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Ségolène Royal, la madone qui dérange, par Nicole Avril

Publie le mercredi 21 février 2007 par Open-Publishing
9 commentaires

LE MONDE | 21.02.07 | 15h30 • Mis à jour le 21.02.07 | 15h30

L’opposant viscéral à François Mitterrand se signalait d’emblée par sa manière d’élider le "e" de son nom : "Mitt’rand". Ceux dont la survenue de Ségolène Royal a bousculé les habitudes de penser et les catégories grammaticales la traitent volontiers de madone. Il va sans dire que, dans leur bouche, cette madone ne renvoie guère à Giovanni Bellini, encore moins à Raphaël. La dénomination s’est changée en insulte. Il y a aussi des variantes régionales. Dans ce jeu de massacre à tir tendu, on peut à volonté la caparaçonner en Jeanne d’Arc, la Lorraine, ou l’affubler en Bécassine, la Bretonne.

Mais c’est la madone qui revient le plus souvent, son beau visage semblant exciter chez ses détracteurs une angoisse de castration. On voudrait voir Ségolène Royal incarner le bon vieux conformisme catholique. Jusqu’à son prénom dont on lui fait grief. Est-on responsable de son prénom ? Elle aurait raccourci le sien, la Marie-Ségolène des origines, pour avancer masquée et mieux dissimuler son passé d’enfant de Marie. Surprenante madone en effet, qui permit la distribution aux mineures, et sans autorisation parentale, de la pilule du lendemain.

Etrange madone, qui refuse dans son pacte présidentiel toute remise en cause de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, et demande qu’on intègre à la Constitution une charte de la laïcité. Efficace madone, qui préfère prévenir que guérir. Des dispensaires dans les zones rurales, des soins gratuits pour les jeunes dont les parents n’ont pas de mutuelle, la contraception gratuite pour les jeunes femmes et la négociation de toute réforme sociale grâce à un syndicalisme au financement transparent et plus largement représentatif.

On disait, Ségolène Royal n’a aucune idée et elle a mis en place ces débats participatifs pour retarder l’échéance ou pour tenter de trouver chez les autres les idées qui lui font défaut. Depuis le 11 février, des idées, elle en a, trop, de plus elles coûteraient trop cher. Au moment où Ségolène Royal révèle les quelque cent propositions de son pacte présidentiel, nous découvrons le niveau très médiocre de notre commerce extérieur et une croissance qui, avec son maigre 2 %, ne tient pas ses promesses. Ces mauvais chiffres, on ne va pas en rendre responsable le gouvernement en place, ce serait un peu court et simpliste.

On a été tenté de se défausser en évoquant le prix du pétrole et la lourdeur de l’euro. Comme si les Allemands, dont les chiffres sont bien meilleurs que les nôtres, jouissaient d’un euro plus favorable et d’un pétrole moins cher. On s’est bien gardé d’établir une comparaison avec les chiffres obtenus quelques années plus tôt par le gouvernement de Lionel Jospin. Comparaison, surtout si elle tourne à votre désavantage, n’est pas raison ! La parade en revanche n’a pas tardé.

Il fallut admettre qu’une croissance à 2 %, ce n’était pas brillant. Mais précisément, après un si piètre résultat, dites-moi comment Ségolène Royal avec ses cent propositions pourrait-elle s’en tirer ? Appréciez l’astuce. On s’appuie sur les mauvais chiffres présents pour démolir l’avenir. Le démineur a toujours tort. Ne prend-il pas des risques inconsidérés pour sécuriser un espace laissé par d’autres en trop mauvais état ?

La candidature de Ségolène Royal à la présidentielle était déjà inscrite dans son triomphe aux élections régionales. La presse nationale n’avait presque pas parlé de la campagne qu’elle menait en silence sur ses terres du Poitou-Charentes. Je le connais ce pays-là, il est le mien. J’ai du côté de La Rochelle des attaches d’enfance et j’ai goûté mes premières huîtres avec mes premiers biberons. Je sais que ce pays ne se livre pas aisément, qu’il garde le secret de sa beauté, qu’il ne se jette jamais à la figure des gens. Ségolène Royal l’a conquis de haute lutte. Il n’est pas un village ni un hameau, il n’est pas une école, une ferme ou une entreprise qu’elle n’ait un jour visité.

