peuvent de toute façon aussi être modifiés par l’employeur
Le patron écrit ses propositions au salarié et fixe le délai de réponse, si le salarié n’a pas répondu dans le délai c’est qu’il a refusé et le patron en tire les conséquences. De Virville est silencieux sur la nature de ces conséquences, mais nul doute que le licenciement est au bout du processus.
Pour être moins voyantes, 14 propositions de Virville figurent dans une annexe. (Ce qui fait donc au total 64 propositions). Mais il faut remarquer que l’ensemble du rapport vise aussi, entre autres cibles, la durée et l’aménagement du temps de travail.
Les principales propositions sont :
La redéfinition du temps de travail. Il s’agit, au-delà de la bataille contre les 35 heures, de poursuivre la guerre pour l’augmentation du temps de travail. Cette fois en inventant de nouvelles équivalences par accord collectif. Seraient visés par exemple les temps de voyages et de déplacements professionnels (commerciaux, techniciens de maintenance, ouvriers du BTP...), Mais aussi les temps d’attente des routiers ou toutes autres situations. C’est le retour des équivalences : une partie du temps de travail n’est pas payée sous le prétexte qu’il existe des temps morts, on dira par exemple que 40 heures de présence équivalent à 35 heures de travail
Supprimer le calendrier des modulations annualisées. La loi oblige à prévoir un calendrier de la variation des horaires dans tout accord, ce qui empêche "le travail au sifflet", oblige à des délais de prévenance, encadre la flexibilité en en limitant les effets négatifs. Cette obligation de calendrier est très mal respectée dans la pratique mais les tribunaux ont annulé certains accords illégaux (Otis, Accord de la Métallurgie...) De Virville le reconnaît d’ailleurs dans son rapport. Il s’agit donc de légaliser les pratiques de Renault, Citroen et autres, consistant, avec un programme fixé par le seul chef d’entreprise, à faire effectuer beaucoup d’heures supplémentaires à un moment de l’année (non payées) et de mise en chômage technique forcé à d’autres.
Forfaits jours : il aggrave le forfait jours par la disparition de toute comptabilisation en heures, ce qui empêchera le respect des repos minima. Il propose l’extension du forfait jours aux itinérants non-cadres (commerciaux, ouvriers et techniciens de maintenance, laveurs de vitres, livreurs.....) Afin, comme pour les cadres, de légaliser les durées de travail excessives de ces travailleurs et le non-paiement des heures supplémentaires.
Sur ces trois enjeux déterminant de la durée du travail : définition, modulation, forfaits, il s’agit de casser les amendements obtenus par les députés de la gauche socialiste, des communistes et des verts lors de la discussion des projets de loi Aubry mais aussi la jurisprudence des tribunaux qui veillent à l’application de la loi mal respectée par de très nombreux accords ou dans la pratique des entreprises.
Il n’oublie pas le travail du dimanche en proposant l’allongement de la liste des secteurs d’activité pouvant déroger à la règle du repos dominical (semblent spécialement visées toutes les activités commerciales de téléphonie et d’Internet) et même les chantiers du bâtiment.
Congés annuels : la remise en cause du droit de grouper les quatre premières semaines de congés (tant pis pour la vie de famille, la santé du corps), suppression de la règle selon laquelle on retient le mode de calcul des congés le plus favorable aux travailleurs, l’écart entre les deux modes de calculs (1/10 du salaire annuel ou maintient du salaire) peut parfois atteindre la valeur de deux journées de travail en baisse (mieux que le "jour férié supprimé par J.-P. Raffarin).
Temps partiel : diverses aggravations dont notamment des facilités supplémentaires de recours aux heures complémentaires (ce qui pousse à la diminution du nombre d’heures du contrat de base) qui permettent de flexibiliser davantage
Plus de pouvoirs aux actionnaires et moins pour le Parlement
Le rapport propose avec les propositions 43, 44, 3, 4, et 5 de dessaisir le législateur de ses prérogatives.
