Accueil > Schröder : L’Agenda de la discorde

De Lisbonne à aujourd’hui, deux ans de contestations de la reforme de l’état social et du marché du travail de Schröder
de MATTEO ALVITI traduit de l’italien par karl&rosa
L’Agenda 2010 est le projet de reforme du système social et du marché du travail du gouvernement Schröder. Le nom vient du sommet qui se déroula à Lisbonne en mars 2000, quand les chefs d’état et de gouvernement européens se proposèrent de faire du vieux continent, père de l’état social, "le marché le plus dynamique et compétitif du monde" d’ici 2010, justement. Schröder en était à la deuxième année de son premier mandat. Depuis, le thème de la réforme du marché du travail et de l’état social est resté au centre du débat politique.
La campagne électorale suivante de 2002, qui, en octobre, confirma le chancelier au gouvernement, fut caractérisée par une confrontation enflammée sur ces arguments. Le 14 mars 2003, quelques mois après sa réélection, Schröder présenta pour la première fois son projet au pays : "Nous devons trouver le courage de faire avancer les réformes qui sont à présent nécessaires pour replacer notre pays aux sommets européens du développement social et économique", dit-il. Ce fut le début du lancement en grande pompe du projet Agenda 2010. Six millions de "livrets rouges" explicatifs furent imprimés et distribués gratuitement et plus de 17.000 affiches furent collées dans toutes l’Allemagne. Une campagne qui coûta plus de quatre millions d’euros au pays.
"L’Allemagne bouge" était le slogan. Mais dans quelle direction ? Certes, cela demeura obscur pour beaucoup pendant un an encore : en mars 2004, un sondage commandé par Stern révélait que 42% des interviewés ne connaissait même pas le sens des mots Agenda 2010. Et parmi ceux qui savaient, 64% des interviewés le considérait comme une erreur.
Aujourd’hui, Schröder est accusé d’avoir provoqué, avec une crise profonde 2010. En effet, depuis qu’il a été réélu chancelier en 2002, les électeurs ont toujours puni la majorité qui le soutient. Aujourd’hui, la coalition rouge-verte ne gouverne aucun parlement régional.
Dans l’état d’Europe au meilleur welfare, la réduction des protections sociales a apporté de l’insécurité et des difficultés. L’économie, de son côté, ne s’est pas améliorée et le taux de chômage a sensiblement augmenté. En janvier de cette année, le nombre des sans travail a crevé le plafond des cinq millions de personnes, comme l’a reconnu le ministre de l’économie Wolfgang Clement, Spd, en atteignant le pic de 12% de la population active. Pour trouver un nombre de chômeurs de cet ordre de grandeur, il faut remonter dans l’histoire allemande aux deux années 1931-1933, qui ouvrirent les portes du Bundestag au parti nazi. "Aucun autre projet n’a marqué aussi négativement le gouvernement rouge-vert", écrit Die Zeit.
Dans l’ensemble de réformes de l’Agenda 2010, la partie concernant le marché du travail, la Hartz IV, est sûrement la plus contestée. Peter Hartz est le président de Volkswagen et l’ami du chancelier qui a dirigé la commission qui a écrit les reformes. Il n’y a pas que les syndicats qui se plaignent, mais aussi les employeurs. Et pas seulement l’opposition : dans le parti du chancelier, on compte aussi des dissensions. Les mesures les plus contestées concernent la réduction de la contribution sociale pour le chômage, aussi bien en termes quantitatifs que dans sa durée : les chômeurs de longue durée devraient garder leur allocation plus longtemps, disent les critiques. L’Hartz IV propose aussi une allocation plus basse pour les chômeurs de l’ex-Allemagne de l’Est. De plus, depuis janvier de cette année, les chômeurs de longue durée sont contraints d’accepter n’importe quel genre de travail, même à temps partiel, sous peine d’une réduction de 30% de l’allocation. Mais la question la plus inquiétante concerne les résultats obtenus. On découvre aujourd’hui qu’avec l’Hartz IV on épargne, de toute façon, trop peu : dans les deux ans 2005-6 la reforme coûtera entre huit et dix milliards d’euros de plus de ce qu’on attendait.
Et pourtant, le gouvernement ne semble pas disposé à revenir sur ses pas. "Avec les réformes de l’Agenda 2010 nous avons rénové des secteurs fondamentaux de la société. Ces réformes sont nécessaires pour garder l’état social, également dans l’avenir", a maintenu hier Schröder.
En attendant, les protestations continuent. Lundi se déroulera à Jüterbog la première Montagsdemo commune à tout le Brandebourg. La tradition des "manifestations du lundi" contre l’Hartz IV continue depuis des années, avec plus ou moins de bonheur et de participation. Le prochain rendez-vous important est le 13 septembre, quelques jours avant la date probable des élections anticipées.