Elle a labouré à l’ancienne son terrain, comme Jacques Chirac et François Hollande en Corrèze, comme François Mitterrand dans la Nièvre. Mais, quand elle a été élue, il m’est apparu qu’elle irait plus loin encore. Elle semblait à la fois croire à son projet et avoir la volonté de le réaliser grâce à une méthode pragmatique et originale, de plus elle était portée par une revigorante ambition. Certes, on ne leur a pas facilité la tâche, c’est peu de le dire, mais les femmes ont longtemps péché par manque d’ambition et plus particulièrement par manque d’ambition politique.

Elle n’eut pas d’autre choix pour s’imposer aux caciques du Parti socialiste que de contourner le parti en empruntant la double voie de la région et de l’opinion. Il fallait l’arracher, la candidature à l’élection présidentielle. Une femme reste une femme aux yeux de ses pairs. Elle a pourtant gagné à la loyale. Revigorés eux aussi par de nombreuses et nouvelles adhésions, les militants ont tranché. On aurait tort de se lamenter et de répéter à l’envi que le niveau baisse. Le débat politique a retrouvé quelques couleurs et les citoyens ont de nouveau le goût de la dispute. Ni la candidate ni même les candidats ne laissent indifférents. C’est déjà ça.

Il y a du côté de Ségolène Royal et de son équipe un projet, encore inachevé, qui surprend parce qu’il privilégie l’action dans la durée et les réformes en profondeur. Elle veut éviter à la France de mourir d’une thrombose. Pour mieux irriguer l’ensemble de ses territoires, il est nécessaire de décentraliser vraiment avec transfert des moyens et des compétences, de donner une autonomie aux universités, de renforcer le tissu des petites et moyennes entreprises par la défiscalisation de leurs bénéfices réinvestis, de réinscrire la France au centre de l’Europe, de revitaliser les cités asphyxiées par le chômage et la drogue, par le mépris et la violence, de faire de l’éducation et de la recherche les deux piliers de l’avenir.

Elle dérange. Mais, têtue comme elle est, elle tiendra ses promesses. Oui, il y a un élan et une cohérence dans le projet de Ségolène Royal. Ce n’est ni le grand soir ni la grande illusion. C’est la volonté opiniâtre de remettre peu à peu chacun dans le jeu collectif quels que soient son origine sociale ou son sexe. De plus, les débats participatifs, la longueur et l’intensité de la campagne électorale, la rapidité (et la brutalité) des échanges sur Internet, permettent de libérer des forces qui seront précieuses au moment de passer à la réalisation des propositions. Faisons le pari que ce moment viendra.

Messages

  • Si Royal, contrairement à ce qu’indiquent aujourd’hui les sondages, venait à gagner les élections présidentielles, elle serait à la tête d’un gouvernement férocement opposé à la classe ouvrière. Le fait que la gauche officielle, comprenant le Parti communiste, les Verts, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et Lutte ouvrière (LO), persiste à dépeindre le Parti socialiste et Ségolène Royal comme une sorte d’alternative aux gaullistes, les rend complices d’une trahison politique.

    http://www.wsws.org/francais/News/2007/fevrier07/200207_royal.shtml

  • Ca y est, le moindre sondage positif et on est reparti.
    Elle est machiavélique, tout ça c’était fait exprès.
    Elle va faire un coup d’état. Elle a une vision.
    A elle toute seule elle va faire une révolution.
    Mais je n’y crois pas à toute ces fariboles.
    Elle ne veut pas une gauche antilibérale forte, car les revendications syndicales seraient reprises au niveau politique. Car les luttes locales aurait un écho à l’assemblée.
    Et alors il faudrait bien trouver l’argent.
    Peut être serait elle obligée de supporter un nouveau grenelle. Mais cela serait insupportable à ses amis.
    Peut elle en a t elle envie. Je n’en doute pas. Tout le monde rève pour s’endormir le soir.
    Elle ne tient qu’avec le vote soi disant utile antisarko.
    Si elle passe ce que je souhaite, il faut bien qu’elle se dise qu’elle aura tout de suite les luttes sociales à ses basques.
    C’est la seule chose qu’on essaie de contenir depuis le début de cette campagne et surtout qu’il n’y ait pas d’expression électorales de ces futures luttes.
    Bien sur sarkosy serait préférable pour le capital.
    Elle n’est que la roue de secours. C’est pour ça qu’il ne faut pas trop la laisser chuter dans les sondages.
    Soit Sarkosy. Soit Royale avec une vague rose. Telle est la question pour certains.
    La vague rose est loin d’être acquise comme l’écho enthousiaste de cet article semble l’appeler. C’est pour cela qu’il y aura encore des hauts et des bas.
    Cet écho n’est que celui qu’on entend dans les coquillages.

