Accueil > Serial Teller

Serial Teller

Publie le mardi 19 août 2008 par Open-Publishing

Fillon nous revient en pleine forme. Il a pris des vacances.
N’écoutant que son énergie ressourcée par des vacances que n’ont pas connues la moitié des français, il saute sur le plus gros dossier de la rentrée, la Mère des dossiers, The Crisis magnus de l’annus horribilis, j’en passum et des meliorum, qui s’annonce déjà à grands nuages noirs sur la France.

Fillon décide : réunion au sommet, réunion de crise. Conf de presse pressée, formules emballées, journalistes à la manoeuvre. Un après-midi plié...

De la défaillance des petits proprios US nous arrivons à grande vitesse sur un krach qui va faire craquer les portefeuilles dans le monde entier, c’est du moins ce que tout le monde répète partout, sauf en France où demeure déployée, dans sa grande majesté, la ligne Maginot des esprits autorisés à penser pour nous.

Voilà une crise majeure de chez majeur. Tous les problèmes capitaux dont souffre le peuple français virent incandescents. Porte-monnaies : vides. Embauche : néant. Caisses publiques : asphyxiées. Chômage : métastasique. Sécu : exsangue. Justice : saignée. Armée : compressée. Moral : dépressif.

Chaussons les lunettes à mondialiser qui s’achètent dans n’importe quel Karrouf. Puisqu’il paraît que tout n’est pas rose ailleurs non plus et que cet ailleurs est peut-être même responsable du bordel d’ici. Quoique, par la main magique du Marché, cet ailleurs toujours, pourrait nous revitaliser, par quelque acrobatie logiquement contradictoire. L’important c’est d’y croire.

Que nous dit le paysage global ?..La guerre est partout, particulièrement menée par le moteur du commerce planétaire, la machine à croitre et embellir certifiée, les USA.

USA où la pauvreté endémique prolifère à la vitesse de la récession qu’on s’autorise, là-bas, à reconnaître. USA où la ségrégation raciale s’approfondit dans les inner cities comme l’explique Loïc Wacquant dans « Parias Urbains ».

USA où le chômage, si on le mesurait avec des indicateurs bérets basques n’aurait rien à envier au nôtre, sans doute.

USA où la vie à crédit n’est tout simplement plus viable et rejette dans l’ornière non seulement les prolos, mais les classes moyennes qui n’ont pas un boulot hyper-spécialisé et bankable.

USA où le sentiment d’être uni ne pourra résister longtemps aux tensions inter-communautaires que génère la posture, la politique Whasp que n’a jamais abandonnée l’upper-class, sans parler de cet acide jeté à la face de l’immense majorité des américains qui s’appelle "inégalités" et qui s’incarne dans les quelques chiffre suivants, donnés par E. Saez et T. Piketty, dans une étude publiée par le NY Times et reprise par ContreInfo :

« ...1% de revenus les plus élevés, trois millions de personnes, ont reçu la part la plus grande de la richesse nationale jamais constatée depuis 1928 : 21,8%, au lieu de 19,8% l’année précédente - une augmentation de 10% en un an. Les revenus de ce groupe, ceux qui reçoivent plus de 348 000 dollars par an, ont atteint en valeur moyenne 1,1 million par personne, en augmentation de 139 000 dollars, de près de 14%... ». La matrice économico-culturelle proclamée si fort, si longtemps, devient donc, indubitablement, stérile de nouveaux avenirs.

Dans l’UE, pas mieux. La croissance, ce bonbon qui endort les grands enfants que nous sommes, on nous la sert pour toutes nos insomnies. Mais la précipitation amène les infirmières à se mélanger les pilules, par moments...

Décla, le 30/10/2007 de chercheurs de l’OFCE, dans une note intitulée, sans rire, « Sous la crise, la croissance… »
« En moyenne annuelle, l’économie française devrait croître de 2,6 % en 2008 après 1,9 % en 2007, le taux de chômage poursuivant sa décrue pour atteindre 7,8 % à la fin de 2008. »

Neuf mois plus tard, on serre le frein à main, pour un demi-tour radical.
« Ce qui est sûr, c’est que l’année 2008 ne sera pas une bonne année, avec une croissance un peu au-dessus de 1%". Soit deux fois moins que l’année dernière : en 2007 », assure Eric Heyer, directeur adjoint de l’OFCE, le 19 Aout 2008, à l’Express.

Et le dragon ?...Faut pas oublier les chinois, ça bosse fort là-bas, du côté du Yang-Tsé !..La sous-prime, moi je te dis qu’y vont t’la karchériser d’un coup de baguette !...

Le dragon chinois devra d’abord gérer ses légères tentations despotiques qui l’amènent à faire bosser ses petites mains à fond, pour un demi-bol de riz. Quand on est au taquet, le petit livre rouge manque d’acides aminés, et la schlague n’est pas forcément gagnante contre ceux qui n’ont plus rien à perdre. Déjà que les zélites converties libéral doivent se coltiner les dizaines de millions de miséreux oubliés par le miracle OMC.

Le dragon chinois n’est de toute façon pas un foudre de guerre, avec un PIB (2005) de 7 598$ par tête en 2005 par rapport aux Etats-Unis, 43 444 la même année, selon la liste FMI. La France, dans cette même liste, est créditée d’un Pibe de 30 693$ par tête, de quoi calmer un peu les mediums des médias qui voient le péril jaune coloniser vite fait Paris-plage ou La Ciotat.

Bref, on balance les lunettes Karrouf direction poubelle, de toute façon elles étaient déjà cassées.

Conclusion : c’est total Khéops.

Alors un après-midi de leçon à nos braves journalistes, une voltige sémantique pour retourner la réalité en faveur des mots, l’obliger à ralentir le tsunami débarquant, c’est - mais le plus incroyable est qu’il faille encore le dire - à peu près aussi efficace que de servir du rêve californien au SDF rendu tout seul à quai, sur la ligne Mouise-Nulle Part.