Attention, il est même suggéré une modification de la Constitution sur ce point !
C’est dire la volonté du Medef d’empêcher d’autres majorités parlementaires de donner d’autres droits et pouvoirs aux travailleurs.
À l’exception d’un minimum de règles qui resteraient d’ordre public les députés ne pourraient légiférer qu’après l‘accord, ou au moins une consultation poussée (de Virville hésite) des « partenaires sociaux ». Ça peut paraître séduisant, démocratique. Mais c’est l’inverse. C’est comme ça que la droite de M. Fillon pratique depuis 2002. On l’a vu avec les retraites, avec le recul des droits des chômeurs, avec les intermittents du spectacle, avec la loi sur la négociation collective. On s’appuie sur des accords minoritaires conclus par des dirigeants syndicaux nationaux ou bien on utilise des accords majoritaires mais en changeant le contenu tout en jurant qu’on les respecte.
Les règles pourraient ainsi être fixées par le Medef assisté d’une direction syndicale bienveillante au lieu de l’être par les députés élus par l’ensemble des citoyens.
De plus, un accord resterait valable encore deux ans si son contenu devenait contraire à une loi nouvelle.
Pour corser le tout il est également proposé de légiférer par ordonnances de deux manières.
1°) À tout moment pour nettoyer le code du travail de « ses dispositions désuètes ou dont la pratique révèle le caractère inadéquat », quand on sait que pour le Medef c’est tout le code qui est désuet et inadéquat, il y a de quoi s’inquiéter.
2°) Et, aussitôt la loi votée, pour réparer les « oublis » du législateur : pourtant les experts techniques et le cabinet ministériels sont très présents dans la préparation des lois, pourquoi seraient-ils donc plus vigilants après qu’avant le vote ? Il s’agit en fait d’esquiver les débats publics au cours desquels le ministre est souvent tenu de s’expliquer, parfois mis en difficulté et conduit à reculer. Actuellement c’est avec les circulaires que le ministre donne sa lecture de la loi, mais les circulaires peuvent être contestées et ignorées devant les tribunaux. La méthode proposée permettrait une loi douce à lire et durcie par ordonnance.
Plus de pouvoirs aux actionnaires et moins pour les syndicats
Les propositions 24 à 39 et 45 à 50 visent à mettre en difficulté l’action syndicale, à diminuer les moyens d’action des CE et à éloigner le syndicat des travailleurs pour l’affaiblir et le maîtriser.
C’est d’abord la création du conseil d’entreprise compétent dans les entreprises de moins de 250 salariés et exerçant les attributions actuelles des DP, du CE et des délégués syndicaux. Cela aboutirait à la diminution de la force globale des trois institutions actuelles. Mais en outre ce conseil serait compétent pour négocier les accords d’entreprise. On supprime d’un trait de plume le pouvoir du syndicat dans la négociation des accords pour le remplacer par un pouvoir général confié au délégué syndical lui-même noyé au milieu des élus, sachant de plus que du fait du mode de scrutin par collèges, les élus des syndicats majoritaires sont souvent minoritaires en sièges. C’est un coup porté à la démocratie ouvrière et une tentative de bureaucratisation des militants.
Ces risques sont renforcés par :
– Des mandats portés à 4 ans, ce qui diminue le contrôle des travailleurs sur leurs élus et favorise le maintien de délégués dont les salariés ne sont pas satisfaits.
– Par des élections via le réseau intranet, bel outil mais qui peut servir de prétexte pour limiter les contacts (et supprime le secret du vote)
– Par la création d’un super délégué de groupe habilité à négocier et à signer les accords de groupe
– Par une définition légale de l’établissement distinct, qui supprimerait les instances dans les petits établissements de l’entreprise.