  • S Royal accuse F bayrou de "vouloir brouiller les cartes de l’election présidentielle, qu’il faut gagner dans la clarté et que ça commence par la reconnaissance des identités politiques"....
    Arrêtez de rigoler N avril ! qui a commencé par les brouiller les lignes de gauche et de droite ? les gamins encadrés par des militaires, la justice chinoise qui va plus vite que la française , les profs qui vont gagner du fric en plus de leur paye alors qu’ils foutent rien ,....le smig qui va devra attendre les calendes grecques pour arriver a 1500 Euros ...et on en passe.... alors être une femme ou un homme n’est pas le PROBLEME !. si un poisson rouge de gauche s’exprimait on voterait pour lui ! le PROBLEME c’est que quand on en est là où elle en est et là où elle mène le PS... que l’on soit un homme ou une femme il faut se retirer !

    • C’est exactement ce qu’il faut penser de Ségolène .cet article de Nicole Avril est très juste et si les gens de gauche voulaient éviter l’élection de sarkozy ils feraient bien de réfléchir plus loin que le bout de leur nez.Sinon une fois encore ils nous conduiront vers le désastre de 2002 et ils auront sarkozy encore pour 5 ans ;C’est ce qu’ils souhaitent ?!

    • Les gens de gauche voteront à gauche, pour un programme de gauche, et ils ont le droit d’esperer, et de gagner, même si cela ne plait pas aux journalistes, aux sondeurs ..et au PS

      Pour ma part, je continue à croire que le seul vote utile, à gauche, c’est MGB,

      Et tant pis si cela en defrisent : faut se poser les bonnes questions sur le gouvernement Jospin, allegre, royal and co et en tirer les conclusions.

      Un prof niçois

    • Nicole Avril, comme beaucoup de Bobos parisiens,essayent de nous jouer l’air de la femme de terrain en Poitou-charentes.La France n’a pas besoin d’une Madone consensuelle avec un martinet et une régle sur les doigts pour enfant pas sage .La France doit transformer rapidement la socièté capitaliste en socièté à visée communiste sinon nous courrons au désastre économique et sociale avec guerre civile à la clé.

      Sarko-Ségo,les deux faces d’une même monnaie capitaliste,sont puants de pédanterie et de luxe. Leurs discours marketting fabriqués par des agences de Pub sont nuls et sans consistance démocratique.L’UMP-PS ont mené la France au déclin et aux centaines de milliers de SDF,aux 10 millions de pauvres et aux licenciements boursiers.Qui a supprimé les chantiers navals,la sidérurgie,les mines,le textile,l’éléctro-ménager et maintenant les télécoms,les autoroutes pour Vinci,et bientôt EADS etc .....???????????L’UMP-PS,les deux phares capitalistes des Bouygues,Lagardère,Dassault,Pinault,Arnault etc........qui vivent en Suisse ou dans des paradis fiscaux pour protéger leurs nombreuses cassettes ........

      Nicole AVRIL corrige ta copie et va la réécrire dans les HLMS ou le long du canal Saint-Martin,car c’est là que l’histoire future de notre pays s’écrit,n’en déplaise aux Poitevins et aux charentais qui vivent dans une belle région où la PS a parachuté une bourgeoise des Hauts de Seine,département aussi de Sarko le Hongrois,curieuse coincidence ????????????

      Vivre la révolution .....................Bernard SARTON,section d’Aubagne

  • Madame ou Mademoiselle Avril , c’est rigolo votre passage qui sent bon le terroir ! mais la Présidentielle c’est la République alors être bonne à gagner une région ça n’a rien à voir avec gagner la présidence de la Rép’. Et pui avoir gagné sur Mr Raffarin .... ça se passe de commentaires il n’était au poste de premier ministre que grâce à sa servilité mais certainement pas grâce à son talent ! si ? ah oui ! talentueux l’état de la France aujourd’hui !
    et puis la beauté supposée de la dame excusez mais on ne s’extasie pas sur les hommes de cette manière ! alors à féministe- féministe 1/2 !

    • Décidément, elle n’a pas de chance la catéchèse de droite ou de la fausse gauche avec ses soutiens. Argumentation tellement nulle que no comment.
      Mata a ri

      Pourquoi je vote Ségolène Royal
      Par Marie DARRIEUSSECQ
      QUOTIDIEN : lundi 5 mars 2007

      Marie Darrieussecq écrivain Dernier ouvrage paru : Zoo, P.O.L., 2006.