– Par la fusion des budgets fonctionnement et oeuvres sociales (favoriser la fonction ¦uvres sociales au détriment du rôle économique)
– Et par la suppression de l’élection des conseillers prud’hommes qui seraient maintenant désignés à partir d’une consultation de représentativité. Cette consultation est réclamée par les syndicats pour établir la représentativité par branche dans le but de faire prévaloir le principe de l’accord majoritaire. Fillon a refusé de faire droit à l’accord majoritaire à l’occasion de la loi relative à la négociation collective. Il ne s’agit donc pas de cela. De Virville reprend l’idée de la consultation mais uniquement, au niveau des propositions concrètes, pour supprimer les élections prud’homales. Alors qu’au niveau interprofessionnel les élections prud’homales sont justement adaptées pour mesurer l’audience des organisations. Encore un bel exemple de manipulation consistant à prendre appui sur une revendication pour la dévoyer.
Des « experts » en négociation. La loi Fillon ayant favorisé les accords dérogatoires d’entreprise on instaure un prétendu « appui technique » à la négociation. Des « experts » éclairés viendraient conseiller les négociateurs pour qu’ils ne fassent pas de bêtise. On sent bien que le Medef est très satisfait du rôle joué par les consultants (choisis par l’employeur mais présentés comme neutres) lors des négociations "RTT". Tellement compétents et impartiaux que non seulement les accords conclus avec leur assistance sont favorables aux actionnaires, mais qu’ils sont souvent illégaux et censurés à ce titre par les tribunaux.
Diminution des pouvoirs des comités d’entreprise. Ces pouvoirs sont déjà très limités puisqu’il ne s’agit que de pouvoirs d’information et de consultation. Mais c’est encore trop. De Virville en veut plus :
– La suppression des comités de groupe au profit des comités européens. Ces comités européens sont une bonne amorce de ce qu’il faudrait. Mais ils n’ont pas les mêmes moyens de fonctionnement que les comités de groupe et n’ont aucun pouvoir consultatif. Ces comités sont actuellement de simples instances d’information et de dialogue. Le rapporteur propose la suppression du comité de groupe avec remplacement par le comité européen mais « sans avoir de pouvoir de consultation ».
– Outre la mise en cause des capacités de contre-proposition (propositions 34,36 et 37 ) le comité serait à l’avenir privé des informations trimestrielles et semestrielles sur la situation économique et sociale de l’entreprise actuellement obligatoires.
– Enfin le CE ne serait plus consulté sur les accords d’entreprise signés, même par des organisations minoritaires.
Plus de pouvoirs aux actionnaires et moins pour les juges
Affaiblir les juges, couvrir les accords illégaux, empêcher les actions en justice, l’immunité patronale découle des propositions (7, 8, 9, 10, 11, 12, 40, 41 et 42) du rapport sur ce chapitre qui sont proprement incroyables. Il s’agit de favoriser toutes les illégalités, tous les abus, d’empêcher les victimes d’agir en justice et d’absoudre les patrons délinquants.
Un délai de deux mois est proposé pour contester en justice un accord illégal. Ce délai est aligné sur le délai existant pour contester un décret. Voilà l’employeur hissé au rang de ministre. On peut négocier un accord défavorable contenant éventuellement des clauses contraires au droit, mais habilement rédigées. Laisser reposer deux mois. Et voilà l’accord devenu inattaquable ! Si ce délai existait, jamais les clauses illégales des accords RTT (annualisation, cadres, pauses, temps de voyages, paiement des heures supplémentaires...) n’auraient pu être annulés par les juges, l’affaire étant si complexe qu’il a fallu du temps pour pouvoir réagir.
Renvoi obligatoire devant une commission paritaire d’interprétation avant jugement. Les juges, à tous les niveaux, sont dessaisis de leur pouvoir d’interprétation. Une pression énorme est ainsi exercée pour infléchir les jugements dans le sens souhaité par les employeurs (et par les signataires d’accords minoritaires) De plus on allonge les délais de jugement, déjà très importants, de trois mois supplémentaires, de quoi dissuader un peu plus les travailleurs de faire valoir leurs droits.