      Parce que c’est une femme...

      Il faut voter pour Ségolène Royal parce que c’est une femme.

      C’est à peu près tout ce que j’ai à dire.

      C’est l’honneur du PS d’être le premier grand parti à proposer, en France, une candidate femme à l’élection présidentielle. Que cela ne se soit pas produit plus tôt est une honte pour ce pays.
      Je laisse de côté Arlette Laguiller qui, vue de l’étranger, est un phénomène folklorique. Il suffit de l’écouter parler, d’ailleurs, ou de se rappeler Thatcher dans un autre genre, pour être persuadé(e) qu’un monde dirigé par les femmes ne serait pas plus juste ni moins violent.
      Ségolène Royal semble partager avec tous les autres candidats (et au moins autant que Nicolas Sarkozy) l’idée fixe du pouvoir, le délire de grandeur solitaire, l’énergie maniaque, cette « gnaque » qui peut laisser perplexe ou admiratif. En bref, « elle l’a », la mégalomanie indispensable pour prétendre être élu (e) président (e) de la Ve République. La force de Ségolène Royal n’est ni féminine ni masculine : elle est personnelle. Elle en veut, elle en a. On mettra ce qu’on veut derrière le « en », la libido qui la porte n’a rien à voir avec les organes de la différenciation sexuelle.
      Certes, je ne serais pas prête à voter pour une femme de droite. Et le fait que je veuille voter Ségolène parce qu’elle est socialiste, parce qu’elle représente une gauche qui, sans m’enthousiasmer, me paraît une option meilleure que les autres, cette opinion ne regarde que moi. Mais elle est « femme ». Notre « première présidentiable femme ». Enthousiaste ou pas, je veux que mes enfants, que les petits Français en général, n’aient pas les mêmes souvenirs que ma génération et toutes les générations antérieures. Cette élection peut être un moment historique ; ou du moins un moment où la France sortira de son ridicule historique.
      J’ai grandi en ne voyant que des hommes à la télévision. Le Président était « le » Président, et ses ministres étaient des hommes, comme sous Louis XIV. Je ne pouvais pas rêver au pouvoir, puisque le pouvoir était masculin. Or s’il prend à ma fille le délire ­ ou l’ambition légitime ­ de se rêver en présidente, je veux que cela lui soit possible autant qu’à mon fils, dans un monde possible pour tous les deux. Et si mon fils se retrouve un jour gouverné par une femme, je veux que cela lui semble possible aussi, sans qu’il le vive comme une anomalie ou une humiliation.
      « Voter Ségolène »... L’expression même est curieuse. L’appelle-t-on par son prénom parce que c’est une femme ? Un petit nom, pour une femme qu’on minorise, qu’on veut puériliser dans sa puissance ? On ne dit pas « voter Nicolas », encore moins « voter François » ­ et ceux qui disent « voter Jean-Marie », je me passe volontiers de leur compagnie. Mais il faut admettre que « Royal » est, en France, un nom plus répandu que le long « Ségolène », dont les syllabes chics, y compris dans la presse étrangère, la caractérisent d’emblée. Un personnage est né(e).
      Mais on dit surtout « Ségolène » parce que son nom, Royal, pose problème. « Voter Royal » sonne comme un paradoxe en démocratie. Or la Ve République est par bien des aspects un régime monarchique. S’appeler « Royal » dans cette élection est un atout qui fonctionnera peut-être dans l’inconscient national. Cette bourgeoise a quelque chose d’une reine.
      Qu’on la taxe systématiquement d’incompétence est nettement plus misogyne. On reproche beaucoup de choses aux autres candidats, mais jamais l’incompétence... Avec le parcours qu’a cette femme, comment peut-on penser une seule seconde qu’elle est incompétente en politique ?
      Quant à la compétence pour présider un pays, personne ne l’a. Y croire est un délire collectif très ancien, porté et relayé par les institutions, en particulier en France. Il se trouve que le délire a jusqu’ici été incarné par des hommes. Nous avons eu Jeanne d’Arc, une marginale ; jamais d’Elizabeth ni de Christine de Suède. En France, c’est duas habet , comme pour les papes. Et si on essayait, pas forcément d’être royalistes, mais d’être un peu moins ridicules ?