Mise en cause des conseils de prud’hommes avec l’organisation d’un renvoi avant jugement devant la Cour de Cassation. C’est la déstructuration des principes de l’organisation judiciaire. On nous parle de justice de proximité, mais pour les droits des salariés, on centralise à outrance. Et un nouvel allongement des délais.
Les patrons exonérés des conséquences pécuniaires de leurs fraudes et illégalités. Les décisions de la cour de cassation ne vaudraient que pour l’avenir, donc toutes les fraudes passées seraient blanchies. On triche, on se fait prendre la main dans le sac, on jure qu’on ne recommencera pas et on est pardonné pour le passé au nom de la présomption de bonne foi accordée aux actionnaires. Les travailleurs victimes n’ont que leurs yeux pour pleurer.
Prescription de 10 ans pour les actions en indemnisation. Les condamnations obtenues ces dernières années par les victimes de l’amiante ou par les militants syndicaux réprimés sur le salaire sont jugées intolérables par les privilégiés. Il faut en finir.
Suppression de la plupart des sanctions pénales en droit du travail. C’est l’immunité patronale. Ne pas payer du temps de travail c’est quoi d’autre que du vol de travail ? Ce vol est actuellement très peu réprimé, de faibles amendes au maximum. C’est encore trop aux yeux de M. de Virville.
Voler un CD dans un magasin ou consommer un repas sans le payer peut valoir la prison, au minimum une forte amende, consommer du travail sans le payer mérite l’absolution totale.
Quand on vous dit que le Code du travail et l’inspection du travail sont tués par le rapport de Virville : intervention de la loi limitée, existence d’organisations compréhensives, les accords dérogatoires d’entreprise favorisés, rejet du principe majoritaire, le conseil d’entreprise où les mandatés dans les PME pour négocier, intervention d’ « experts », pas de consultation du CE dans les grandes entreprises, accord légalisé au bout de deux mois et valable encore deux ans si la loi change, voir introduit dans la constitution, pas de conséquences pécuniaires immédiates si on est désavoué...
Tous les inspecteurs et contrôleurs du travail peuvent reprendre leurs "carnets" : si cela passe c’est une autre page de l’histoire du travail qu’il faudra écrire. Et des millions de pauvres travailleurs, de précaires, de salariés qualifiés, de cadres seront livrés à une exploitation féroce.
Tous les syndicalistes, tous les salariés sont concernés : ce sera la dictature aggravée des actionnaires.
Mais ce n’est pas fatal : il est encore temps de clouer M. de Virville, sa commission, son rapport, et ceux qui l’ont condamné au pilori !
Messages
1. > Sarkozy dit qu’il est revenu pour débarrasser la France des voyous ?, 4 juin 2005, 16:42
Il faut lire entièrement cet article, ça fait froid dans le dos ! D’où sort cette monstruosité ?
Pendant ce temps là, le ps règle ses comptes... C’est bien, continuez comme ça ,on va au désastre !
2. > Sarkozy dit qu’il est revenu pour débarrasser la France des voyous ?, 5 juin 2005, 13:27
Sarkozy à Le Pen, en décembre 2003, lors de l’émission "100 mn pour convaince" : "Qu’auriez-vous fait que je n’aie pas fait ?".
Ca vaut tout les aveux !
Quand à sa "vision" de la délinquance patronale, on peut se référer à l’indulgence accordée au PDG de Daewoo : la haute protection contre de dangereux délinquants : les ouvriers (l’affaire Kamel est encore une illustration... et la naturalisation d’un puissant, ça décoiffe, non ? )
Les ouvriers n’ont qu’à bien se garder : il sera impitoyable !
Mieux que l’extrème-droite : l’ultra-droite !
Patrice Bardet